C’est dur d’être un Bisounours.
Si on y réfléchit bien, un Bisounours ça s’en prend plein la gueule. Déjà quand on dit qu’un autre monde est possible. Premier seau de pétrole dans les dents.
On te dit que tu es un privilégié qui n’a pas le droit à la parole alors que eux si parce qu’ils ont connu ça, la vraie vie, à la dure, tout ça. Ils en ont bavé alors que toi non.
Et même quand ta bisounourserie est basée sur le réel, c’est pas plus facile. Ton costume de Bisounours t’empêche d’être écouté. (Un peu comme Cassandre dans la Bible). Tu auras beau crier, dire la vérité, personne ne t’entendra et même on te donnera des coups de pied. Et tout le monde t’expliquera que tu ne peux pas comprendre parce que tu es un Bisounours et alors que eux c’est des vrais durs qui connaissent la vie.
Par exemple, sous mes fenêtres à Paris il y a des migrants. Un ami qui habite plus loin et qui ne les a jamais vus m’affirme que ce sont des Africains qui veulent voler notre pain. Alors que moi déjà je ne vois pas d’Africains, ce sont des Syriens qui sont là parce qu’ils veulent vivre et pas mourir, et puis même si ce sont des Africains je ne vois pas où est le mal.
Mais mon ami m’affirme que ce sont des Africains qui viennent par millions parce qu’il l’a vu à la télé. Je lui dis que non et que moi je le vois de mes yeux, mais mes yeux ce seront toujours des yeux de Bisounours.
Et quand je dis que c’est en partie à cause du réchauffement climatique tous ces bouleversements et il ricane en me disant que ce n’est pas vrai alors que si. Ça se voit pourtant. Peut-être pas encore assez. Mais quand ça se verra vraiment alors il sera vraiment trop tard.
Il me dit que les Chinois ont le droit de polluer et que chez nous il y a trop de normes et que ça nuit à l’emploi et que c’est ça le vrai problème.
Alors moi j’ai bien envie quand j’entends ce genre de bêtises de dire aux gens qui pensent comme ça d’aller voir de plus près chez les Grecs ou en Californie si c’est pas un peu vrai ce que je dis quand même.
Texte écrit avec le Collectif les Bertrands lors de la résidence de création du spectacle « Slaughterhouse - 120 BPM (Bœufs par minute) » au Maquis de Brest.