PALESTINE BD DE REPORTAGE JOE SACCO

On on me demande souvent pourquoi je suis allé fourrer mon nez
dans le conflit (1) israélo-palestinien.
En fait,
j’ai répondu tant de fois à la question
que ma réponse semble rassie,
y compris à mes oreilles,
mais je la répèterai ici parce qu’elle est vraie:
je me suis rendu dans les Territoires occupés
parce que je m’y suis senti obligé.
•
C’est à dire,
j’ai commencé à prendre conscience
de l’oppression des Palestiniens,
j’étais consterné,
submergé par le besoin
presque physique
de faire quelque chose.
•
Oui, comme on me l’a dit,
il y a de pires injustices dans le monde,
et ailleurs
des cadavres qui s’amoncellent plus haut. (2)
•
Mais deux choses
en particulier
m’ont travaillé,
au-delà de la vague obligation
de m’intéresser à la souffrance
de populations lointaines:
•
primo,
j’étais un contribuable américain
dont l’argent
- mon argent -
était dépensé
pour perpétuer l’Occupation,
et
deuxio,
j’étais diplômé de l’école de journalisme
de l’université d’Oregon,
atterré de voir
la manière minable -
dois-je dire
détestable ? -
dont les journalistes américains
traitaient la question.
•
Vous le savez sans doute,
Israël est, jusqu’à preuve du contraire,
le pays qui reçoit le plus de soutien des États-Unis;
or je n’aimais pas, et n’aime toujours pas,
l’idée de financer directement
ou indirectement ses projets d’appropriation,
de colonisation,
ou un quelconque aspect de sa colonisation brutale.
•
Le second point -
à propos des journalistes américains -
était pour moi d’autant plus exaspérant
qu’après m’être difficilement efforcé de rentrer dans leur moule,
je constatais à quel point leur travail
sur la question
était déficient et honteux.
•
Ils ne m’avaient pas du tout informé.
Jusqu’à ce que je quitte l’université,
malgré ma fréquentation assidue des journaux
et des actualités télévisées,
je n’avais jamais disposé du moindre élément
pour comprendre
qui étaient les Palestiniens
et quel était le sens de leur combat.
•
En réalité
comme je le détaille dans ce livre,
j’associais simplement
Palestiniens et terrorisme.
•
( ...)
La conception que j’avais reçue d’un Israël innocent,
victime isolée dans un océan d’Arabes déments,
a commencé à se fissurer
après le bombardement aérien de Beyrouth
(utilisant des bombes fournies par les États-Unis
soi-disant à des fins purement «défensives»)
et l’invasion massive du Liban au début des années 1980.
•
Les massacres des camps de Sabra et Chatila,
où des centaines de Palestiniens sans défense
furent exécutés par une milice chrétienne
alliée aux forces d’occupation israéliennes
dans une zone contrôlée par les Israéliens
ont éveillé mes premiers soupçons
sur la dynamique du pouvoir à l’œuvre dans cette région:
elle n’était pas tout à fait celle
qu’on avait voulu m’inculquer.
•
J’ai donc commencé à lire autre chose
que les journaux américains.
•
Je remercie Blamming the Victims,
édité par Christopher Hitchens
et
Edward Saïd,
La Question palestinienne,
Le triangle fatal,
Noam Chomsky
•
D’autres livres ont comblé mes lacunes
mais,
ceux-ci m’ont les premiers ouvert les yeux.
•
Avant de les lire,
je pensais être une personne intelligente
et relativement bien informée.
•
J’ai vraiment été secoué
par ce que j’avais ignoré jusque-là
et ce que je ne savais toujours pas.
•
Palestine, Joe Sacco, Rackham, 2015
•
Notes:
(1) Encore ce mot-bourreau neutralisant «conflit» que nous avons, maintes fois signalé dans de précédents billets.
(2) Amoncellement croissant de [quels] cadavres ?
Tous quasiment re-coloniaux, Rwanda, Irak (2,5 millions de morts sur une ignoble calomnie yankee), etc.
•
Choix, découpage, notes et notes réservées, E’M.C.
Le Club est l'espace de libre expression des abonnés de Mediapart. Ses contenus n'engagent pas la rédaction.