J'aI fait un rêve utopique et évanescent :
le Palestino-Israélien se sentait à Tel-Aviv comme le comme le Judéo-Américain se sent à New York!
Je luttais pour que dans mon pays la vie civile de l'Israélien musulman à Jérusalem soit semblable à celle du Francais juif qui habite à Paris.
Je souhaitais que les enfants israéliens de l'immigrée africaine chrétienne soient traités comme le sont à Londres les enfants britanniques de l'immigrée venue du sous-continent Indien.
J'ai espéré de tout cœur que tous les élèves israéliens soient accueillis, en commun, dans les mêmes écoles.
RÊVE ANTISÉMITE
Je sais aujourd'hui que mon rêve était outrageusement exigeant, que mes demandes étaient impertinentes : le fait même de les formuler est considéré par les sionistes et leurs partisans comme une atteinte au caractère juif de l'État d'Israël, et donc comme une marque d'antisémitisme.
Cependant, aussi étrange que cela paraisse, et au contraire de l'identité juive laïque verrouillée, l'israélité - représentation politico-culturelle et non pas "ethnique" - a un potentiel d'identité ouverte et intégrative.
Selon la loi, on peut en effet être citoyen israélien sans être "juif ethnique laïc", participer à sa haute culture tout en conservant de multiples "infra-cultures", parler la langue hégémonique et cultiver parallèlement une autre langue, maintenir des modes de vie variés et en fusionner certains.
Pour concrétiser ce potentiel politique républicain, il aurait fallu depuis longtemps renoncer à l'hermétisme tribal, apprendre à respecter l'autre, l'accueillir en égal et rendre compatibles les lois constitutionnelles d'Israël avec les pratiques démocratiques.
Et au cas où on l'avait oublié :
avant d'émettre des idées sur un changement de la politique identitaire israélienne, il faudrait déjà se libérer de cette maudite et interminable occupation qui nous mène en enfer.
La relation avec l'autre, citoyen de second rang en Israël, est inextricablement liée à la relation avec celui qui vit dans une immense détresse, tout en bas de la chaîne des actions de grâce sionistes.
Cette population opprimée, vivant sous occupation depuis bientôt cinquante ans, privée de droits politiques et civiques, sur une terre que "l'État des juifs" considère comme sienne, est abandonnée par la politique internationale.
Je reconnais que mon rêve de la fin de l'occupation et de la création d'une confédération entre les deux républiques, israélienne et palestinienne, avait sous-estimé le rapport de force entre les deux parties.
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Comment j'ai cessé d'être juif, Shlomo Sand, Flammarion 2013, 2015.
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Choix, découpage, titre, intertitres, E'M.C.