L'intérêt que les Musulmans portèrent à la science des astres devait nécessairement les conduire à l'étude approfondie des mathématiques.
Ils cultivèrent en effet avec assiduité les diverses branches de cette science.
Ils le firent avec une ardeur qui surprend quelque peu l'esprit européen, porté à considérer les Orientaux comme des imaginatifs, réfractaires aux règles rigides de la logique pure.
L'arithmétique, la géométrie et l'algèbre sont redevables aux savants Musulmans de découvertes fondamentales.
l'invention même de l'algèbre est attribuée avec beaucoup de vraisemblance aux Arabes.
Lors de la création de la "Maison de la Sagesse", le khalife al-Ma'mun avait confié sa direction à Mohammed Ibn Mûsâ al-Khawarismî, que Cardan met au nombre des douze plus grands génies du monde.
Son traité d'Algèbre (a) est intitulé Al-Gebr w'al maakalala (a') Calcul par restitution).
C'est de la première partie du titre de l'ouvrage que provient le mot "algèbre" (a") et c'est de la déviation du nom de l'auteur "Alkarizmi) qu'on a tiré l' "Algorithme".
Cet ouvrage traduit par Gérard de Crémone, "après avoir été la pierre angulaire de l'édifice mathématique édifié par les Arabes postérieurs, devait initier un jour les premiers collègues occidentaux à la fois aux beautés du calcul algébrique et à celle de l'arithmétique décimale." (1)
"L'un des meilleurs esprits scientifiques de l'islam al-Khawarizmî est sans doute l'homme qui a exercé le plus d'influence sur la pensée mathématique de tout le Moyen âge." (2)
Il est vrai que certains auteurs font venir, sans preuve plausible, cette science, ainsi que le système de numérotation décimale, de l'Inde.
D'autres en font honneur aux Grecs.
Une chose en tout cas est certaine : les progrès apportés par les savants Arabes transformèrent l'algèbre du tout au tout.
L'application de l'algèbre à la géométrie est due aux Arabes.
Elle fut l'œuvre de Thabit ben Carrah, mort en 900.
Les travaux des savants Musulmans en géométrie furent particulièrement importants.
Les Arabes en effet modifièrent entièrement cette science en ramènant la résolution des triangles à un certain nombre de théorème fondamentaux qui lui servent de base encore de nos jours.
"On avait toujours pensé que les Arabes n'avaient pas été des équations du second degré,
On fondait cette opinion sur ce que Fibonacci et Lucas de Burgo s'étaient arrêtés à ce point de la science.
Montucla, le premier la mise en doute, et a pensé que les Arabes pouvaient bien avoir traité des équations du troisième degré; il se fondait sur le titre (Algebra cubica, seu de problematum solidorum resolutione) d'un manuscrit apporté de l'Orient par le célèbre Golius, et qui se trouve dans la bibliothèque de Leyde.
Le fragment d'algèbre trouvé dans le manuscrit Numéro 1104 confirme la conjecture de Montucla et en fait un des points les plus importants de l'histoire scientifique des Arabes.
La trigonométrie est une des partie des mathématiques que les Arabes cultivèrent avec le plus de soin, à cause de ses applications à l'astronomie.
Aussi leur dut-elle de nombreux perfectionnements qui leur donnèrent une forme nouvelle, et la rendurent propre à des applicatications que les Grecs n'auraient pu faire que très péniblement.
Les premiers progrès de la trigonométrie datent d'Al-Batani (Albategni).
Ce grand astronome, surnommé le Ptolémée des Arabes, est l'heureuse et féconde idée de substituer aux cordes des arcs, sont les Grecs se servaient dans leurs calculs trigonométriques, les demi-cordes des arcs doubles, c'est-à-dire les sinus des arcs proposés.
"Ptolémée ne se servait des cordes entières que pour la facilité des démonstrations; mais nous, nous avons pris les moitiés des arcs doubles." (3)
Albatégni (b) est parvenu à la formule fondamentale de la trigonométrie sphérique, dont il a fait diverses applications.
On trouve dans ses ouvrages la première idée des tangentes des arcs, l'expression sinus/cosinus, dont les Grecs ne se sont pas servis.
Al-Batani l'a fait entrer dans les calculs de gnomique et l'appelle "Ombre étendue".
C'est la tangente trigonométrique des modernes." (4)
L'introduction des tangentes dans la trigonométrie se révéla d'une importance capitale.
"Cette heureuse révolution dans la science, qui en annissait les expressions composées et incommodes, contenant le sinus et le cosinus de l'inconnue,
ne s'est opérée que cinq cents ans plus tard chez les modernes; on en fait honneur à Regimontanus :
et près d'un siècle plus tard après lui, Copernic ne la connaissait pas." (5)
Terminons ce bref aperçu sur les mathématiques en rappelant que Nasr ed-Dine Thûsî, qui vécut au XVIII ème siècle, fut le premier à mettre en doute l'intangibilité du postulat d'Euclide.
Il doit être considéré comme le précurseur lointain de Lobatchevsky et de Rieman dans la géométrie non-euclidienne.
•
Visages de l'Islam, Haïdar Bammate, Enal, Alger, troisième édition, 1991.
Notes :
(1) Le miracle arabe, Max Vintejoux, Editions Charlot, Paris, 1950.
(2) Précis d'Histoire des Arabes, Philip Hitti.
(3) Aperçu historique des méthodes en géométrie, M. Chasles
(4) Ibid.
(5) Essai sur l'histoire des Arabes et des Maures d'Espagne, L. Viardot, Paris, 1833.
•
(a) maakalala, mot erroné, le mot exact est mouqabala مقابلة
(a') Le livre d'al-Kawarismi s'intitulant : كتاب العلم الجبر والمقابلة, soit : Kitâb al-'ilm, al-Jabr wal muqabâlât, soit : Le traité de la réduction et de la comparaison oppositionnelle.
(a") Algèbre الجبر étymologie arabe : remise (en place) de fracture. "réduction d'une fraction jusqu'à sa résolution" Herbélot, Bibliothèque orientale (page, 365), signalé par Salah Guemriche, in Dictionnaire des mots français d'origine arabe, Seuil, 2007, entrée Algèbre page 86.
(b) Autre graphie d'Al-Batani.
Bibliographie :
L'algèbre arabe : genèse d'un art, Ahmed Djebbar, Vuibert, 2005.
Choix, découpages, notes, bibliographie spécifique, E'M.C.