LETTRE OUVERTE À MADAME LA MINISTRE DE LA CULTURE, AU DIRECTEUR GÉNÉRAL DES PATRIMOINES, AU DIRECTEUR GÉNÉRAL DES CRÉATIONS ARTISTIQUES, AU PRÉSIDENT DU JEU DE PAUME -
Madame la Ministre, Messieurs les Directeurs, Monsieur le Président,
Pendant que se tient le “Festival du Jeu de Paume“, le 10 mai prochain doit avoir lieu l'Assemblée Générale annuelle de “l'association“ qui gère le lieu.
En octobre 2002 le Jeu de Paume était une association dévolue à des expositions “d'Art Moderne“. Le Ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, annonça au cours d'une conférence de presse la dévolution du Jeu de Paume à la Photographie. Il y avait alors deux associations en charge de la Photographie, fondées en 1982 par le Ministère, le Centre National de la Photographie (CNP) attaché à la Délégation aux Arts Plastiques et Patrimoine Photographique sous tutelle de la Direction du Patrimoine.
Membre de Patrimoine Photographique depuis sa fondation en 1982, j'en étais le Président au moment de cette annonce de JJ. Aillagon. De nombreuses réunions suivirent l'annonce et il fallut attendre 2004 et un nouveau Ministre, Renaud Donnedieu de Vabres, pour que le Jeu de Paume ouvre sous sa nouvelle dévolution « à l'image et à la photographie ».
Ce nouveau Jeu de Paume était une association “de préfiguration“ d'un Établissement Public à créer.
Le Directeur du Patrimoine assista à l'assemblée générale de Patrimoine Photographique en 2004 qui devait - ou non - voter la fusion de notre association avec le CNP et le Jeu de Paume. Il fit pression sur les membres présents pour qu'ils votent cette fusion, leur assurant que les missions de l'État seraient préservées pour les « donations de photographes à l'Etat » dont Patrimoine Photographique avait la charge gestionnaire; en cas d'un vote négatif, le Directeur du Patrimoine laissait entendre que la subvention à l'association ne serait plus garantie. La fusion fut donc votée de justesse.Le Directeur du Patrimoine nous affirmait qu'il était temps de faire disparaître le statut d'associations sous tutelle du Ministère et qu'un Etablissement Public s'imposait au respect des règles de l'Etat.
Renaud Donnedieu de Vabres nomma le Président de l'association « de préfiguration » du Jeu de Paume, Alain Dominique Perrin, connu comme président de la Fondation Cartier et responsable du groupe de luxe Richemont. Les trois présidents des associations fusionnées devinrent vices-présidents du Jeu de Paume et baptisés membres fondateurs. C'est donc comme responsable moral, président de Patrimoine Photographique puis Vice-Président du Jeu de Paume 2004 que j'écris cette lettre, n'acceptant pas la situation qui a été imposée au jeu de Paume par son Président et par la tutelle du Ministère, en totale contradiction avec les engagements donnés en 2004 par le Directeur du Patrimoine en accord avec les annonces de JJ. Aillagon.
Je dois ajouter que, fortuitement, au cours de l'examen des comptes à l'occasion d'une AG en 2009 (si ma mémoire est bonne), j'ai appris que la décision de JJ Aillagon aurait pu être motivée par la situation financièrement douteuse laissée par la direction du précédent Jeu de Paume mais dissimulée à la connaissance publique, le passif restant à charge du Jeu de Paume.
Après le décès du Vice-Président de l'ancien Jeu de Paume et la démission de celui du CNP, Alain Dominique Perrin nous avertissait par courrier de notre éviction du Conseil d'Administration, le Vice Président et le représentant de l'ancien Patrimoine Photographique sous le prétexte que je juge futile du manque de chaises dan la salle de réunion...
Depuis lors et pendant une période difficile troublée par la pandémie et des travaux structurants du bâtiment, le Ministère de la Culture imposa une modification statutaire à l'association. Des membres du CA devaient laisser leur place à des représentants de l'Etat pour éviter une situation répréhensible de gestion de fait. Mais le Président est maintenu avec tous les pouvoirs qu'il détient comme de nommer , lui seul, les membres du Conseil et même les membres de “l'association“. Il y a longtemps qu'on a oublié la promesse d'Etablissement Public et le statut actuel est en totale contradiction avec les règles démocratiques imposées par la loi de 1901 sur les associations.
Alors que commence la première édition du « festival du Jeu de Paume », je constate qu'il s'agit d'une exposition totalement dédiée à l'Art contemporain dont la Photographie est totalement absente. Le Président du jeu de Paume a tout fait depuis 2004 pour évincer du jeu de Paume les charges qui étaient celles de Patrimoine Photographique. La Direction Générale des Patrimoines s'est désengagée de toute responsabilité sur la Photographie, laissant à la Direction Générale de la Création Artistique la tutelle de la Photographie et du jeu de Paume.
Les grandes expositions de Photographie ont fait le succès et la réputation du Jeu de Paume depuis 2004 et lui ont donné son image internationale. Son Président, comme il l'a toujours confirmé, est un grand tenant du marché de l'art, s'affirme commerçant et privilégie les règles du privé à celles du public.
En tant que membre fondateur du Jeu de Paume, je tiens solennellement à dénoncer la tenue de cette Assemblée Générale consacrée comme à l'habitude du Président à l'approbation des comptes sans qu'il soit jamais possible d'envisager le moindre moyen d'obtenir l'engagement de la présidence et des représentants de l'Etat qu'ils respectent la règle publique définie en 2004 alors que le Jeu de Paume occupe gratuitement un bâtiment prestigieux du patrimoine parisien.
Cette lettre est le seul moyen qui me reste pour demander aux représentants de l'État qu'ils fassent respecter les engagements initiaux et la promesse de Jean-Jacques Aillagon pour la Photographie. Après la confusion introduite par le mot image adjoint au cahier des charges du Jeu de Paume, le « festival » actuel démontre l'abandon de la Photographie par les représentants de l'État qui permettent au privé de livrer le Jeu de Paume au jeu du marché de l'art en le subventionnant. J'attends que les réponses soient données à l'Assemblée Générale, la Photographie devant être aussi bien respectée par l'État qu'elle est célébrée de par le Monde.
Gilles Walusinski