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Journée marathon et flamenca jusqu’au bout des pieds et de la nuit. La journée commence à 18h au musée des Beaux Arts pour un concert gratuit de Tomas de Perrate et Caracafé. Changement radical d’ambiance musicale. Tomas démarre avec sa voix d’airain par une siguiraya, son concert allant du plus profond au plus léger. Ce spectacle laisse sur sa faim. Comment imaginer un concert de cante jondo dans un hall aux dimensions magnifiques, à la verrière tellement haute qu’on pourrait y caser un immeuble de trois étages, aux murs décorés de grandioses peintures pompiers, les femmes drapées dans des voiles vaporeux, leurs seins affleurant avec discrétion ; les scènes sont martiales, les lumières à leur maximum et les artistes tentent de recréer l’intimité nécessaire à ce type de chant. C’est compliqué. Mais après le désastre de la veille, les portes du paradis s’ouvraient devant nous. Je me pose la question, pourquoi le chant est-il relégué dans des lieux improbables (ce qui pourrait être bien), mais complètement inadaptés (nettement moins bien). Que le festival irrigue la ville est une excellente chose. Que le festival Off se développe et prenne de l’ampleur, c’est encore mieux. Et justement c’était mon jour off.

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Après le musée, il y avait le vernissage de l’exposition de Jules Milhau à l’Hôtel Boudon, rue de Bernis. J’en profite pour faire une parenthèse. Sur le trottoir d’en face, s’est ouvert un bar gay, Le Pride. J’ai pu constater des impacts sur la porte d’entrée. On m’a confirmé que le bar avait été attaqué et que les deux gérants s’étaient fait casser la figure. Flamenco ou pas, on ne peut pas faire comme si cela n’existait pas. Retraversons la rue pour parler des peintures de Jules. Ce jeune homme (il a 24 ans) peint depuis l’âge de 4 ans. Autodidacte, il est en perpétuelle recherche du mouvement. Il prend des cours de flamenco avec Cathia Poza depuis l’âge de 10 ans. Beaucoup d’encres sur papier évoquent des danseuses aux bras semblables à des lianes, parfois un œillet rouge vient accentuer le mouvement. Ma préférence va à une grand vierge noire, au visage plein de douceur et de fermeté. C’est une technique complètement autre faite de collages. Pour accompagner son protégé, Cathia Poza improvisa un tablao sans tablao. Accompagnée de Antonio Cortes à la guitare, Justo Eleria et Manuel Gomez al cante, elle dansa à même les dalles de pierre vieilles de trois siècles. Les conditions étaient difficiles, mais la bailaora, toute de rouge vêtue, chic et originale, réussit à faire sonner les dalles comme si elle dansait sur du chêne.
Après une légère collation, en route pour le Off. Andres Roe, grand manitou de ce Off, a eu l'excellente initiative d'animer ces fins de soirée frustrantes ces dernières années. Le guitariste Antonio Moya en est la locomotive. Le cuadro de Cathia est là, un jeune prodige de la guitare d’une dizaine d’année joue de façon ébouriffante. Au milieu de la nuit, apparaît une ombre discrète, qui attrape une guitare et se met à accompagner l’enfant avec douceur et sans esbroufe ; une falseta lui échappe. En 30s, la lumière surgit, c’est Yerai Cortes. Il échappe à toute comparaison ; il mêle tendresse et ironie, tragique et humour. Il raconte mille vies en 5 minutes. Et le plus étonnant est la relation qu’il suscite avec les autres artistes, chanteurs ou guitaristes. Il établit une complicité immédiate sans impliquer une quelconque hiérarchie.
C’était une magnifique façon de clore cette première partie de mon festival.