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De l'ergot de seigle qui a rendu fou toute une ville, ses citadins ont dansé sans discontinuer jusqu'à en mourir, il y a cinq siècles, David Coria en fait un spectacle total, mené tambour battant en écho à ce délire collectif.
Le chant profond du cantaor David Lagos ancre le spectacle dans la tourbe ; mais la jolie voix de Isidora O'Ryan et son violoncelle sont un avant-goût du paradis. Juan Jimenez, le saxophoniste, fait le lien entre cet enfer sur terre et le possible paradis à venir (ou pas). Et les danseurs peuvent danser. Comme possédés par le démon, ils exécutent un zapateado de plus en plus endiablé qui ne peut que les laisser exsangues et pantelants. Mais rien ne peut les arrêter.

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En français, cet épisode historique s'appelle le Bal des Ardents, les participants y sont consumés par la folie. C'était à Strasbourg, au début du XVIe siècle. Pour symboliser cette folie, des lances dorées descendent des praticables, autant d'obstacles où l'on se brûlent les ailes. Lors du deuxième tableau, les danseurs se sont dépouillés d'une partie de leurs vêtement ; pieds nus, ils ont la tête et le visage dissimulés par un foulard, poupées brisées, ils continuent de danser jusqu'à l'épuisement.
Lors du dernier tableau, les filles en robe vaporeuse aux couleurs saint-sulpiciennes, les garçons en pantalon souple, toujours agités de tremblements, s'approchent lentement, mais sûrement de la mort. La voix éthérée de Isidora O'Ryan leur ouvre les portes du paradis.
David Coria, chorégraphe et scénographe, conçoit des ballets où tout est maîtrisé, sans temps mort. « Bailes robados » (danses volées) entre en résonance troublante avec ce Bal des Ardents, que l'on peut voir comme une symbolique de notre monde moderne qui ne cesse de brûler et ne s'arrête jamais. Une soirée exaltante.