Encore des enfants.
Cinq enfants de Gaza tués en huit jours.
L'insensibilité du public face à ces meurtres - les trois derniers, par exemple, n'ont eu droit qu'à un entrefilet à la page 11 de Yediot Avaronot, ce qui est soi écœurant - ne peut escamoter le fait que l'armée israrélienne mène une guerre contre les enfants.
L'année dernière un cinquième des victimes de l'opération "Pluies d'été" ont été des enfants; ils constituent le quart des 21 gazaouis tués ces deux dernières semaines.
Dieu nous en garde, mais si jamais des enfants devaient être atteints à Sdérot, il faudra nous souvenir de ces chiffres avant d'ameuter le monde entier.
L'armée israélienne explique que les Palestiniens ont l'habitude d'envoyer des enfants récupérer les lance-Qassam.
Pourtant, les enfants qui viennent d'être tués ne ramassaient pas de lance-roquette.
Les deux premiers récoltaient des caroubes et les trois autres - selon la propre enquête de Tsahal - jouaient à chat-perché.
Même en admettant, comme le prétend l'armée israélienne ( la chose reste à prouver ), que c'est une pratique courante d'envoyer des enfants ramasser des lance-roquettes, cette constatation devrait entraîner l'arrêt immédiat des tirs contre ceux qui les ramassent.
Mais Tsahal se moque que ses victimes puissent être des enfants - la preuve en est qu'elle ouvre le feu sur les silhouettes qu'elles trouvent suspectes, sachant très bien - selon ses propres aveux - qu'il peut s'agir d'enfants.
Il ne s'agit plus de regrettables erreurs (en série) comme on nous présente la chose, mais d'un mépris de la vie des enfants et de l'indifférence effrayante de l'armée à leur égard.
Une société qui accorde de l'importance aux considérations morales devrait au moins se demander s'il est permis de tirer sur ceux qui se dirigent vers des lance-roquettes quand on sait que certains d'entre-eux sont des enfants trop jeunes pour avoir du jugement, et donc pour être punis.
À moins que nous ayons décidé de complètement lâcher la bride dans toutes nos opérations militaires ?
Même en admettant les arguments de l'armée qui déclare que ses moyens de vision sophistiqués ne lui permettent pas de distinguer un enfant de 10 ans d'un adulte, on ne doit pas pour autant affranchir Tsahal de sa responsabilité de ce comportement criminel.
Même si on avait adopté le principe complètement tordu que toute personne qui s'approche d'un lance-roquettes mérite la mort, le fait qu'il s'agisse d'enfants devrait nous amener à changer cette règle.
Si l'on ajoute à cela que malgré les tirs visant les ramasseurs de lance-roquettes, les tirs de Qassam n'ont pas cessé, ni même diminué, on finit par avoir le soupçon affreux que Tsahal ouvre sciemment le feu sur ceux qui peuvent être des enfants par pur espri de vengeance.
Ces massacres ne rendent pas la vie des enfants de Sdérot plus sûre, bien au contraire.
Quiconque étudierait de bonne fois l'enchaînement des évènements des deux derniers mois verraient que les tirs de Qassam s'inscrivent dans un contexte : ils ont presque toujours lieu après des assassinats cibles perpétrés par Tsahal, et il y en a beaucoup.
Savoir qui a commencé n'est pas une question puérile dans ce contexte.
Tsahal a repris sa campagne d'élimination à grande échelle, à la suite de quoi les tirs de Qassam se sont intensifiés.
Voilà la vérité, que chez nous, on feint d'ignorer.
Depuis que Gabi Ashkenasi et Ehoud Barak ont pris leur fonction, la bride est lâchée.
Si Barak avait été un représentant de la droite, peut-être y aurait-il déjà eu un tollé général contre le déchaînement de Tsahal à Gaza.
Mais à Barak tout est permis, que les victimes soient des enfants lui est égal, au public israélien aussi.
Oui, les enfants de Gaza s'intéressent aux Qassam.
C'est à peu près la seule distraction qu'ils aient dans la vie.
C'est leur parc d'attraction à eux.
Ceux qui, plein d'arrogance, exhortent les parents de ces enfants à "les surveiller" n'ont jamais mis les pieds à Beit Hanoun.
Il n'y a rien là-bas, hors des ruelles sordides et des maisons misérables.
Même en admettant que les responsables des tirs de Qassam utilisent ces malheureux enfants (ce qui reste à prouver), cela ne doit pas entamer notre image morale.
Oui, la retenue est permise, la prudence aussi.
Non, il n'est pas toujours nécessaire de riposter, surtout si cela conduit à tuer des enfants.
(...)
Ceux qui veulent vraiment mettre fin aux tirs de roquettes Qassam doivent conclure un cessez-le-feu avec le gouvernement en place à Gaza.
Les assassinats, les bombardements et les tueries d'enfants vont exactement dans la direction opposée.
En attendant, regardez où nous en sommes arrivés, nous er notre armée.
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Gaza - articles pour Haaretz, Gideon Levy.
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Yediot Aharonot, premier quotidien israélien pzr son tirage de 400 000 exemplaires.
Gabi Ashkenasi, Chef de l'Etat-major de l'armée israélienne depuis 2007.
Ehoud Barak, nommé ministre de la Défense par Ehoud Olmert en juin 2007.
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Choix et découpage, Chapô aphoristique, E'M.C.