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Billet de blog 20 janvier 2017

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ISRAËL CONFRONTÉ À SON LIEU COMMUN SACRÉ : LE RACISME SYSTÉMIQUE

Des centaines de Juifs noirs, israéliens de souche éthiopienne, refusent de servir dans l'armée israélienne (FDI) en raison de la discrimination raciale affichée par de nombreuses institutions d'État, police comprise. (SFBV) Le racisme social est mauvais, le racisme systémique est pire encore (T.B.)

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Des centaines de Juifs noirs refusent le service militaire et accusent Israël de pratiquer le racisme institutionnel. 

(...)

Depuis septembre, plus de trois cents Juifs noirs ont annoncé leur intention de refuser tout ordre militaire de se présenter pour le service de réserve et accusent le gouvernement israélien d'entretenir le racisme sponsorisé par l'État à l'égard des citoyens d'origine éthiopienne.

Des soldats, parmi lesquels des combattants de toutes les brigades d'infanterie de l'armée israélienne ainsi que des unités de commandos les plus spécialisées, disent que tant que l'État ne respectera pas leurs droits civils, ils s'abstiendront de leur côté de remplir leurs obligations civiques.

En juillet, le San Francisco Bay View avait publié un reportage sur la recrudescence des rassemblements organisés par la communauté éthiopienne d'Israël.

Dès le printemps 2015, des manifestations spontanées à Jérusalem, tel Aviv et dans d'autres endroits ont brusquement replacé la communauté et ses inquiétudes à propos du racisme d'État au centre des conversations nationales.

Mais les responsables de ces protestations affirment que l'incapacité du gouvernement depuis à traiter de façon adéquate leur longue liste de doléances les a forcé à redoubler d'efforts dans leur combat et à prendre ce qu'ils appellent des "mesures extrêmes".

"Nous n'avons pas le choix.

Si nous ne ne faisons pas, personne ne fera attention à nous" explique Avishai Malson Tzaghon, l'u des porte-parole des nouveaux refuzniks éthiopiens.

Ce qui suit est une intervention en 12 épisodes d'Avishai Maison Tzaghon et de Jajaw Bimro, deux cas parmi les centaines d'israéliens juifs d'origine éthiopienne qui refusent d'accomplir leur devoir DE réservistes en raison du racisme institutionnalisé dont leur communauté fait l'objet.

Les 12 épisodes de ces interviews sont repris sur des vidéos individuelles que vous pourrez visionner ici.

Sans droits, "ne prenez pas la peine de nous parler d'obligations"

Tzaghon qui vient de Ramlé et Bimro, qui vit à Revohot, sont deux des trois cents et quelques israéliens d'origine éthiopienne qui ont attiré l'attention sur l'armée israélienne en disant qu'ils allaient ignorer les convocations qu'ils recevraient.

Au début de ce mois, tout en prenant un café au centre communautaire de la ville de Lydda, Tzaghon, 35 ans, et Bimro, 30 ans, ont expliqué au San Francisco Bay View les raisons pour lesquelles ils avaient servi dans l'armée israélienne jusqu'à présent et les raisons pour lesquelles ils refusaient de le faire désormais.  

"Certains de nos proches ont parcouru de grandes distances à pied en passant par le Soudan.

Beaucoup sont morts en cours de route.

Des hommes, des femmes et des enfants. 

Afin de rallier la terre d'Israël.

Afin d'arriver à Jérusalem", explique Bimro.

De même que les  juifs éthiopiens voulaient consentir à des sacrifices suprêmes pour se recaser en Israël dans les années 1980, ils ressentaient également d'envoyer leurs fils  et filles dans l'armée dès leur arrivée.

"Nous nous sommes engagés suite à un sentiment de finalité, venu de l'intérieur.

Nous croyons en l'État d'Israël", ajoute Birmo.

Mais trois décennies après que les premiers Juifs éthiopiens ont eu l'autorisation d'immigrer en Israël Tzaghon et Bimro disent que l'État n'a pas respecté  son contrat social avec la communauté.

"Tant que la politique de discrimination, d'exclusion et de traitement désobligeant à l'égard des immigrés éthiopiens ne changera pas", déclare Bimro, "ne prenez pas la peine de nous parler de nos devoirs de réservistes."

Tzaghon opine, faisant remarque que le taux d'engagement des Éthiopiens est sensiblement plus élevé que celui des Israéliens juifs blancs :

"Nous avons servi dans les meilleures unités qui soient. 

Nous avons donné le maximum à l'armée.

Nous avons servi comme officiers.

Nous avons signé pour des années supplémentaires de service militaire", dit-il.

"Mais, par ailleurs, dans nos vies privées, non seulement on écrase nos droits, mais ils n'existent même pas. Dans ce cas, permettez-moi d'être franc : si meswdroits n'existent pas, pourquoi devrais-remplir mes obligations de réserviste ?"

"L'armée est une vache sacrée - dans ce cas, abattons cette vache"

En Israël, le passage par l'armée est obligatoire pour les jeunes de 18 ans aptes physiquement; 

les garçons juifs servent pendant et les filles pendant deux ans. 

Les juifs religieuse peuvent obtenir des exemptions, pour autant qu'ils passent leurs années à étudier dans un séminaire religieux.

Au cours des années précédentes, peu de juifs laïcs se soustrayaient à ce devoir mais, ces dernières années, une proportion significative de la population - 28% des hommes contre 42% des femmes - a évité la conscription d'une façon ou d'une autre. 

Un nombre restreint de ces réfractaires annoncent leurs actions publiquement pour transformer leur décision personnelle en une protestation politique. 

Bien que de nombreuses institutions y compris les ailes législatives, exécutive et judiciaire du gouvernement - ne bénéfivient sue de peu de considération de la part des Israéliens de toute tendances, l'armée a gardé son statut presque sacré aux yeux d'une vaste majorité des citoyens juifs.

En tant que tel, l'appel à s'abstenir du devoir de rappel en tant que réserviste de l'armée s'est avéré impooulaire, même parmi les Israéliens d'origine éthiopienne pourtant perturbés par la prévalence de la discrimination raciale en Israël.

"Ils croient que l'armée est une vache sacrée et qu'el'e est intouchable.

Et je dis donc : l'armée est une vache sacrée ?

Et qu'en est-il de moi ?

Et de nos pauvres corps ?

Nos corps sont sacrés !", s'écrie Tzaghon.

"L'armée est une vache sacrée " 

- ce n'est pas un slogan des immigrés, c'est celui des dirigeants hégémoniques de ce pays.

Et bien, dans ce cas, abattons cette vache.

Abattons-la !

Rien n'est sacré !

Tout ce qui est sacré, c'est ma liberté et mon corps. 

Et, si je n'ai pas de liberté et que mon corps n'est qu'un punching-ball pour la police chaque fois qu'elle en a l'envie, c'est qu'alors, nous avons un problème."

Tous ceux d'entre nous qui ont signé le document savent que l'armée peut décider que nous sommes en absence irrégulière et nous jeter en prison.

Nous sommes prêts.

Ceci n'est pas une protestation uniquement verbale.

Cela ne nous pose aucun problème, d'aller en prison.

Nous irons en prison.

Nous continuerons le combat.

Nous l'intensifierons, même.

Nous sommes prêts à aller en prison, nous ferons ce qu'il faudra", explique Tzaghon.

"Certains d'entre nous sont mariés et ont des enfants.

Nous avons du travail.

Nous avons beaucoup à perdre, si nous allons en prison. 

Mais, par ailleurs  que peuvent bien valoir nos vies, si nous ne nous battons pas pour elles ?"

Le racisme de société est mauvais, le racisme systémique est pire encore.

Tzaghon et Bimro disent qu'ils sont attristés par la discrimination s'appuyant sur la race dont font preuve leurs compatriotes juifs et ils prétendent que c'est devenu un lieu commun.

Les patrons blancs disent qu'ils n'ont pas d'emplois qui conviennent aux Éthiopiens et les propriétaires blancs disent qu'ils n'ont pas d'appartement à leur louer et, tout de suite après, on peut voir les blancs sauter sur ces occasio et en profiter, disent Tzaghon et Bimro. 

Et le racisme israélien ne joue pas à cacher-cache derrière un masque de tolérance;

on peut l'observer régulièrement dans les endroits publics et il s'adresse aux noirs de tous âges, ajoutent-ils.

"Les gens me regardent avec mépris; c'est un regard que nous, les Éthiopiens reconnaissons instantanément.

Le reconnaître, est un instinct de survie, pour nous", ajoute Tzaghon.

"Nous sommes très conscients de la chose.

Je suis adulte, mais même les tous jeunes la reconnaissent aisément aussi."

Tzaghon décrit ce racisme mesquin comme un fléau qui pèse sur la société, mais  n'est une plaie qu'on est capable d'endurer. 

Ce qui est insupportable, par contre, dit-il, c'est le racisme systémique qui filtre les institutions de l'État Israélien.

"Notre combat, ce n'est pas contre les gens ordinaires. 

Les gens ordinaires peuvent apprendre.

Ou peut-être n'apprendront-ils pas -

mais je continuerai à vivre  ma vie sans en tenir compte. 

Mais quand le racisme est institutionnalisé - au ministère de l'Éducation, au ministère de la Justice, dans la police, etc. 

- dans ce cas, je ne peux pas vraiment vivre ma vie.

Je suis en mode de survie. 

Bimro partage la déception de Tzaghon.

"Nous espérions que l'État aurait été différent.

Qu'il n'y aurait pas de racisme, dit-il,

puis d'énumérer toute une liste de doléances au gouvernement israélien.

"Qu'ils accepteraient les enfants dans les écoles, et ne leur interdiraient pas l'accès.

Que le ministère de la Santé ne ferait pas de piqûres de Depro-Provera à nos mères, afin de réduire le nombre d'enfants que peuvent avoir les Éthiopiens.

Que le ministère de la Santé ne jetterait tout simplement le sang que nous avons donné dans de bonnes intentions,

en pensant que ce sang servirait à sauver la vie d'un compatriote juif, 

alors que, dès que le donneur d'origine éthiopienne est sorti, on jette tout simplement son sang à la décharge", se plaint Bimro. (2)

"Tant que nous verrons que ces choses sont soutenues et encouragées par l'État, 

que ce soit passivement

ou activement,

qu'ils ne prennent pas la peine de nous parler d'obligations", dit-il.

La police israélienne harcèle les jeunes noirs, disent les soldats en grève.

Le fait d'avoir relégué les immigrés éthiopiens dans les quartiers défavorisés et de les avoir orientés vers des écoles sous-performantes a sévèrement affecté le potentiel économique de la communauté, expliquent Tzaghon et Bimro. 

Mais le grief qui a attisé leur colère plus que tout autre, c'est ce que les refuzniks appellent le harcèlent policier constant. 

"Quand Nous parcourez les rues, vous ne vous sentez pas en sécurité.

À Tout moment, un agent ou un patrouilleur de la police peut s'amener et vous risquez d'être arrêté, accusé de quelque chose de ridicule.

Et votre existence est ruinée", explique Bimro.

"Ces policiers ne se gênent pas pour utiliser leurs tasers sur les immigrés éthiopiens, 

à se servir de leur spray au poivre,

à élever la voix, 

à Nous approcher avec arrogance ou condescendance,

à s'adresser avec mépris à des citoyens qui leur paient leurs salaires, 

qui leur donnent de l'argent pour qu'ils puissent acheter de la nourriture pour leurs enfants et payer leur loyer ou rembourser leur prêt.

C'est complètement dingue."

C'est dans le courant de l'été que les organisateurs éthiopiens avaient prévu cette grève des militaires, mais ils n'avaient pas eu l'intention au départ de l'annoncer au début septembre. 

Fin août toutefois, le chef de la police Roni Alsheikh, (5) avait déclaré en public que les immigrants avaient des eaux de criminalité plus élevés et qu'il était par conséquent naturel que les poli les traitent avec suspicion.

Cette déclaration controversée avait déclenché des protestations immédiates etvconvaincu les organisateurs éthiopiens d'annoncer publiquement leurs protestations le plus rapidement possible.  

"Leur perception, c'est que les immigrés éthiopiens sont suspects en tous temps, en tous lieux et dans toutes les situations",  déclare Bimro. 

"Le chef de la police lui-même a dit qu'il était naturel de soupçonner les noirs.

Il a essentiellement justifie la violence et l'attitude méprisante, condescendante et arrogante de la police qui patrouille dans les rues et pourchasse les petits enfants, les jette en prison et ruine leurs existences avec des accusations fabriquées de toutes pièces."

Bimro sait de quoi il parle. 

Après une série de rencontres particulièrement pénibles avec les agents chargés de faire respecter la loi, il s'est attelé à prouver que lui et ses compagnons israéliens d'origine éthiopienne étaient en fait harcelés anormalement par la police pour des raisons racistes. 

Un jour, en 2015, Bimro et un groupe d'amis, tous noirs, s'étaient assis pour bavarder de choses et d'autres sur un banc public dans le quartier fréquenté de Tseshelah, dans la partie nord de Tel Aviv.

En très peu de temps, plusieurs véhicules de la police avaient convergé vers l'endroit où ils se trouvaient, les policiers avaient fouillé les Éthiopiens et avaient voulu emmener Bimro à l'arrière d'un des véhicules. 

Juste avant qu'il ne soit sorti de là, une équipe de caméramen avait surgi des buissons avoisinants et avaient filmé les policiers sur le fait.

Ceux-ci avaient promptement relâché Bimro sur place,

mais l'expérience et bien d'autres encore lui avaient laissé un goût amer en bouche.

"Nous demandons d'être délivrés  de l'ennui que peut provoquer une situation comme celle-là.

De pouvoir déambuler dans les rues en toute confiance. 

Et d'avoir l'impression que le boulot de la police, c'est de me défendre, de me protéger et de fournir ses services quand j'en ai besoin."

Le tout premier appel à des alliés internationaux.

La rébellion des refuzniks est la toute première action de protestation connue des Israéliens d'origine éthiopienne qui s'adresse à l'extérieur afin de demander la solidarité de la communauté internationale.

Tzaghon déclare que c'est parce qu'ils ont compris désormais que les Éthiopiens ne représentaient sûune infime proportion de la population et qu'ils manquaient d'un levier face au gouvernement israélien.

                                     •

San Francisco Bay View. 9 décembre 2016.

Traduction Jean-Michel Flémal. 

                                    •

FDI : nom officiel de l'Armée israélienne, dite Forces de Défense Israéliennes. 

                         REFUZNIK(S)

- Refuznik, mot-valise composé du terme anglais refuse et du russe ouznik (Y3HNK) signifiant,  prisonnier. 

- On dénommait ainsi les dissidents juifs soviétiques.

- en anglais refuzenik, mot apparu durant la guerre froide. 

- On y décèle aussi le sens de "introuvable"

- Au Royaume Uni, ce terme désigne ceux qui refusent la carte d'identité nationale imposée par le gouvernement britannique.

Autres acceptions :

- En Israël, hépéronyme et néologisme politique désignant des citoyens ou des soldats israéliens qui refusent de servir dans des Territoires palestiniens.

- Voir aussi pour d'autres raisons que celles invoquées par les israéliens éthiopienne dont le refus est, ici, motivé par la discrimination raciale dont ils sont cibles. 

- D'autres cas de refus d'Israéliens, ashkénazes ou même quelquefois séfarades, motivés par une plus haute élévation éthique, non seulement, fondés sur un motif raciste, si grave soit-il, mais par l'honneur de "refuser d´être des assassins" de l'ordre colonial engagé dans d´irréversibles dévastations touchant une population sans défense, étouffant confinée dans les Territoires dont l'impitoyable massacre de l'opération "Plomb durci" Bande de Gaza, etc. 

- Ce mot désigne aussi des personnes auxquelles certains droits sont refusés, notamment le refus d'émigrer, comme pour les Éthiopiens vers Israël au milieu des années 1980. 

- Refuznik, mot adopté par un "écrivain musulman, Irshad Manji qui se décrit comme refuznik opposé à l'Islam traditioniste" Wikipédia 

- Tech-refuznik, désigne les opposants aux nouvelles technologies dont la prolifération versera(it) inévitablement dans les pires catastrophes qu'on puisse imaginer selon certains leaders d'objection. 

- Allée des refuzniks, nom donné en 1986 à une voie publique de Paris, "honorant les refuzniks de l'URSS" 

- Prière pour refuzniks, nom d'un court-métrage épistolaire de Jean-Luc Godard en 2004, où le réalisateur adresse deux Lettres à de jeunes soldats israéliens condamnés pour avoir refusé de servir dans les Territoires occupés. 

                                     • 

Choix, découpage, notes, apostilles, chapō adapté. E'M.C. 

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