Ce texte a été écrit par le comédien Thibault Lacroix en 2008 en réaction à la décision de Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, d'empêcher toute célébration de Mai 68 dans les Universités.
Il l'a relu au "Paradis" de l'Odéon, aux premiers jours de l'occupation du théâtre.
Ci-dessous, les photos du texte original.
Et juste après, les retranscriptions de certains de ces textes.

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Que mai soit sans suite
Texte de Thibault Lacroix
(Texte recto)
Un mot pour commencer que je circonstancie
En m’adressant d’abord à d’où vient l’instruction
Qui voudrait évincer cette péripétie
Au sein d’une éminente et forte institution.
Et la date historique atteint sa péremption ?!
Qui donc est aux fonctions de la bureaucratie ?
A-t-on senti l’odeur d’une putréfaction
Qui gagne l’hexagone en sa superficie ?
Qu’on subodore ainsi quelque machination ?
Est-ce aux soixantuitards atteints de calvitie
Qu’on veut administrer cette punition ?
Nous a-t-on vraiment tous crus frappés d’idiotie ?
Je n’aurais jamais fait cette protestation
Ni fêté ce printemps si mon âme, saisie,
N’avait pas déscelé dans cette interdiction
Toute une mise en scène assez bien réussie :
La manipulation, monopolisation
Du printemps 2008 par Monsieur Sarkozy
Dans quel but affligeant de récupération !
air de rien, flotte un air lourd de revenez-y
Car nous ayant fait part de sa démonstration
Notre jeunesse active argue Neuilly-Passy
Est passé dans son camp (quelle intoxication !).
Pardon de ne pas voir tout à fait ça cozy :
Et puis, coup de théâtre en la confisquation
Des affiches-slogans que chacun apprécie
Où sont-elles passées depuis la proscription ?
À combien croyez-vous qu’on se les négocie
À Douai pour leur vente et leur liquidation ?
Oui tous ces trophées d’encre à la lettre noircie,
Qui virent ès Beaux Arts leur élaboration
(D’où leur propagation…) comme on les remercie
D’avoir un jour servi la cause et la Nation !
Archives de Mémoire, âmes qu’on disgracie
En vous déstituant pour une estimation !
Ô République écrue. Ô société rancie.
Ô plus qu’un seul mot d’ordre : Insubordination
Face au prosélytisme honteux qu’on initie
Qui ne révèle en fait que sa compromission
Et l’exemplarité de son hypocrisie !
Sans la peur qui professe une post-émersion,
Nous aurions pu passer outre ta fantaisie,
Mais le sinistre effet que fait la répression
Sur les nerfs affûtés de notre frénésie
Force presqu’au devoir d’humaine compassion.
Comment vous rassurer ? C’est de quoi me soucie
Partant commémorer (sans votre permission)
De ce mai 68 la pré-voyoucratie,
Veuillez être assurés qu’aucune subversion
Ne troublera le cours de sa nécromancie.
Car quoi ! doit-on parler de révolution
(Si ce n’est sexuelle) ou de catalepsie ?
Soixante neuf pointait. Ce fut l’excitation
Qui plongea soixante huit en profonde autopsie.
A peine eut-on senti la manifestation
Du spectre chamarré de la monocratie
Qu’à contempler l’étrange et sourde éructation
De leurs afflux de sang dans leur gangue endurcie,
Ils ont perdu l’idée dans l’émancipation
Dans le cercle vicieux leur graine d’hérésie.
Comme un serpent se mord la queue la rotation
Fait que tu te rends compte après de l’inéptie !
Quand ça tourna vinaigre avec l’insurrection
Holà, tu rassemblas tes forces d’inertie
Pour aux urnes courir à sa réélection !
Je vois tout ton parcours jusqu’à l’apoplexie
Ô perle avant coudière et ta brève érection
A la face du monde et de la bourgeoisie
Pour tout abandonner, l’espoir et l’ambition,
Avant le copulage et sa grande aphasie.
Et dans l’avortement sentant la frustration,
Opter pour la pilule, hostie de pharmacie.
N’avais-tu pas une autre et plus haute intuition ?
Ta foi dans la nature en totale autarcie
Ta prise de parole en une incantation
Tout ce que me fait dire en pure autocratie
La muse qui me parle avec déréliction
De eux qu’aura tansé l’âpre ploutocratie.
Il ne vous a manqué que la divination
En le Mythe éternel de la Démocratie
Pour la sauver du mal et de la corruption,
Lui épargner le joug de la technocratie ;
En démagnétiser l’inviolable notion :
Porter chacun son chef à la suprématie.
Et du bonnet phrygien la signification
Qu’Attis eut de Cybèle en notre Galatie
Au bord du Mont Didyme à la résurrection
Du printemps; ce bonnet haut de géomancie
Que le grand Zoroastre avait par adoption
Vers le soleil levant d’Iran, d’Inde et d’Asie,
Symbole et couvre-chef de la Libération,
Ce bonnet citoyen géant de minutie,
Ne l’auras-tu porté qu’à la fornication ?
Pour chapeauter l’effort de la phallocratie ?
Ou bien jugules-tu dans ta masturbation
Ce retour de printemps, la conscience éclaircie,
Quel suppôt de quel rêve en quelle involution
Remonte par degrés dans ton âme obscurcie ?
As-tu peur aujourd’hui qu’il refasse irruption ?
Toi que voilà surpris flagrant d’impéritie.
L’envie m’en viendrait presque à voir ta componction.
Pour nous, comme tout suit ce courant d’asphyxie,
Que la Terre elle-même entre en suffocation
Nous n’aurons pas besoin d’une autre facétie:
L’élément déchaîné de la terre en action
Se trouve être garrant de notre ataraxie.
Comprenne qui pourra ! Toi, ma génération,
Prête ici ton serment devant la Galaxie
Restitue chaque atome à ta constellation
Et jusqu’au grand Chaos, clame ta prophétie
***
(Texte verso)
Aux soixantuitars
quarante ans plus tard
C’est vrai qu’ils ont soixante huit ans, alors du coup
De se revoir comme aux temps des révolutions…
Ça pourrait même en compromettre assez beaucoup !
A-t-on vraiment besoin de commémorations
Quand on s’est droit jetés dans la gueule du loup,
Qu’on s’est fait ravaler par les Institutions ?
Le devoir de mémoire alors, dur contrecoup;
Digne peut-être plus de commisérations !
Car à l’acte manqué échappe aussi la foi,
La foi d’aller tuer la peur au fond de soi,
Et la peur reprend donc lors du compte rendu
D’un monde où non-sens règne et où Chaos s’apprête…
Ceux pour qui sonne ainsi doublement la retraite
(Qu’on y pense à deux fois) n’auront pas tout perdu.
*****
Car ils se sont faits peur homme de peu de foi
Trop peur d’aller tuer la peur au fond de soi
D’oser réactiver les Mythes de la Loi
Tant qu’à renverser l’ordre, adorer Jupiter !
Oser fêter Mithra, Cybèle ou Déméter
Au troisième décan du solciste d’hiver
Pour ranimer la flamme en le sacre étouffée
D’être comme un païen qui retrouve une fée
La Vestale par qui Marianne est coiffée
Et ne pas la confier à 1 syndicaliste
Et ne pas la livrer au patent arriviste
Qui profita du jeune et du moyen gréviste