Dernier jour du festival. Au programme, Sorderita en acoustique à l'institut Emmanuel d'Alzon, Rocío Molina au théâtre Bernadette Lafont et Los Pañeros au théâtre de l'Odéon.

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Je n'ai pas vu la totalité du récital de Sorderita qui s'accompagne à la guitare. Isidoro Fernandez était au cajón très présent et très discret en même temps. Et une forte complicité se dégage entre les deux musiciens. Une constatation : Sorderita est très motivé. Sa guitare, quasiment rock, dégage. Mais il n'a pas de voix. J'étais au dernier rang et j'étais obligée de tendre l'oreille. Une légère sonorisation n'aurait pas été superflue.
Rocío Molina, c'est bien sûr le gros morceau du jour. Et c'est une immense déception. La force de Rocío repose sur sa grâce et sa capacité à intégrer la danse flamenca dans un univers plus contemporain. Dans « Bosque ardora », elle est en dehors du flamenco, si ce n'est les dix dernières minutes salvatrices où elle danse, enfin libérée, une siguiriya au message douteux. Mais reprenons au début. Après une évocation vidéo d'une chasse à l'ancienne qui se termine par la chute mortelle, ou pas, de la cavalière Rocío dans un étang, les danseurs ont l'air d'être précipités dans la préhistoire, peau de bête et rugosité. Après un tableau qui semble évoquer la rouerie des filles, la violence se déchaîne. La danse est âpre, les pas de deux ou de trois dégénèrent dans des scènes qui sont insoutenables. J'ai vu ce spectacle comme un brûlot/manifeste fait au nom des violences faites aux femmes. Très clairement le viol y est évoqué. La danse est saccadée, Rocío Molina est un pantin brisé. Avec ses deux compères, les bailaores Eduardo Guerrero et Fernando Jiménez, elle va très loin dans la démonstration qui se termine par des coups de fusil et la disparition de ses partenaires. Elle se retrouve seule sur scène, enfin libre. Elle a mené un combat à mort et triomphé de la gent masculine. Je peux comprendre le propos, bien que je ne me retrouve pas dans sa radicalité, mais la démonstration sèche et rude est menée de façon tellement didactique, qu'on s'ennuie copieusement. Quelques éclairs parsèment le spectacle, comme son évocation de maîtresse SM, guêpière et cuissardes noires.

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La musique dominante est celle violente et agressive des trombones dissonants. Le chanteur José-Angel Carmona et le guitariste Emilio Trassera font naufrage et ne trouvent jamais leur espace.
Cette « forêt ardente » est plus proche des flammes de l'enfer que du roucoulement des anges au paradis.
La soirée à l'Odéon était d'une toute autre facture. José et Périco Los Pañeros, c'était roots. Pas de chichi, le flamenco comme à la maison, on chante, on danse, et la guitare d'Antonio Moya soutient son monde. Les deux chanteurs, frères dans la vie, viennent d'Algesiras, terre oubliée du flamenco, malgré le génie de Paco de Lucia. Le titre du spectacle sonne comme un manifeste : « De Algeciras vengo », « Je viens d'Algésiras. »
Un final qui, à sa manière, revendique un flamenco des origines et démontre que tous les grands écarts sont possibles. De Sorderita, issu de Ketama, le groupe flamenco-rock, en passant par Rocío Molina, aux frères Los Pañeros, en une nuit, le festival de Nîmes a montré toutes les facettes du flamenco d'aujourd'hui.