D'après l'esprit de ses lois, l'État d'Israël appartient davantage à des personnes non israéliennes qu'à l'ensemble des citoyens qui y résident.
Il s'affirme plus comme le patrimoine national des "nouveaux juifs" du monde (Paul Wolfowitz, ancien président de la banque mondiale, lord Michael Levy, le célèbre philanthrope britannique, Dominique Strauss-Kahn, ancien directeurc général du FMI, oû Vladimir Gusinsky, l'oligarque russe résident en Espagne) QUE les 20% de ses citoyens identifiés comme arabes, dont les parents, les grand-parents et les arrière-grand-parents sont nés sur son territoire.
Ainsi, certains nababs, du monde entier, d'origine juive se sentent le droit d'intervenir dans la vie d'Israël : en investissant dans les médias et dans le dispositif politique, ils influent de plus en plus sur ses dirigeants et sur ses orientations.
On trouve aussi parmi les "nouveaux juifs"des intellectuels qui savent que l'État des juifs est à eux.
Bernard-Henri Lévy, Alan Dershowitz, Alexandre Adler ou Howard Jacobson, David Horowitz ou Henryk Broder, et des dizaines d'autres adeptes du sionisme, actifs dans divers champs des médias de masse, ne se trompent pas dans leurs préférences politiques : contrairement à ce que furent Moscou pour les anciens communistes non soviétiques et Pékin pour les maoïstes des années 1960, Jérusalem est bien leur propriété.
Ils n'ont pas à connaître, pour cela, l'histoire ou la géographie du lieu ni à apprendre ses langues (l'hébreu ou l'arabe), y travailler, y payer des impôts ou, à Dieu ne plaise, s'engager dans son armée !
Il leur suffit d'effectuer une brève visite en Israël, d'obtenir une carte d'identité, d'y acquérir une résidence secondaire, avant de s'en retourner à leur culture nationale et à leur langue maternelle, tout en demeurant pour l'éternité propriétaires de l'État juif; quelle chance de naître d'une mère juive !
Les habitants arabes d'Israël, en revanche, s'ils épousent une Palestinienne des territoires occupés, n'auront pas le droit de la faire venir en Israël de peur qu'elle n'en devienne citoyenne et n'augmente par là même le nombre de non-juifs en Terre promise.
Soyons exacts : si un immigrant identifié comme juif arrive de Russie ou des États-Unis avec son épouse non juive, celle-ci aura droit à la citoyenneté, mais ni elle ni ses enfants ne seront considérés comme juifs, sauf à se convertir selon la loi religieuse.
AU PAYS DES "NOUVEAUX JUIFS"
Autrement dit, au pays des "nouveaux juifs", le fait de ne pas être arabe l'emporte sur le fait de ne pas être juif.
Les immigrés "blancs" venus d'Europe ou d'Amérique, bien que non-juifs, ont toujours bénéficié d'un accueil plus tolérant.
pour amoindrir le poids démographique des Arabes, il a même été jugé préférable d'affadir un peu l'État juif par dilution de non-juifs à condition qu'ils soient européens blancs.
Pour autant l'État des Juifs n'est pas si juif que cela !
PAS SI JUIF QUE ÇA
Être juif én Israël n'implique pas de devoir respecter les commandements ou de croire au Dieu des juifs.
On peut se divertir avec des croyances bouddhistes, comme avait coutume de le faire David Ben Gourion, ou manger des crevettes grises, comme Ariel Sharon.
On peut rester tête nue, comme la plupart des dirigeants d'Israël et ses chefs militaires.
Certes, les transports publics ne fonctionnent pas durant le shabbat, mais on peut utiliser son véhicule particulier.
On peut gesticuler et s'invectiver sur les terrains de football le jour du repos sacré sans qu'aucun politique religieux n'ose protester.
Même le jour de Kippour, le plus sacré de toute la foi juive, les enfants d'Israël peuvent s'amuser avec leurs vélos dans toutes les cours de la ville.
Tant qu'elles ne viennent pas des Arabes, les manifestations antijuives demeurent légitimes dans l'État des "juifs".
QUE SIGNIFIE ÊTRE "JUIF" EN ISRAËL ?
Que signifie donc être "juif" dans l'État d'Israël?
Être juif en Israël signifie être un citoyen privilégié qui jouit de prérogatives refusées à ceux qui ne sont pas juifs, particulièrement aux Arabes.
SI l'ON EST JUIF
Si on est juif, on peut s'identifier à l'État qui se dit le reflet de l'essence juive.
Si l'on est juif, on peut acheter des terrains alors qu'un citoyen non-juif n'aura pas le droit de les acquérir.
Si l'on est juif, même si l'on n'envisage de séjourner en Israël qu'à titre temporaire avec un hébreu balbutiant, on peut devenir gouverneur de la Banque d'Israël, banque centrale de l'État, qui n'emploie aucun citoyen israélien-arabe.
Si l'on est juif, on peut être ministre des Affaires étrangères et résider à titre permanent dans une colonie située à l'extérieur des frontières juridiques d'Israël, à côté de voisins palestiniens privés de tous droits civiques et dépourvus de souveraineté sur eux-mêmes.
Si l'on est juif, on peut installer des colonies sur des terres qui ne nous appartiennent pas, mais aussi circuler en Judée et Samarie sur des routes de contournement, là où les habitants locaux n'ont pas le droit d'aller et de venir librement, à l'intérieur de leur patrie.
Si l'on est juif, on ne sera pas arrêté aux barrages, on ne sera pas torturé, personne ne viendra fouiller notre maison en pleine nuit, on ne sera pas pris par erreur comme cible de tir, on ne verra pas par erreur sa maison démolie...
Tous ces actes, qui s'accumulent depuis près de cinquante ans, ne sont destinés et réservés qu'aux Arabes.
Dans l'État d'Israël du début du XXIième siècle, être juif ne correspond-il pas à ce qu'était la situation du blanc dans le sud des États-Unis des années 1950 ou à celle des Français dans l'Algérie d'avant 1962
Le statut du juif én Israël ne ressemble-t-il pas à celui de l'Afrikaner dans l'Afrique du Sud d'avant 1994 ?
Comment quelqu'un qui n'est pas un religieux croyant, mais simplement un humaniste, démocrate ou libéral, et doté d'un minimum d'honnêteté, peut-il continuer de se définir comme juif ?
Le descendant de persécutés peut-il se laisser englober dans la tribu des nouveaux juifs laïcs qui voient Israël comme leur propriété exclusive?
Le simple fait de se dire juif én Israël ne constitue-t-il pas un acte d'affiliation à une caste privilégiée, qui crée autour d'elles d'insupportables injustices?
ÊTRE JUIF LAÏC FORS ISRAËL
Et que signifie être juif laïc en dehors d'Israël ?
La position prise par Julian Tuwin ou celle de mes parents qui ont erré en Europe comme réfugiés a-t-elle encore une validité morale [aujourd'hui] ?
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Comment j'ai cessé d'être juif, Shlomo Sand, Flammarion, 2013, 2015.
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Choix, découpage, chapô, E'M.C.