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Palestine

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Billet de blog 21 octobre 2015

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" L'HYSTÉRIE DU POÈME " ( Suite )

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           Le monde, amande scindée 

Ce monde divisé en deux, les juifs et les non-juifs, n'est pas le nôtre.

Aussi n'avons-nous de place dans ce monde qu'en dehors du monde : nous ne sommes pas juifs mais nous n'acceptons pas que notre identité soit définie par le fait d'être d'être des non-juifs.

Le monde où nous vivons n'existe pas vraiment : c'est un monde israélien imaginaire; c'est la charte de ceux qui ont peur d'une charte qui les engagerait à l'égard des autres et d'eux-mêmes; c'est le "réalisme" de ceux qui croient que la réalité est faite d'une manière amorphe, malléable à merci entre des mains qui ne connaisdent ni frontières de leurs corps ni les limites de leur peur.

Mais nous, que ferons-nous de cette peur proclamée qui ne peut déboucher sur aucune sérénité ?

Que nous proposent les Israéliens, sinon l'anéantissement - avec le danger qu'il comporterait pour leur propre cohésion ?

On nous somme aujourd'hui de sauver cette cohésion du danger que représente notre existence.

De rassurer les Israéliens en nous présentant comme des bêtes féroces qui veulent, au minimum, les rejeter à la mer.

On nous sommes de corroborer l'image qu'ils  ont tracée de nous, afin que les paroles que nous n'aurons pas prononcées soient plus féroces et plus barbares que l'acte qu'ils ont commis.

Qui de nous a donc rejeté l'autre, à la mer ou au désert ?

Tout cela à cause des paroles que nous n'aurons pas prononcées mais  qu'ils auraient bien voulu nous entendre dire.

De la sorte, ce qu'ils auraient voulu nous entendre dire devient du vraiment dit, devient  un acte consommé.

Cela permettra d'assurer les élélents de la cohésion quand ils affirmeront :

" Le monde entier est contre nous ",

" Tous les Arabes sont contre nous " et

" Tous les Palestiniens sont contre nous".

Pourquoi ?

Mais pourquoi ?

Ben Gourion n'était pas un goy.

Pourtant, il reconnaissait en privé que le conflit n'était pas de nature raciale.

C'étaient bien, selon lui, les Israéliens qui portaient la responsabilité de l'absence de paix, en raison de ce qu'ils faisaient et non pas de l'hostilité du monde entier vis-à-vis des juifs.

Devant son ami Nahum Goldman, il manifestait, un soir, son inquiétude quant à l'avenir :

" Pourquoi, lui disait-il, pourquoi les Arabes se réconcilieraient-ils avec nous ?

C'est nous qui leur avons pris leurs terres. "

" C'est nous qui leur avons pris leurs terres. "

Doit-on chercher là le motif de la fureur israélienne face aux manifestations de la mèmoire arabe du présent ?

La question serait sans importance aux yeux de qui voudrait se libérer de la mentalité du ghetto et d'ouvrir à l'autre.

Mais celui qui veut consolider l'occupation à l'aide d'une nouvelle occupation, qui devra à son tour être consolidée par une autre occupation, et ainsi de suite, celui-là considère que tout retrait, de n'importe quelle occupation, est un retrait de l'existence.

l'existence israélienne, c'est l'existence de l'occupation : tout renoncement à la conquête    et à l'occupation est un appel au suicide.

Et personne ne demande, si l'occupation a mobilisé le monde entier contre les Israéliens, pourquoi ceux-ci ne regagneraient pas la sympathie du monde par un acte simple : 

le retrait...

                  Le poème boomerang 

Les Israéliens ont découvert un nouveau hochet, ils ont découvert le poème.

À les en croire, le conflit palestino-israélien ne tourne pas autour d'un territoire, mais autour d'un territoire dans un poème.

Le poème, c'est le tocsin qui doit mobiliser la société israélienne dans un élan d'unité nationale.

Le poème, c'est la guerre, le danger, la peste.

Le poème, c'est le poème : ou nous, ou lui.

Il y a là quelque chose qui relèce du théâtre de l'absurde, de l'hystérie collective.

A-t-on jamais vu société se laisser entraîner dans une telle opération de détournement, un tel lavage de cerveau ?

A-t-on vu société s'unir ainsi contre un danger illusoire ?

Ce poème a été traduit quatre fois en hébreu et une autre en anglais.

La droite israélienne compte l'utiliser en guise de manifeste électoral, puisque aussi bien, selon l'expression du poète Haïm Goury dans Davar,

" ce poème a d'ores et déjà assuré au Likoud le siège qui lui manquait pour gouverner seul. "

Quant a Ytzhak Shamir, il a déclaré, lors de ses conversations à Washington :

" J´aurais pu lire ce poème devant le Parlement, mais je ne veux pas lui accorder l´honneur de figurer xa s les archives de la Knesset."

Pourquoi ?

Pourquoi ?

J´avoue que je suis incapable de comprendre et même de lire tous les articles publiés dans la presse israélienne, unanimes dans leurs conclusions :

le retrait des terriyoires occupés menace l´existence d´Israël.

Les Arabes veulent nous jeter à la mer.

Le dialogue avec eux est impossible.

La preuve : le poème ! "

Est-il prématuré et intempestif de leur  demander :

" Qu´est-ce qui est le plus terrible : l´occupation ou l´appel à la cessation de l´occupation ?

Qu´est-ce qui est le plus terrible :

enterrer des vivants, casser des os, la tuerie quotidienne, ou un hymne qui chante la patrie ?

Quoi de plus simple, pour celui qui souffre du joug de l´occupation, que de dire aux occupants :

Sortez de notre terre, et sortez de notre vie ? "

Ou alors les occupants ont découvert tout à coup que nous ne les aimions pas, que nous ne voulions pas d´eux, et en ont-ils ressenti un choc sentimental comme à la suite d´une trahison conjugale ?

Ils disent ne pas pouvoir coexister avec nous.

Mais leur dilemme, c´est qu´ils ne peuvent pas vivre sans nous.

Il ne nous appartient pas de régler ce paradoxe, lequel engendre la cruauté d´une jungle où le mythe s´allie au fait accompli, et la fragilité de     l´homme à la dureté de l´acier.

                L´ennemi exigible

Nous ne pouvons pas répondre à leur besoin permanent de fabriquer leur ennemi, l´ennemi dont ils veulent dicter la conduite, le langage, les réactions et même la forme des rêves.

Un ennemi sur mesure répondant à toutes keurs injonctions...

             Le poème, coup d´éventail ...

Le poème n´est qu´un prétexte.

Mais jusqu´à quand...

Jusqu´à quand ?

                    Un marché de mo(r)ts

Nous leur proposons un marché :

qu´ils suppriment les colonies, et nous supprimerons le poème.

( al-Youm al-sâbi´, le 18 avril 1988 )

In, PALESTINE MON PAYS - L´affaire du poème - Mahmud Darwich, Editions de Minuit, 1988.

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Bibliographie, choix, découpage et sous-titrage    El´Mehdi Chaïbeddera

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