Billet de blog 20 janvier 2021

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Pierre Carpentier

MÉMOIRES DE L'EAU. "Les songes de nos vivants prennent à l'eau, la source et le sel ! À la terre, le sang et la force ! Au vent, nos sacrifices livrés en confiance. Assez de ces supplices ! Les poèmes ne sont pas fait pour les chiens ! Ils portent nos libertés souveraines ! lls sont le parfum de nos royaumes ! Sois vaillant à la tâche attaquante que nous te confions ! Les dominations nous mitraillent encore mais tu répondras à ce juste tourment du devoir ou détourne toi à jamais de notre appel ! En toutes directions que tu choisisses tu nous reviendras et nos comptes te seront remis ! Pour notre générosité, tiens en partage le calme des eaux !". (Extrait "d'IRACOUBO. L'Épicentre des Eaux", 2014). " MAIS ALORS, LA GUYANE ? Une infinité que nous imaginons gorgée d'eaux et de bois. Les Guyanais demandent que les Martiniquais et les Guadeloupéens les laissent en paix. Nous avons pas mal colonisé de ce côté. C'est pourtant comme une attache secrète que nous avons avec le Continent. Une attache poétique, d'autant plus chère que nous y renonçons. D'autant plus forte que fort sera le poids des Guyanais dans leur pays. Des chants comme des rapides à remonter, des poèmes comme autant de bois sans fond." ÉDOUARD GLISSANT in LE DISCOURS ANTILLAIS (P 775).

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Mort à son domicile du poète guyanais, écrivain et homme politique, Serge Patient

Indépendamment du « politique » qu’il incarna d’une part, comme tout élu.e en colonialcratie française, c’est à dire désincarné.e de sa patrie par la permanence des mandats surdéterminés qu’offre la « métropole », le poète nationaliste survécu, d’autre part, près de 10 ans après la désapparition de son fidèle ami et frère de lutte martiniquais, le poète Ėdouard Glissant en février 2011.

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MÉMOIRES DE L'EAU. "Les songes de nos vivants prennent à l'eau, la source et le sel ! À la terre, le sang et la force ! Au vent, nos sacrifices livrés en confiance. Assez de ces supplices ! Les poèmes ne sont pas fait pour les chiens ! Ils portent nos libertés souveraines ! lls sont le parfum de nos royaumes ! Sois vaillant à la tâche attaquante que nous te confions ! Les dominations nous mitraillent encore mais tu répondras à ce juste tourment du devoir ou détourne toi à jamais de notre appel ! En toutes directions que tu choisisses tu nous reviendras et nos comptes te seront remis ! Pour notre générosité, tiens en partage le calme des eaux !". (Extrait "d'IRACOUBO. L'Épicentre des Eaux", 2014). " MAIS ALORS, LA GUYANE ? Une infinité que nous imaginons gorgée d'eaux et de bois. Les Guyanais demandent que les Martiniquais et les Guadeloupéens les laissent en paix. Nous avons pas mal colonisé de ce côté. C'est pourtant comme une attache secrète que nous avons avec le Continent. Une attache poétique, d'autant plus chère que nous y renonçons. D'autant plus forte que fort sera le poids des Guyanais dans leur pays. Des chants comme des rapides à remonter, des poèmes comme autant de bois sans fond." ÉDOUARD GLISSANT in LE DISCOURS ANTILLAIS (P 775).

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Illustration 1
Serge Patient
Illustration 2
Serge Patient (à gauche), au bar des Palmistes à Cayenne, le 27 avril 2011. Èkriven gwiyanè Serge Patient, éditèr martinikè JBD, endépandantis raymond Charlotte, ékriven gwiyanè Pierre Carpentier, ké ékriven gwadlupéyen Pépin bar des Palmistes à Cayenne.

Serge Patient, 24 mars 1934 - † 19 janvier 2021


La mort du poète a ceci de différent de celle du commun des mortels qu'elle nous frappe par l'ampleur culturelle symbolique du travail qu'il a passionnément accompli pour tous, avec une soudaineté qui étourdit. Figeant notre pensée dans l'instant, où nous avons compris qu'il fait désormais partie de nos jeunes ancêtres.

On savait que l'homme ferraillait dur à Cayenne, contre la maladie, repoussant une à une les roches qui barraient le soleil de ses jours, et les razié, les yanman (les broussailles), les étoiles de ses nuits.

À titre personnel, je dois au poète l'amicale filiation de la discipline qu'il m'a transmise par l'alliance du sang versé dans les armes miraculeuses du lignage libérateur et fraternel (*).

À titre fédérateur et collectif, nous lui devons ce chant initiatique et l'hymne poétique de la patrie (**) guyanaise contre l'exil intérieur, contre l’exil de nous-mêmes, contre l'exil de notre terre. (***)

Soley’ !

Pyèr.

(*) : Voir le produit des entretiens téléphoniques réalisés avec Serge Patient de janvier à avril 2019 pour les besoins de ma contribution au colloque international sur le Discours Antillais d’Édouard Glissant, en trois sessions à Paris, à Cambridge, en Martinique et en Guadeloupe. intitulée : "Le Discours Antillais, manifeste anticolonialiste et poétique de la nation Martinique. Un rapprochement guyanais", ici : 

(**) : Extrait de : "Littérature et société : La Guyane". Catherine Le Pelletier. Ibis Rouge Editions. Espace Outre-Mer. Matoury, Guyane, 2014.

"Je suis guyanais et je me veux tel, mais les intérêts politiques, économiques et culturels de cette terre dont je me réclame échappent juridiquement à mon contrôle. En d'autres termes, je suis comme un exilé dans ma propre patrie. Je n'ai littéralement pas le droit de penser.  Je n'ai pas de problème à résoudre : je suis un "irresponsable". Mais je suis, en quelque sorte, un "initié" : initié à ma propre histoire qui m'échappe, et qu'il s'agit de récupérer." Serge Patient. Circonstances Guyanaises, in Présence Africaine, juin-juillet 1958, p. 77-85.

(***)

"Lorsque je dis : exil

je ne sais plus très bien

s'il est accidentel

ici ou bien ailleurs je m'éprouve

exilé de ma terre

exilé de moi-même [...]"

Serge Patient, Le Mal du Pays, Poètes de notre temps, n°365, 1967, p. 12.

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