Mayte Martín avec « Por los muertos del cante » rend un hommage magnifique à tous les grands disparus du chant depuis les origines, la Niña de la Puebla, la Niña de los peines, Manuel Torre, Enrique Morente, entre autres. D'une manière ou d'une autre, elle s'est construite à leur écoute ou leur contact. Elle est accompagnée de ses compagnons de toujours, les guitaristes Jose-Luis Montón, Juan Ramón Caro et du percussionniste Chico Fargas. Rien ne serait possible sans eux. Dans ce spectacle, tout est jondo (profond) parce qu'elle l'a voulu ainsi et évidemment elle en a les moyens, grâce à sa voix claire et légèrement voilée à la fois, à une expressivité hors du commun et une musicalité hors norme. Son imagination, sa sensibilité, son intelligence et son originalité font le reste.

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Mayte Martín arrive sur scène dans son éternel costume sombre, chemise noire, sa chevelure blanche captant seule la lumière. Dans sa raideur, elle n'est pas sans évoquer Edith Piaf et sa fragilité maladive. Elle entame a capella un campanillero, chant réputé chico (mineur) de la Niña de la Puebla. Puis les guitares se joignent à elle. L'ambiance est créée. La Mayte nous entraîne pour presque deux heures de promenade au paradis du chant. Elle cite les uns et les autres dans une interprétation toute personnelle qui fait voyager du fond de l'Andalousie aux Amérique. En hommage à Atayalpa Yupanqui, elle chante la Milonga del solitario particulièrement poignante, car complètement dépouillée. Une zambra, sortie des cuevas du Sacromonte (Grenade) en hommage à Carmen Amaya et au maestro Sabicas, un enchaînement de peteneras qui vont de Paterna à Mexico. Pour moi, un apogée dans l'émotion a été ce chant qui enchaînait plusieurs palos (chants), commençant par liviana , pour se terminer par un fandango, en passant par la serrana et la bambera.
Elle termine son récital comme elle l'a commencé, avec un cante réputé chico, en hommage à Manuel Pareja Obregón. Grâce à son enchaînement de sevillanas, elle leur rend toutes leurs lettres de noblesse.
Que dire de la relation qu'elle entretient avec ses musiciens ? Elle les encourage, les aime et leur dit. Elle salue tout particulièrement son plus vieux compagnon de scène Jose-Luis Montón. Ils ont débuté ensemble et pour elle, Jose-Luis est un poète absolu de la guitare, grâce à une musicalité hors norme. Ce soir-là, il est difficile de la contredire.
Vers la fin du récital, un spectateur lui lance : « Gracias por existir », « Merci d'exister ». La réponse de Mayte : « Gracias a ustedes. Si no existieran yo existiría menos », « Merci à vous, si vous n'existiez pas, j'existerais moins. » Mayte Martín n'a jamais dévié de sa route, en évitant soigneusement tous les effets faciles. Les festivaliers ont vécu une immense noche flamenca de cante jondo. Ce spectacle est à voir et à revoir sur Arte.
http://concert.arte.tv/fr/mayte-Martín-au-festival-flamenco-de-nimes