A propos du Massacre de Thiaroye (1944): L’ Ego fait mentir l’histoire coloniale.
A l’occasion d’une déclaration de Myriam Cottias, alors présidente du CNMHE, j’avais montré, dans mon article1 du 20 juin 2016, comment le révisionnisme ou le négationnisme historique sont toujours reconduits par les historiens de l’esclavage et de la colonisation les plus patentés sous l’influence des media ou des plateaux cathodiques, lesquels usent de ces tromperies pour diminuer la responsabilité de l’État, ce que reconnaissants, les serviteurs de l’État leur rendent bien en favorisant leur notoriété.
L’étude du massacre de Thiaroye perpétré en 1944 en apporte un exemple supplémentaire, que je ne décrirai pas, puisque la vidéo2 que je présente ici en dit l’essentiel. Au moins deux historiens s'opposent sur ce crime colonial, le populaire Pascal Blanchard et Armelle Mabon, qui par ses recherches et ses fouilles d'archives a découvert le mensonge d'État sur le massacre prémédité de Thiaroye tel qu'elle le nomme, enterré sous le sceau du secret d’état.
De ce massacre organisé à des fins de spoliation du solde des combattants Africains, dits « tirailleurs sénégalais », Armelle Mabon3 dévoile la stratégie du complot qui, du reste, a continuellement étançonné les crimes coloniaux et cela depuis les premiers temps de la traite des Noirs jusqu’à la période de la Françafrique, dont les avatars structurels fonctionnent toujours.
Mais elle démasque de plus le manque de rigueur scientifique de Pascal Blanchard4, tout au service d’une histoire forgée pour satisfaire les intérêts du roman national, quand corollairement celle-ci sert ses intérêts personnels de promotion et de réputation.
Les contrefaçons du massacre de Thiaroye produites par Pascal Blanchard5, outre une narration tronquée des faits de conspiration de l’État Français, inscrivent cet historien dans cette cohorte de négationnistes que j’ai maintes fois dénoncé dans mes tribunes. Moins que des historiens, ils s’étalent - au sens propre et figuré - comme des producteurs de mémoire ... Loin du champ scientifique.
Faut-il leur rappeler que si inéluctablement l’histoire produit la mémoire collective, là n’est pas sa finalité. Faut-il leur rappeler les règles de validité scientifique, voulant que les conditions socio-historiques de l’émergence de l’objet de recherche doivent subir cette épreuve du feu qu’est l’auto-critique, menée sous la loupe de son rapport personnel à l’objet de recherche.
Marcel Gauchet nous y invite en ces beaux mots :
« La société des individus est en même temps la société qui se conçoit clairement et globalement comme historique, c’est-à-dire comme traversée et produite par un ou des processus pourvus de leur logique propre, de leur nécessité interne, à déchiffrer au-delà et contre ce que les individus croient mettre dans leurs faits et gestes et posséder du sens des événements où ils sont pris »6 -
Dans l’étude du Massacre de Thiaroye, Armelle Mabon passe haut la main cette épreuve. Quant à Pascal Blanchard, son Ego le propulse loin de l’âge de l’initiation.
Et quand dans l’émission C à vous du 11 juin 20207, ce dernier évalue le déboulonnage des statues coloniales comme l’œuvre d’« excités », sa séduction du très grand public ajoutée à celle du réactionnaire Éric Naulleau présent sur le plateau, l’a bien confondu dans tout son opportunisme.
2 Réalisée par Peter Lema, suite au Cycle Marronnage et Réparations du 12.10.2020.
4 https://blogs.mediapart.fr/armelle-mabon/blog/140720/thiaroye-1944-lettre-pascal-blanchard
5 Voir le documentaire Décolonisations, du sang et des larmes du 6.10.2020
6. Gauchet Marcel. De l'avènement de l'individu à la découverte de la société. (p. 460) In: Annales. Economies, sociétés, civilisations. 34ᵉannée, N. 3, 1979. pp. 451-463 -
7 Faut-il déboulonner les statues liées au racisme ? - C à Vous – 11/06/2020 https://www.youtube.com/watch?v=G7deTNcUYn8