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« Mademoiselle Fudez, vous n'avez rien compris, vous êtes encore en plein contre-sens. Vous n'avez pas lu l'énoncé. » Et bien oui, je me suis fourvoyée vers des châteaux en Espagne, des guerres de reconquête ou fratricides. J'avoue mon esprit a vagabondé sur la lionne et l'invincible, le titre étant trompeur. Une fois passé le préambule Ikea, un peu longuet, mais les notices sont compliquées, le bâtiment est enfin monté et on peut rêver aux terres arides de Castille, avec un castel ocre pour défendre la veuve et l'orphelin. Beaucoup de bruit et de fureur, avec une séquence stromboscopique hurlante, une fraise autour du cou comme une cerise sur le gâteau (et qui me confortait dans mes temps anciens, même si elle était légèrement anachronique), un truc glissé dans le dos, qui me semblait une mitraillette (encore un anachronisme, mais pourquoi pas), et ce truc c'était un manche de guitare.
Daniel Abreu, danseur contemporain, a agité vainement deux guitares, tel un lanceur de marteau qui verrait double, ce qui aurait pu et dû me mettre la puce à l'oreille, mais point nenni. J'étais toujours dans mes châteaux en Espagne. Et puis une fumée noire s'est abattue sur une scène déjà très sombre, le castel a disparu et mes fantasmagories avec.
En fait j'aurais dû me renseigner. Olga Pericet s'est lancée dans une trilogie, « La Materia », autour de guitares mythiques créées par Antonio de Torres, grand luthier andalou du XIXe siècle. Le festival de Nîmes proposait le second chapitre, « De la Leona a la Invencible ». J'ai trouvé un site dédié à cette Invencible. Plusieurs guitaristes de styles et d'âges différents ont le privilège de la jouer. Des vidéos en témoignent. Parmi eux, Samuel Rouesnel qui joue une sonate de Scarlatti. Ces extraits restituent un son, une rondeur qui entrent en résonance avec l'intime. Dans le spectacle de la bailaora, la musique n'a de musique que le nom. Quelques notes de guitare évoquent tel ou tel palo, et pschitt, ça fout le camp et la rage reprend le dessus, très loin de l'héroïne du spectacle (la guitare). La morale est sans doute qu'il faut lutter contre cette invincible pour finir victorieux ou victorieuse ; ou peut-être pas.
Il est indéniable qu'Olga Pericet est une excellente danseuse, avec beaucoup d'expressivité, d'inventivité et de personnalité. La voir dans un spectacle moins abscons, mieux éclairé et mieux rythmé serait un vrai plaisir.