Billet de blog 10 mars 2024

Arthur Serret (avatar)

Arthur Serret

Professeur des écoles

Abonné·e de Mediapart

À la découverte du quartier, par Jean-Charles Huver

Le dernier numéro de l'Educ Freinet s'intéresse à l'exploration du milieu de vie des enfants. Jean-Charles Huver raconte le travail de cartographie qu'il a mené avec ses élèves.

Arthur Serret (avatar)

Arthur Serret

Professeur des écoles

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L'édition Lire la pédagogie Freinet aujourd'hui ambitionne de diffuser des textes de pédagogues Freinet contemporain. L'Educ Freinet de février s'intéresse à "l'exploration de son environnement".


Dessiner son quartier pour mieux le connaitre.

Lundi matin, les responsables du courrier annoncent à la classe l’arrivée d’un colis de nos correspondant·e·s : des lettres individuelles, leur journal, de petits objets, des photos de leur école, de leur classe, de leurs maisons, ainsi qu’un plan de leur quartier.
« Ils ont une plage, il n’y a pas d’immeubles, il n’y a pas de stade, pas d’aire de jeux, ça a l’air tout petit… » Les remarques fusent, leur quartier n’a rien à voir avec celui de notre école.
« Et si nous répondions en faisant un plan de notre quartier ? » La proposition est vite adoptée : il faut faire notre plan du quartier, pas un plan tout fait comme ceux récupérés à l’Office du tourisme.

Notre plan du quartier

Dans un premier temps, nous listons tout ce qu’il nous semble important de montrer : l’école, la crèche, la gare SNCF, la poste, le club de pétanque, la salle Léo Lagrange (une salle polyvalente), la médiathèque, le collège, les commerces… La liste s’allonge, le quartier prend des dimensions aussi grandes que notre petite ville ! Nous nous arrêtons un moment pour préciser ce que nous entendons par quartier : une partie de la ville qui a sa propre vie — pour nous, le quartier de l’école et les lieux d’activités proches.
Une fois toutes et tous d’accord, nous décidons de partir planifier le quartier, individuellement, dès le lendemain matin. Les responsables se mettent aussitôt au travail : un message aux parents pour voir si certains sont disponibles pour nous accompagner, une vérification de l’état de nos supports de travail (du carton fort format A3, des pinces à linge pour tenir les feuilles et des feuilles).

Mardi matin, six parents sont présents, les enfants ont préparé leur matériel personnel, les responsables ont distribué les supports et les feuilles. Nous constituons rapidement sept groupes de quatre enfants et un adulte. Nous nous mettons d’accord sur une heure de regroupement, nous rappelons l’objet de notre travail : réaliser individuellement un plan de notre quartier. Nous partons ensuite travailler.

Mardi après-midi, en classe, présentation des différents plans. Ils sont tous très différents et parfois même assez étranges avec, malgré tout quelques points communs que nous validons comme corrects. Au fur et à mesure, je note au tableau les éléments à placer sur le prochain plan et j’ébauche un début de plan avec les éléments validés.
C’est notre quartier, normalement nous le connaissons bien, mais cette mise en commun a révélé quelques surprises : « Ah, il y a une mosquée ! C’est quoi un magasin de vrac ? Ben, il y a des pauvres à Mouans-Sartoux, on a vraiment besoin d’une épicerie solidaire ? »

Notre plan et celui de l’Office du tourisme

Mercredi matin, nous ressortons dans le quartier, mais cette fois en duo. J’ai préparé pour chaque groupe une feuille avec les éléments validés la veille : au centre l’école, la voie ferrée et la gare, la médiathèque, le terrain de boules, la salle Léo Lagrange, le parc de stationnement.
Il y a quelque temps, nous avons fait plusieurs sorties avec des boussoles et des cartes. J’ai donc « orienté » le plan, et chaque duo a reçu, en plus des plans et des supports de travail, une boussole.

Jeudi matin, nous mettons en commun les différents plans réalisés. Nous avons un échange sur l’utilité de la boussole. Certains groupes l’ont utilisée, d’autres non, mais tous ont utilisé un moyen d’orienter le plan. Le tableau sert à reproduire tout ce que nous validons. À la fin de ce temps de travail, notre plan final du quartier prend forme.
Un des enfants propose de le comparer au plan de l’Office du tourisme. Il est bien plus vide, épuré, mais contient tout ce qui pour nous est important. Nous le complétons par une légende et nous le prenons en photo pour libérer le tableau.

Jeudi après-midi, trois enfants le reproduisent et le dupliquent pour l’ensemble de la classe. Trois autres enfants préparent un courriel aux parents qui nous ont accompagné·e·s et l’envoient, une fois validé par la classe, accompagné du plan réalisé.
Trois autres enfants préparent un compte rendu de ce travail pour nos correspondant·e·s.

Vendredi matin, nous affichons le plan devant notre classe et des groupes de trois enfants partent présenter ce travail dans les autres classes de l’école. Ce qui a frappé les différents groupes, c’est que plusieurs enfants n’avaient pas les mêmes priorités que nous : certains et certaines étaient attaché·e·s à leurs clubs sportifs, à des commerces particuliers, des lieux particuliers… Nous n’avions pas noté les espaces de jeux pour les plus jeunes par exemple.

D’autres travaux

Par la suite, plusieurs enfants, en travail personnel, ont continué à travailler sur différents plans : de la classe, d’autres classes, de l’école, de leurs maisons, de leurs chambres.
Plusieurs enfants de l’école, nous ont demandé comment nous avions réalisé nos plans et si nous pouvions les aider. Lors des ateliers communs1 du mercredi matin, durant quatre semaines, des volontaires ont animé des temps de création de plans, réels ou imaginaires.
Suite à une proposition, nous avons travaillé ensemble à la réalisation d’une maquette de notre classe pour nos correspondant·e·s. Nous avons aussi pris rendez-vous avec l’épicerie solidaire, le magasin de vrac, la mosquée (en fait une salle de prières) et nous sommes allés poser nos questions. J’en ai profité pour faire écouter plusieurs morceaux d’un album des Fabulous trobadors et des Bombes 2 bal, le quartier enchantant, qui montre notamment des particularités auxquelles les habitant·e·s s’attachent, un peu comme nous avons fait en explorant notre propre quartier…

1 Chaque mercredi matin, toute l’école est en ateliers commun : après la récréation, les enfants de toutes les classes de l’école participent à des ateliers proposés par d’autres enfants et/ou des adultes.

Voir ici : https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/55619

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.