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Billet de blog 27 juillet 2025

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République Deux - La démocratie

Après avoir exploré la notion de la république, il est temps d'aborder la question subsidiaire : celle de démocratie.

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Épisode précédent - République Un


Souvenez-vous dans le dernier épisode, j'ai pris l'exemple des noms de rue et d’arrêts de bus nommés "République" pour vous montrer à quel point nous tentions de rendre concret une idée abstraite : celle de la République, lui donner une forme sans jamais s'intéresser au problème de fond, son manque de définition. Ainsi, à l'opposé de la république, jamais n'avez-vous croisé d'arrêt nommé "Démocratie", et il y a là une raison des plus simples : la République est un état, tandis que la Démocratie est un processus.

La distinction entre un état et un processus est l'une des notions les plus fondamentales à saisir, bien qu'elle soit d'une simplicité désarmante. On vous a probablement déjà dit que, dans la vie, ce qui compte n'est pas tant la destination (état, "é" minuscule) que le voyage (processus) ; eh bien, on pourrait tout autant affirmer qu'en politique, ce n'est pas tant l'Etat qui importe, mais bien le processus.

Avant même de distinguer clairement ce que signifie être républicain d'être démocrate, rappelons que nombre de monarchies ont été, et demeurent, bien plus démocratiques que certaines républiques. La Suède et le Royaume-Uni, par exemple, sont souvent cités comme des démocraties exemplaires, et ce, tout en ayant un roi ou une reine à leur tête.

Le philosophe Paul Ricœur disait ceci pour désigner le processus démocratique : « Est démocratique une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des contradictions d’intérêts, et qui se fixe comme modalité d’associer, à parts égales, chaque citoyen dans l’expression de ces contradictions, l’analyse de ces contradictions, et la mise en délibération de ces contradictions, en vue d’arriver à un arbitrage. »

Reprenons à la racine : je ne vous l'ai pas dit, mais les monarchies, les oligarchies, les républiques, et même les "anarchies", sont toutes des formes d'états ; des sources de droit. Ce sont les institutions qui leur sont rattachées qui édictent les normes — ces lois qui régissent nos vies et s'appliquent sur le territoire.

La démocratie, quant à elle, est bien plus vaste. Elle ne se limite pas à un état ni à créer les normes, elle est le processus par lequel l'information et la contestation — en autres choses — se déploient. Elle englobe tout ce qui, dans la société, en dehors même des structures du pouvoir, permet à chaque citoyen de participer à la remise en question de la norme, d'une part, et à l'information sur les normes et leurs effets, d'autre part : depuis les commissions d’information parlementaires jusqu’aux journaux, syndicats et associations ; tous ces leviers essentiels qui donnent vie à l'expression démocratique.

Or, selon la manière dont cette expression est encadrée, le visage de la démocratie se métamorphose. Si cette expression se retrouve validée par l'État, alors on dit que le processus est autoritaire : c'est l'État qui sanctionne ou non la légitimité de chaque voix. Si, au contraire, cette expression est contrôlée, façonnée, surveillée par l'État, elle devient alors totalitaire ; la contestation n'est plus qu'une illusion, un écho prisonnier des murs du pouvoir.

À l'opposé de ces systèmes contraignants, il existe ce que l'on pourrait appeler une expression "anomique" — une liberté sans entrave, sans aucune forme de contrainte sur chaque individu. C'est une démocratie où chacun exprime sa voix sans filtre, sans cadre, sans régulation. Pensez à Twitter dans son ancienne forme, par exemple : une agora numérique où la parole est souvent délivrée des exigences de la vérité, où l'indignation et la rumeur circulent sans frein, où l'anomie du verbe se confond avec la démocratie. 

Mais cette liberté totale est-elle encore de la démocratie ? Car la démocratie, c'est aussi l'exercice de la raison, la recherche du bien commun ; une liberté purement anomique, libérée de tout contrôle, peut-elle réellement construire un espace de dialogue ? Pensez à Wikipedia, où chaque information est soumise à l’approbation de la communauté. En cela, Paul Ricoeur avait raison de mettre en exergue le processus de contrôle et donc d'arbitrage de la démocratie.

C’est par ces questions teintées d’opinions provocatrices que je veux ici vous assurer d’une chose : le débat politique n’est pas mort.


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CC.

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