«L’inaliénalité de la liberté est un des principes fondamentaux et incontestés de l’islam.» Elwahed, cité par D. Graeber.
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Les guerres d’expansion et le commerce
avec l’Europe
et l’Afrique
produisaient un flux d’esclaves assez régulier;
néanmoins -
le contraste
avec le monde antique
est ici assez spectaculaire -,
très peu
étaient envoyés travailler
dans des fermes ou des ateliers.(a)
•
La plupart servaient d’ornement
dans les maisons des riches ou,
de plus souvent au fil du temps,
devenaient soldats.
•
De fait,
au cours de la dynastie abbasside
(750-1258),
l’empire s’est mis à peupler
ses forces armées
presque exclusivement
d’esclaves militaires bien entraînés,
les mamelouks,
capturés ou achetés dans des steppes turques.
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Cette politique
- employer des esclaves comme soldats -
a été conservée
par l’ensemble des États successeurs islamiques,
Moghols compris;
son apogée a été le célèbre sultanat
mamelouk en Égypte
au XIIIe siècle.
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Mais c’était un phénomène historique
sans précédent. (65)
•
À la plupart des époques
et dans la plupart des lieux,
les esclaves,
pour des raisons évidentes,
étaient vraiment les derniers
qu’on laissait approcher des armes.
•
Ici,
on les armait systématiquement.
Et,
curieusement,
ce système était parfaitement sensé:
si les esclaves sont,
par définition
des personnes qui ont été coupées de la société,
l’esclave soldat
était la conséquence logique
du mur
qui s’était créé
entre la société et l’État
islamique médiéval. (66)
•
Les religieux, semble-t-il ont fait tout ce qu’ils ont pu pour faire monter ce mur encore plus haut.
Ils dissuadaient souvent les fidèles de servir dans l’armée (car cela pouvait les amener à combattre d’autres croyants) - c’était l’une des raisons du recours aux esclaves soldats.
Dans le système juridique qu’ils avaient créé,
il était impossible
de réduire en esclavage
les musulmans
(ainsi d’ailleurs que
les sujets chrétiens
ou juifs du Califat).
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On constate ici qu’Elwahed, (b),
pour l’essentiel,
avait raison.
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Le droit islamique
s’est effectivement attaqué
à l’ensemble des abus
les plus notoires
des sociétés antérieures,
celles de l’Âge axial. (c)
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L’esclavage par enlèvement,
par condamnation judiciaire,
pour dettes,
l’exposition
ou la vente des enfants,
et même
la vente volontaire de soi-même -
toutes ces pratiques ont été interdites,
ou réputées nulles et non avenues
devant un tribunal. (67)
•
Il en a été de même
pour toutes les autres formes de péonage (d)
qui menaçaient
en permanence
les paysans pauvres
du Moyen-Orient
et leurs familles
depuis l’aube de l’histoire écrite.
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Enfin,
l’islam
a strictement interdit
l’usure,
qu’il définissait
comme tout accord
prévoyant le prêt d’argent (d)
ou de marchandises
avec des intérêts,
pour quelque raison que ce soit. (68) (e)
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Dettes: 5000 ans d’histoire, David Graeber, Les liens qui libèrent, 2013
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Notes D.G.
• (65) Et, par la suite, il n’est jamais arrivé non plus que des esclaves soient employés comme soldats, sauf dans des circonstances momentanées et anormales (par exemple dans les Mandchous, ou aux Barbades).
• (66) Il paraît révélateur que (1) l’ «inquisition» de 832, la tentative manquée des Abbassides pour prendre le contrôle des oulémas, (2) la plus importante conversion de masse des sujets du Calife à l’islam, dont l’apogée se situe dans la période (825-850), et (3) l’ascension définitive des soldats esclaves, souvent datée de 838, aient eu lieu à peu près simultanément.
• (67) Elwahed (1931), p.111-135. Comme il l’écrit (ibid., p.127, «l’inaliénabilité de la liberté est un des principes fondamentaux et incontestés de l’islam».
Les pères n’ont pas le droit de vendre leurs enfants, et les gens n’ont pas le droit de se vendre eux-mêmes
- ou du moins, s’ils le font, aucun tribunal ne reconnaîtra les droits de propriété en résultant.
J’observe que cette position est diamétralement opposée à la perspective du «droit naturel» qui s’est développée plus tard en Europe.
• (68) Il existe une controverse sur ce point: certains chercheurs parmi lesquels des spécialistes musulmans contemporains opposés au mouvement de l’économie islamique, soutiennent que le [RIBA] qui est [CONDAMNÉ SANS ÉQUIVOQUE DANS LE CORAN] ne désignait [désignerait] pas à l’origine [l’origine de quoi -par-devers le TEXTE] l’ «intérêt», en général, mais une pratique arabe préislamique qui sanctionnait le retard de paiement en doublant la somme due, et que la condamnation de l’intérêt en bloc, est une erreur d’interprétation
(par exemple, Rahman 1964; Kuran 1995.
[parenthèse confuse à foison]
Je ne suis pas en mesure d’intervenir dans ce débat. (...)
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Notes E’M.C.
(a) Par exemple les enfants exploités (entre autres) pour le compte d’entreprises de textiles (et autres) estampillées de marques (Ralph Lauren, etc.) de manière extradée dans les pays d’Asie...pour échapper aux sanctions du consortium l’UE.
(b) Il s’agit de Ali Abd Elwahed (1931), voir bibliographie.
(c) Âge axial - appellation cylindrée pour Moyen-Âge.
(d) péonage -de peôn esp. prob. ar. bâ’in- Ouvrier agricole pauvre [plus excactement appauvri par un système discriminatoire] d’Amérique du Sud. Voir, Khamâs algérien sous statut colonial.
Par conséquent, toute exploitation, par définition appauvrissante & de facto avilissante de l’ouvrier sous une Institution d’Exploitation étatique ou privée ou en partenariat de profits.
(e) note réservée à une publication personnelle ultérieure.
Sachant que [D. Graeber le souligne dans sa note 68, page 638 de son livre]
le Coran est sans la moindre ambiguïté au sujet de la Riba - l’usure (honni du reste même en «Occident»
avec insistance en de nombreux versets, le Riba cyniquement maquillée par les banquiers en «profits» (mot bateau), «investissement» «plus value» «taxes» «crédit» «emprunt» etc.
sortis de la perfide prestigitation des économistes qui surgissent à tout bout de champ pour justifier l’esclavage par l’endettement aux biens & aux infinis «nouveautés» le tout appété par l’incessant viol publicitaire & violations à caractère ubiquitaire-s.
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Bibliographie révélée (entre autres)
• Contribution à une théorie sociologique de l’esclavage.
Étude des situations génératrices de l’esclavage.
Avec appendice sur l’esclavage de la femme
& bibliographie critique,
Paris, Albert Mechelink.
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Choix, découpage, séquençage, notes et notes réservées, bibliographie, liens, chapô, toutes mises entre crochets], E’M.C