Billet de blog 24 juin 2010

Pierre RATERRON (avatar)

Pierre RATERRON

Artite plasticien multi-medias, Novelliste ,Chroniqueur

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VI - L'enfant d'Alexandrie...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

De retour à Alexandrie, nouveau quartier, Chatby au 1 rue Calamaque, dans la proche banlieue résidentielle… Pierre découvre le nouvel appartement, spacieux, au quatrième étage, dont le balcon à balustres donne sur la Corniche et la plage. Il arrive à distinguer au loin sur la gauche, les brisants de la Silsilée, qui défendent le port Est, celui de Cléopâtre…. En contrebas de la chaussée de la Corniche, la pulsion alternée du ressac lui parvient, atténuée par une houle ample qui dépose les vagues sur le sable pentu : nous sommes en Méditerranée où la plage plonge hardiment dans la mer… Sur la pointe des pieds, il fixe loin devant lui un point, bien au-delà de l’horizon comme pour apercevoir d’où il est venu, de France… Il sent confusément que ses émois de septembre ne se reproduiront plus… Il murmure : « Adieu Cosette, adieu Marcel… » Reverra-t-il un jour ses cousins de St Rémy?... L’interrogation reste en suspens, bien vite oubliée car l’avenir pour Pierre est plein de promesses : c’est tout à l’heure, le bain du soir……………………………………………………………………………………………………………....................................................... La Corniche est belle, en cette fin d’après-midi. On est en 1941, Pierre a neuf ans. Une brise légère s’est levée qui dilue les brumes de chaleur et apaise les corps… L’air est plus « transparent »… La nuit dernière, avec ses parents et ses frères, ils ont passé plus de trois heures dans l’abri de l’immeuble. Les bombardiers italiens ont « arrosé » les quartiers résidentiels ; des bombes sont tombées à proximité, il ya eu des morts et des blessés. Toute la matinée, sur la Corniche et dans les rues adjacentes, les sirènes des pompiers et des secours d’urgence… Georges-Mathieu fait partie de la Défense Passive, avec son casque anglais sur lequel a été peint un écusson Français. Pierre en est très fier…. Il n’a pas pu se baigner ce matin, mais à présent il est bien décidé à se rattraper. Il éprouve un besoin physique à se baigner dans la mer….Le temps de sortir de l’appartement au 4ème, d’emprunter l’ascenseur à piston , de traverser la Corniche en courant et de descendre sur la plage juste derrière leur cabine, Pierre est déjà en maillot de bain et pénètre sans tarder dans l’eau. A quelques mètres du rivage il s’ébat et savoure un long moment ce « bain du soir », instant rituel de liberté, avant les devoirs, puis le dîner et enfin le coucher propice aux rêves qu’il appelle de tous ses vœux… Soudain, en un jaillissement irisé d’écume, il sort de l’eau et se précipite sur le sable encore chaud, à plat ventre, le menton au creux de ses avant-bras repliés. Il garde les yeux obstinément fermés comme pour mieux ressentir, hors du monde, le sable qui l’épouse, le bruissement des vagues et puis ces effluves mêlées, si caractéristiques en cette fin de journée, de graines de sésame et de pépins de pastèque grillés que des marchands ambulants proposent aux promeneurs qui apprécient ces premiers instants de fraicheur sur la Corniche… Là, tout son être aux aguets, il retrouve avec jouissance les sensations qui lui sont familières : le sable qui se refroidit au contact de son jeune corps, ses jambes qui s’aventurent à la recherche du sable chaud… Il s’en repait, encore et encore, explorant avec gourmandise la frange de sable inconnue qu’il découvre au hasard de son exploration méthodique et qui, demain à la même heure constituera, à nouveau, un territoire à conquérir aux limites de son monde reconnu…Ici, plus qu’ailleurs, il est libre, hors de portée de toute contrainte, de tout ordre donné, de tout rappel… Où es-tu, enfant d’Alexandrie, qui sait happer ta liberté pour mieux la laisser s’échapper et pouvoir, enfin, rêver d’elle ?...

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