Durant cette période les relations avec Israël et les Américains sont assez froides.
Et quand Mendès-France amorce un rapprochement avec Israël en 1954,
et qui sera poursuivi
puis accéléré
sous les gouvernements d'Edgard Faure (1955)
et de Guy Mollet (1956),
il faut y voir paradoxalement signe d'indépendance croissante vis-à-vis des États-Unis.
En effet, rappelons que les Français ont été mis par raccroc dans
ce qu'on appelle la déclaration tripartite de mai 1950,
déclaration américain-britannique
à laquelle les Français ont été associés au dernier moment.
LE TRIO
Les trois puissances assurent par ailleurs
à chacune des parties du conflit israélo-arabe (1)
qu'ils garantissent les lignes d'armistice,
dans les deux sens.
LES FRANÇAIS
Les Français commencent à livrer des armes en Israël
quand ils voient que les Soviétiques commencent à livrer des armes à l'Égypte nassérienne (2)
ainsi qu'à la Syrie, à partir de 1955. (3)
INTERRALIÉS BLOUSÉS
Or, Il existe normalement un comité interalliés de (4) trois dont les réunions se tiennent environ tous les deux mois et dans lequel chacun notifie aux autres les livraisons effectuées dans la région
et ceci afin de maintenir le niveau d'armement égal entre les parties.
Toutefois, dès le début de l'année 1956,
TRICHERIE
les Français commencent à oublier de notifier leurs livraisons,
ou plus exactement on note quelques problèmes de multiplication de pains.
Quand 6 chasseurs Mystère partent du territoire français,
ils sont 24 à atterrir à Tel-Aviv...
De la même façon,
25 chars AMX en deviennent 75 à la livraison...
Il se passe des choses réellement curieuses durant le premier semestre 1956 en Méditerranée...
Et les Français ne préviennent pas les Américains,
qui ne sont pas dupes
dans la mesure où ils voient la multiplication en vol.
Ils ferment néanmoins les yeux parce que leur souci prioritaire est de ne pas livrer eux-mêmes des armes à Israël.
"CRISE" DE SUEZ
C'est alors que survient la crise de Suez,
durant laquelle on assiste à une grande alliance des services de renseignements d'abord.
Les services israéliens fournissent de précieuses informations
aux services de renseignement français
POUR LA GUERRE D'ALGÉRIE.
Ensuite il y a la question de la collusion,
les entretiens de Sèvres
(les représentants des gouvernements français, anglais et israélien négocient secrètement à Sèvres,
du 22 au 24 octobre 1956,
pour parachever l'intervention militaire.
Il faut bien comprendre le chaos innommable que constitue la crise de Suez.
En effet,
les Américains ne sont au courant de rien
et font savoir aux Français et aux Anglais
qu'ils ne sont pas favorables à une intervention militaire.
DEUX PLANS D'ATTAQUE ANGLAIS
Les Anglais sont quant à eux persuadés que les Israéliens s'apprêtent à attaquer la Jordanie
qu'ils se préparent donc à protéger.
Le général qui commande le corps expéditionnaire franco-britannique
en constitution à Chypre depuis août 1956
dispose ainsi de deux plans d'attaque.
Le premier : attaquer l'Égypte.
Le second : attaquer Israël au cas où Israël attaquerait la Jordanie.
LES FRANÇAIS
Quant aux Français,
ils veulent absolument attaquer l'Égypte
et commencent non seulement à livrer des armes
en quantités abondantes à Israël
mais également à envoyer des militaires en Israël,
un des problèmes de l'armée israélienne étant
qu'elle estime ne pas avoir la ouverture aérienne suffisante pour l'opération.
c'est donc l'aviation française qui s'installe directement dans les aéroports israéliens.
On met des cocardes israéliennes
alors qu'en fait les pilotes sont français.
Jusqu'aux entretiens de Sèvres, les Britanniques ne savent toujours pas s'ils attaquent l'Égypte ou Israëll.
C'est donc à Sèvres que les Français les persuadent d'attaquer l'Égypte
de telle sorte que les Israéliens font semblant d'attaquer la Jordanie
pour ensuite attaquer directement l'Égypte.
LES AMÉRICAINS
Mais quand ils font semblant d'attaquer la Jordanie, les Américzins y croient vraiment...
Eisenhower exige alors qu'on ne touche pas à la Jordanie,
ce à quoi les Israéliens répondent qu'ils n'attaquent pas la Jordanie mais l'Égypte.
D'où une certaine colère d'Eisenhower,
qui réalise combien il se fait flouer.
Aussi, les Américains sont les seuls à faire respecter la déclaration tripartite
contre les deux autres membres du comité tripartite.
DEUXIÈME ÉPISODE DE RAPPROCHEMENT
Un deuxième épisode de ce rapprochement a lieu lors des conférences secrètes de Sèvres.
Dans les couloirs d'une villa de la région parisienne, une fois les Britanniques repartis à Londres,
laissant Français et Israéliens régler les derniers points.
L'ARME NUCLÉAIRE FRANÇAISE
La France donne la garantie de l'arme nucléaire
(alors qu'elle ne disposera de la bombe qu'en 1960,
sous de Gaulle). ( )
Rappelons que les deux dossiers centraux de la V République
- c'est-à-dire la décision de lancer l'armement nucléaire français et
l'Union européenne
(traité de Rome) -
sont des héritages de la IV République.
Et si,
en 1956,
la France ne dispose pas encore de cet armement,
elle décide de partager avec Israël
toutes les données.
DÉLOCALISATION DE LA BOMBE !
Par la suite,
des experts français construisent la première centrale, à Dimona. ( )
D'ailleurs lorsque les Israéliens bombardent, trente ans plus tard,
en Irak,
la centrale d'Osirak
construite par des Français,
ils diront :
"C'était facile, c'était le même plan que Dimona!"
Le feu vert officiel a donc été donné,
tout en signant les papiers
stipulant qu'il s'agit d'une démarche putement scientifique
visées pacifiques.
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La Palestine et la France de 1917 à nos jours, Henry Laurens, Compte-rendu de la conférence 9 février 2009, Paris.
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Choix, partage, E'M.C.