Billet de blog 6 novembre 2015

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Illustration 1
Jacques Chirac, le 5 décembre 1980 © AFP


«La police a toutes les photos de ces pickpockets. Il suffit de les voir à l’écran pour aller les reconduire à l’extérieur»,
proclame, martiale, Madame Pécresse. La Mère fouettarde de l'Île-de-France, la blonde Matamore des Yvelines, monte sur ses grands chevaux ! Tête de liste LR, elle s'en va remettre l'ordre parmi la plèbe régionale trop longtemps livrée au laxisme de la gauche, et au galop ! Pour lutter contre les odieuses pratiques des délinquants multirécidivistes qui hantent le métro, cet obscur labyrinthe hanté de clochard avinés, de pickpockets à la couleur de peau douteuse et d'effrontés fraudeurs saute-tripode qui effraient et volent les braves gens, la Chevalière Pécresse a la solution : « l'interdiction d'accès au réseau des transports publics. » Fastoche. Le réseau étant couvert de caméras de vidéo-surveillance, les poulets ont toutes les photos des méchants incivils. Suffit de leur sauter sur le râble dès qu'ils osent se pointer, quand leur trombine de malfrat s'affiche sur l'écran espion. De deux choses l'une : soit Madame Pécresse prend ses hypothétiques électeurs pour des cons, soit pour des cons elle les prend. On imagine la scène aux heures de pointe : chef, chef ! Ya na trois konpapéyé à la station Bonne nouvelle. Coffrez-moi ces zindividus ! Ben zut, izonpri l'métro, chef ! Perdent ren pour attendre, on a leur photo !

Hélas ! le ridicule n'est plus létal. Certaines en font même leur métier. Mais laisser circuler l'idée selon laquelle chaque pékin serait photographié et qu'un signal d'alerte se déclencherait quand un mauvais zigue a été repéré par la police parmi la foule des bourgeois honnêtes, est une mauvaise entourloupe électorale. Toute une population soumise à la menace de la reconnaissance faciale et aux violents effets du fichage généralisé, n'est pas la promesse d'une société idéale où les gentils seraient récompensés au dépens des méchants (et selon quels critères et pour combien de temps?), mais le projet d'un régime fasciste pour lequel toute liberté individuelle est en soi dangereuse. Nous aimerions que la photographie ne soit pas présentée comme l'infaillible auxiliaire d'une flicaille implacable, mais appréciée pour ce qu'elle est : une technique émancipatrice, mettant l'acte créatif et artistique à la portée de tous ceux qui souhaitent s'en saisir.

On a la photo des délinquants multirécidivistes LR et associés. Pour s'en débarrasser : fastoche ! Il suffit de leur interdire l'accès à l'Assemblée et aux lieux où s'exerce le pouvoir. Mais ceci, le programme de Madame Pécresse ne le promet pas.

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