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Palestine

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Billet de blog 7 février 2016

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MASSIGNON, DERRIDA, LEVINAS

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               SURCIRCONSPECTION 

Tout en voulant mentionner d'un côté de souci de Massignon pour les réfugiés palestiniens de la guerre de 1948 (souci que Derrida lui-même ne semble pas partager) en citant cette entrée de son journal daté de 1949 (et tout en donnant à tort 1923 pour l'année d'écriture des Trois prières) Derrida souhaite rappeler à ses lecteurs certains indices de la position de Massignon quant aux Juifs.

Il conclue que le catholicisme français bourgeois de Massignon "à quoi on pourrait ajouter encore d'autres traits [...] laisse pressentir au moins quelque probabilité d'antisémitisme." (1)

            MASSIGNON À LA LOUPE 

Derrida cherche ici à souligner que l'abrahamique doit avoir été inclusif, tout en démontrant comment,  chez Massignon, il lui arrive de glisser dans un domaine d'exclusion, qui vise en l'occurrence les Juifs.

                  SOUCI DE MASSIGNON

Le motif de Massignon, en invoquant l'abrahamique, était un aveu d'amour chrétien pour les autres enfants d'Abraham ponctué par des critères racialistes, mais les positions de Levinas sur les Palestiniens ne sont pas moins troublantes.

                 À DÉCROCHE FOCALE

Or, Derrida semble prêter moins d'attention à l'éthique anti palestinienne de Levinas, excluant les Palestiniens de l'abrahamique, qu'au probable à antisémitisme de Massignon, bien qu'il prenne soin de nous rappeler que "Levinas ne déclare jamais que le plus grand respect pour l'islam." (3)

                  VISION SIONISTE 

La vision du sionisme chez Levinas est importante à cet égard, étant donné qu'il le représente comme un mouvement engagé dans une politique éthique, ou ce qu'il appelle "politique monothéiste" (4)

             DE L'AUTRE À L'ESTIME 

Interrogé ainsi à la radio par Shlomo Malka après les massacres de Sabra et Chatila en 1982:

" Est-ce que l'histoire, est-ce que le politique, n'est pas le lieu même de la rencontre de l'"autre", est-ce que l' "autre" pour l'Israélien, n'est pas d'abord le Palestinien ?"

Levinas répond: 

"Ma définition de l'autre est tout â fait différente.

L'autre c'est le prochain, pas nécessairement le proche, mais le proche aussi.

Et dans ce sens-là, étant pour l'autre, vous êtes pour le prochain.

Mais si votre prochain attaque un autre prochain  ou est injuste avec lui, que pouvez-vous faire ?

Là, l'altérité prend un autre caractère, là, dans l'altérité peut apparaître un ennemi, ou du moins là se pose le problème de savoir qui a raison et qui a tort, ce qui juste et qui est injuste.

Il y a des gens qui ont tort." (5)

                ESQUIVE DE LEVINAS

Cette manière subtile d'exclure les Palestiniens de l'abrahamique en acquiesçant à la terreur israélienne venue soutenir le prochain-chrétien-maronite est justifiée, par Levinas, à partir de fondement éthique, bien que Saïd crût généreusement que la position de Levinas, comme celle de Martin Buber avant lui, manquait simplement certaines "dimensions éthiques". (6)

                LE(s) TU(s) DE DERRIDA 

Derrida aussi semble avoir peu à dire, voire rien du tout, des massacres de Sabra et Chatila, bien qu'Anidjar, dans une fine lecture du silence de Derrida, cherche à lui faire dire ce qu'il devrait dire sans pouvoir le dire. 

                                 •

Notes :

(1): Derrida, Ibid.

(2): Ibid, page 367.

(3): Emmanuel Levinas, L'au-delà du verset. Lectures et discours talmudiques, Minuit, 1982.

(4): Emmanuel Levinas, Débat sur Radio-Communauté entre Emmanuel Levinas, Alain Filkenkraut, et Shlomo Malka sur le thème "Israël et l'éthique juive" au lendemain de la tragédie de Sabra et Chatila, émission du 28 septembre 1982, texte publié dans la revue Les Nouveaux Cahiers, num. 71, 1983, page 5.

Leora Banitzky, Leo Strauss and Emmanuel Levinas : Philosophy and the Politic of Revelations (West Nyack, New York, Cambridge University Press, 2002, page 153.

(5): Edward Saïd, The End of the Peace Process, page 208.

IL me faut noter ici que trois ans plus tard, évoquant une conversation avec Levinas qui avait eu lieu lors d'une conférence en 1965, Dertida exprima furtivement une inquiétude de ce que Levinas fût identifié lui-même comme un  catholique et André Néher comme un protestant, oblitérant "l'islamo-ibrahimique".

Voir, Jacques Derrida, Avouer - l'impossible: "retours", repentirs et réconciliation", in Comment vivre ensemble, Actes du XXX II ième Colliqye des intellectuels juifs de langue française, Albin Michel, 2001, page 186.

(6): Voir G. Anidjar, "Introduction" op.cit. pp. 25-26.

(7): E. Saïd, L'Orientalime, op.cit. page 137.

(8): Gil Anidjar, "Introduction" op.cit. page 20

La persistance de la question palestinienne, Joseph A. Massad, La Fabrique, 2009.

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