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Billet de blog 19 janvier 2016

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XXVIe festival flamenco de Nîmes

C'est le premier week-end du festival, très chargé artistiquement. Quatre spectacles en deux jours, Le Ballet de Andalucia, Gema Caballero qui présente son disque De Paso en Paso, Bach Flamenco de et avec Veronica Valecillo, et pour finir la famille Sordera. Et il se dégage une impression plus que mitigée.

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 Expédions, en préliminaire, le Ballet de Andalucia, qui fait hésiter entre le gala de fin d'année, avec exhibition des meilleures élèves, et les spectacles que promouvait le généralissime pour tenter de faire reluire l'étoile de l'Espagne éternelle, bien ternie par l'ombre du dictateur. Enfin de ce ballet, il n'y a rien à dire de plus, si ce n'est qu'il vient s'échouer dans le grand cimetière des espagnolades.

Le dimanche, le festivalier était invité à un grand écart virtuel. Bach Flamenco, s'il n'y a rien à redire sur la qualité intrinsèque du spectacle et de ses interprètes, semble souffrir d'une programmation au sein du festival. C'est une belle idée, qui tire plus vers l'expérimentation et la danse contemporaine, que vers le flamenco.

Illustration 1
Sorderita et son neveu Maloko © Joss Rodriguez

 Le dimanche soir, c'était l'excursion à la Paloma, la salle de spectacle à l'extérieur de la ville. Rien de changé, c'est toujours un chou farci, un peu esclaffé, au milieu d'un plateau bétonné, le béton ayant remplacé la boue, sans un mur, sans un arbre pour arrêter le vent. Une question me taraude toujours, qu'est ce qui motive les édiles à pousser la culture hors des villes. Les salles sont fonctionnelles avec une sono impec, à fond la caisse; mais elles sont mortes, sans âme, sans chaleur. La Paloma n'échappe pas à la règle. Hier nous étions conviés pour écouter « La Casa de Los Sorderas, Ortodoxia y Vanguardia ». La famille Sordera n'a pas semblé surprise du lieu, elle en a pris possession comme on s'installe sur un plateau de télévision. Vicente Soto, le leader, est une bête de scène, il connait toutes les ficelles et tous les trucs. Il a chanté une belle siguiriya, remarquablement accompagné par Manuel Valencia, et une version en buleria de La Bien pagá réjouissante. Un vrai pro. Enrique, le plus âgé, est beaucoup plus en dedans, son chant a plus de force, à son actif une minera de haut niveau, accompagné par Miguel Salado. Sorderita est toujours aussi sympathique, grâce au micro il récupère de la voix. Son alegria est originale, légère et charmante. Quant au quatrième, Maloko, c'est un cantante de derrière les fagots. Saper comme un milord moderne, pantalon cigarette à la cheville, veste longue, cintrée, chemise blanche, coiffure artistique, c'est le neveu des trois autres. La question à cent sous : que faisait-il là ? Si les Sordera avaient pour mission de montrer la dissolution du flamenco dans le monde moderne, la déperdition de l'art de l'intime, ils ont fait carton plein, du plus vieux au plus jeune, du plus profond au plus superficiel.

Illustration 2
Gema Caballero et Javier Patino © Joss Rodriguez

 J'ai gardé le meilleur pour la fin. Le concert acoustique du samedi après-midi de Gema Caballero accompagnée par Javier Patino. Malheureusement ce récital n'a concerné que 200 personnes, contenance du préau de l'institut Emmanuel d'Alzon. La chanteuse de Grenade va s'épanouissant. Son chant prend de l'ampleur. Visuellement, cette assurance est étonnante. Très intériorisée, presque introvertie de nature, elle arrive tendue. Sa rencontre avec Patino est une première. Elle est sans doute plus à l'aise avec la guitare granaina de Luis Mariano ou avec celle, complice, de Pedro Barragan. Mais l'osmose se fait, et le jeu moderne de Patino ne nuit en rien à la cantaora. Bien au contraire, il la pousse dans des contrées inconnues. Cabal, malagueña, siguiriya, solea, guarija, caracoles, sans oublier le tribu à sa ville avec la granaina et la zambra qu'elle a reinventée, elle déroule son répertoire, oscillant entre dentelle et fureur, passant du registre le plus subtil à des sons très sombres qui n'altèrent pas sa voix claire. Elle achève son récital avec la panadera, chant populaire du boulanger, allègre et réjouissant.

Illustration 3
Gema Caballero © Joss Rodriguez

Le public ne veut pas partir, et les deux artistes reviennent pour une interprétation somptueuse des tangos de Graná, terminant sur la magnifique letra :

Quiero vivir en Graná
porque me gusta de oir
la campana de la vela
cuando me voy a dormir.

Et il n'était pas encore l'heure d'aller dormir en entendant la cloche de la cathédrale. En revanche, c'était l'heure de l'apéro pour se remettre de nos émotions. Grand moment flamenco.

Un grand merci à Joss Rodriguez à qui j'ai emprunté ces photos. On peut voir son travail ainsi que celui de Jean-Michel Rillon au théâtre Le Petit Subito dans le quartier de la Placette, à Nîmes, pendant toute la durée du festival.

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