Bien longtemps, pour l’Occident chrétien, les musulmans furent un danger avant d’être un problème.
À la date de 793, les annales carolingiennes dites faussement d’Eginhard consignent:
«duo valde disciplencia de diversis terrarum partibus adlata sunt»
[pendant que l’empereur était ainsi occupé], deux graves épreuves vinrent de deux territoires différents.» (1)
Il s’agit de la révolte saxonne et de l’incursion sarrasine en Septimanie. (...)
Les Sarrazins ou Arabes, furent connus depuis longtemps, bien l’Islam, (a) et d’abord leur changement de religion fut à peine noté. (...)
Seuls les savants ratiocinaient sur leur nom, qu’ils croyaient dérivé de Sarah, femme d’Abraham,
alors que ces gens descendaient (comme le disait leur autre nom Agareni) de Hagar (b),
la servante chassée dans le désert avec son fils Ismaël.
Cela posait un problème. (...)
Comme dans les pays conquis d’Orient,
des légendes dépréciatives et injurieuses circulaient dans les masses chrétiennes et juives,
mêlées à des impressions plus justes tirées des contacts quotidiens.
Comme chez les chrétiens soumis d’Orient également (évoquons Jean Damascène), les intellectuels essayèrent de pousser un peu plus loin l’analyse de l’ideologie musulmane
à seule fin d’en combattre l’influence possible.
Mais l’ardeur militante d’Euloge, d’Alvar et de leurs partisans dans la courte durée de 850 à 859,
leurs efforts (vains) pour convaincre la hiérarchie et les masses chrétiennes,
leur soif du martyre enfin
les préparaient mal
à un effort intellectuel profond
pour connaître
et comprendre l’adversaire. (2)
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Notes :
(1) Annales regni Francorum, Ed. F. Kurze, Hannover, 1895.
(2) Cf. Résumé des faits, in. E. Levi-Provençal, Histoire de l’Espagne musulmane, 2ème édition, I, Paris et Leiden, 1950, p. 255, ss.
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Le miroir de l’Islam, chez les chrétiens orientaux au Moyen-Âge (VII - XIe siècle), A. Ducellier, Paris, Julliard, 1971,
La fascination de l’islam, Maxime Rodinson, PCM Maspero, 1980.
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Notes E’M.C.
(a) Tous les auteurs cités dont Maxime Rodinson, transcrivent l’Islam en majuscule dans son acception civilisationnelle,
lors que le mot sous la plume des orientalistes suivants est noté en minuscule selon la stricte acceptation religieuse.
(b) On note aussi, Agariens, Hagariens, sous d’autres plumes, selon la proximité étymologique.
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Choix, découpage, notes et différées, chapô, E’M.C.