- Ce que veut dire mon client, commença Asher...
- Punkt II. Il fallait une solution radicale. Car le juif est-il autre chose qu'un perpétuel cancer d'angoisse?
Messieurs, je requiers toute votre attention, je la demande instamment. A-t-il jamais existé une plus cruelle invention, une machination mieux calculée pour déchirer l'existence humaine que celle d'un Dieu qu'il peut tout, qui voit tout, mais qui reste invisible, inaccessible et inconcevable ?
Messieurs, je vous en prie, veuillez considérer la chose de très près. Le monde païen était peuplé de petites divinités, malicieuses ou bienveillantes, ailées ou pansues, cachées dans le feuillage et dans les branches, dans les rochers et les rivières. Toujours aux côtés de l'homme, le taquinant, le caressant, elles étaient à sa mesure. Se repaissant de galettes au miel et de viande rôtie.
Dieux à l'image de nos désirs. Et même les plus grands descendaient de l'Olympe pour rendre visite aux mortels, pour faire la guerre ou bien l'amour. Plus puissants que nous, je vous l'accorde, mais abordables et se mettant dans notre peau.
Le juif a balayé tout cela. Il a fait le vide en créant un Dieu lointain, complètement étranger à l'homme et à ses sens.
Pas d'image. Pas de représentation concrète. Pas même de fantasmes. Désert plus vide que le désert. Et pourtant si terrible, si proche ! Épiant chacune de nos fautes, et sondant le fond de nos cœurs pour en trouver la cause.
Dieu de vengeance jusqu'à la trentième génération (ce sont les Juifs qui l'ont dit, pas moi).
Dieu de contrats, de marchandages mesquins, de crédits et de pots-de-vin.
"Et le Seigneur accorda à Job deux fois ce qu'il possédait auparavant."
Un millier de mules quand ce vieux grincheux un peu braque n'en avait que cinq cents. Ça vous donne envie de vomir, non? Deux fois plus.
Messieurs, ne voyez-vous pas à quel point c'est répugnant, et quelle escroquerie morale cela représente ?
Jeter en enfer un serviteur innocent, entrouvrir les nuées pour lui jeter ses foudres, mener Leviathan par le bout du nez, et puis ? Lui doubler ses revenus, avec un dividende et lui refiler un pourboire royal.
Pourquoi Job n'a-t-il pas craché au visage de ce Dieu, de ce marchand de bétail ?
Et pourtant le Saints des Saints est une pièce vide, silence dans le silence.
Et le Juif méprise ceux qui se font des images de leur dieu. Son Dieu à lui est plus pur qu'aucun autre. Le simple fait de le concevoir passe les bornes de l'esprit humain.
Mais parce que nous sommes Ses créatures, nous devons être plus que nous-mêmes, aimer notre prochain, rester chastes, donner nos biens aux pauvres.
Parce que Sa présence inconcevable, inimaginable nous enveloppe tout entiers, nous devons obéir à chaque iota de la loi. Il nous faut ravaler nos rages et nos désirs, mortifier notre chair et nous traîner sous la pluie, lamentables et courbés.
Et c'est moi que vous appelez tyran, esclavagiste !
Mais quelle tyrannie, quel esclavage ont plus cruellement opprimé, plus profondément stigmatisé la chair et l'âme humaine, que le Juif et ses fantasmes débiles ?
Vous n'êtes pas les meurtriers de Dieu, mais les faiseurs de Dieu. Et c'est infiniment plus grave. Le Juif a inventé la conscience et l'homme ploie maintenant sous le joug du péché.
Mais ce n'est que la première partie du chantage.
Le pire allait suivre. Le visage blême du Nazaréen.
Messieurs, j'ai du mal à me contenir. Mais les faits parlent d'eux-mêmes. Qu'est-ce donc que ce rabbin épileptique a exigé de l'homme ?
De renoncer au monde, de quitter père et mère, de présenter l'autre joue à l'offenseur, de rendre le bien pour le mal, d'aimer son prochain comme soi-même, car l'amour de soi est une mauvaise chose dont il faut se débarrasser. Oh, castration suprême !
Appréciez cette fourberie. Demander aux humains plus qu'ils ne peuvent donner, leur demander de renoncer à leur nature égoïste et faible, au nom d'un idéal plus élevé, mais c'est faire d'eux des infirmes, des hypocrites, des mendiants du salut !
Le Nazaréen a dit que son royaume, si pur, n'était pas de ce monde.
Mensonges, mensonges mielleux.
C'est ici, sur cette terre, qu'il a fondé son Église d'esclaves. Ce sont des hommes et des femmes, créatures de chair, qu'il a abandonnés à cet infernal chantage du châtiment éternel.
Que sont nos camps comparés à cela ?
Réclamer de l'homme plus qu'il ne peut, tenir ses yeux fatigués fixés sur une image d'altruisme, de compassion et d'oubli de soi-même, que seul le saint ou le fou peut atteindre, c'est le clouer vivant au chevalet de torture. À lui faire éclater l'âme. Quoi de plus cruel que cette obsession juive de l'idéal ?
Tout d'abord, le Dieu du Sinaï, invisible mais qui voit tout, inaccessible mais qui exige tout. Et puis le Christ et sa terrible douceur. Le Juif n'avait-il pas suffissamment contribué à faire de l'homme un malade ?
Non, messieurs, car il y a un troisième acte à notre histoire.
"Sacrifiez-vous pour vos frères. Abandonnez vos biens pour que tous deviennent égaux. Endurcissez-vous, étouffez en vous toute émotion, loyauté, pardon, gratitude. Dénoncez vos parents, vos amants. Pour que la justice s'instaure sur la terre. Pour que l'histoire s'accomplisse et que la société doit purgée de toute imperfection. "
Reconnaissez-vous ce sermon, messieurs ?
La litanie de la haine.
Rabbi Marx, le jour du repentir. A-t-on jamais vu plus somptueuse promesse : "plus de classe sociale, à chacun selon ses besoins, tous les hommes seront frères, le terre sera à nouveau un jardin, un Eden rationalisé."
Au nom de cette promesse, tyrannie, torture, guerre, extermination sont devenus nécessité, nécessité historique !
Ce n'est pas un pur hasard si Marx et ses mignons étaient juifs, si toute la clique du bolchevisme - Trotsky, Rosa Luxembourg, Kamenev, toute la meute fanatique et meurtrière - est sortie d'Israël.
Regardez-les : prophètes, martyrs, briseurs d'images, moulins à paroles grisés par la terreur de l'absolu.
Il n'y avait qu'un pas, messieurs, un petit et inévitable pas, du Sinaï à Nazareth à l'alliance marxiste.
Le Juif rongeait son frein, ses rêves tournaient à l'aigre.
Que le royaume de justice advienne ici bas et sur le champ, demain matin.
Trouvons-nous donc un Messie séculier. Mais avec une longue barbe et la vengeance aux tripes.
Par trois fois, le Juif nous a soumis au chantage de la transcendance.
Par trois fois, son bacille de la perfection a empoisonné notre sang et notre matière grise. Reposez-vous ne serait-ce qu'un instant, et la voix du Juif hurlera dans la nuit.
"Réveille-toi! L'œil de Dieu est sur toi. Ne t'a-t-il point créé à son image ?
Il faut perdre ta vie si tu veux la gagner.
Sacrifie-toi au nom de la vérité, de la justice, pour le bien de l'humanité."
Ce cri résonne depuis longtemps à nos oreilles, messieurs, beaucoup trop longtemps Il a rendu les hommes malades, malades à en crever. Quand je me suis tourné contre le Juif, personne n'est venu à son secours.
Personne. La France, l'Angleterre, la Russie et même l'Amérique bourrée de Juifs, personne n'a bougé. Ils se sont réjouis de la venue de l'exterminateur. Oh, ils ne l'ont pas dit ouvertement, je vous l'accorde. Mais ils se sont réjouis en secret.
Il fallait rechercher et livrer aux flammes le virus de l'utopie afin de ne pas voir dépérir notre civilisation occidentale tout entière. Afin de retrouver la vraie nature de l'homme, avide, bornée, mais chaleureuse et si à l'aise, si merveilleusement à l'aise, dans sa propre fange.
"Nous avons été choisis pour être la conscience de l'humanité" dit le Juif.
Et voici la réponse que moi, qui suis ici devant vous, messieurs, je lui ai faite : " Toi, le Juif, tu n'est pas la conscience de l'humanité. Tu n'es que sa mauvaise conscience. Et nous te vomirons pour pouvoir enfin vivre en paix."
Solution radicale. Pouvait-il en être autrement ?
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Le transport de A.H. Georges Steinter, L'Âge d'Homme, 1971, pages 241, 242, 243, 244, 245.
Bibliographie :
Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad, longue Nouvelle, en anglais britannique, Royaume Uni, 1899, puis Gallimard 1925, traduction d'André Ruyters
The Hollow Men, T.S.Eliot, (Poème), 1925, traduction de Pierre Leyris, Seuil, 1992.
In Darkest Africa, Henry M. Stanley, First Edition, 1890.
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Un autre, Chronique d'une métamorphose de Imre Kertész, Google Books, 1999, No Passio Spent, page 343 sur la "monstrueuse parenté entre le Golgotha et Auschwitz."
Joseph Conrad et Georges Steiner, Autour du Transport de A.H. Essai de Juan Asencio
Voir Chapô, G. Steiner invité d'Apostrophe, thème, Le bien et le mal, vendredi 9 octobre 1981.
Choix, découpage, apports comparatifs, filiation romanesque autour de "la lente pénétration d'une figure littéraire (Kurtz)" augurant de la complexe parturition d'un autre personnage A.H. et influençant la naissance d'un autre The Hollow Men chez T.S. Eliot (entre autres croisements intertextualitaires) E'M.C.