Billet de blog 7 mars 2017

Philippe LEGER (avatar)

Philippe LEGER

Ancien journaliste. Secrétaire général du Comité Européen Marseille.

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Stop au Marseille «bashing»!

Marseille n'est pas la capitale du crime. Assez du dénigrement ! La doyenne des villes de France poursuit sa métamorphose étonnante et se construit un futur, très éloigné de l'univers de la drogue.

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Des médias n'hésitent pas à jeter l'opprobre sur les quartiers Nord de notre ville. Le prestigieux journal « Le Monde » évoquait encore récemment Marseille comme « capitale du crime » !
Cette image désastreuse occulte le renouveau marseillais et jette l'opprobre sur tous les habitants.
Il conviendrait de remettre les faits dans leur contexte, de les ramener à leurs justes proportions. Marseille n'est pas une ville américaine.
Aux États-Unis, pays de la permissivité et de l'individualisme forcené, ce ne sont pas moins de 1.220 "crimes" violents pour 100.000 habitants (sources : FBI) qui ont été commis l'an dernier à Détroit, dans l'État du Michigan, une ville comparable en taille à la doyenne des villes fançaises. Par "crimes", les Américains englobent : meurtres, viols, voies de fait et vols qualifiés. La motor city enregistre 43,5 meurtres pour 100 000 habitants (1)
D'autres villes américaines sont au diapason mais Détroit bat tous les records. Elle est classée dans le Top 10 des villes les plus dangereuses au monde, en 3e position derrière Karachi (Pakistan) et Captown (Afrique du Sud), 1ère avec 50 meurtres... par jour !
À Marseille, sur l'ensemble de la ville, on dénombre 34 morts par balles en 2016, lors de règlements de comptes. Bien sûr, 34 morts violentes, c'est trop, c'est insoutenable, surtout lorsque des innocents en sont les victimes. Mais on est très loin des chiffres accablants relevés dans d'autres pays et sur d'autres continents. Il est déplacé de qualifier Marseille (voire Paris) de "capitale du crime" !

Le trafic de drogue est devenu le principal moteur de l’économie dans des villes américaines. Pas à Marseille !
L'ancienne capitale américaine de l'automobile possède aujourd'hui le même nombre d'habitants que Marseille, ou presque. Elle subit toujours de plein fouet le déclin industriel tandis que Marseille a vu disparaître entre 1975 et 1990 près de la moitié de ses emplois dans l'industrie locale.
À Détroit, la ségrégation n'est pas nord-sud. Là-bas, une autoroute à huit voies fait la frontière entre les riches et les pauvres.
Comme dans d'autres villes américaines, la partie paupérisée est discriminée, elle subit la loi des gangs et les violences de la drogue et du crime à une échelle totalement inconnue chez nous.
Dans le Michigan, la dépénalisation du cannabis pour raison médicale n'a aucunement changé la donne. Pas plus dans d'autres villes des États-Unis ou d'autres parties du monde qui ont été plus loin dans la dépénalisation. Bien au contraire !
Aux Pays Bas, souvent cités comme le paradis de « Marie-Jeanne » , « la dépénalisation du cannabis constitue une vraie poule aux œufs d’or pour l’économie souterraine », selon Jan Brouwer, professeur de droit à l’Université de Groninguen (Vice News - « Trouble in Europe's Pot Paradise: A Bloody Gang War Is Raging in Amsterdam » par Thijs Roes)
Faute de travail, faute d'entreprises, le trafic de drogue est devenu le principal moteur de l’économie à Détroit, entraînant les multiplication des gangs et des règlements de comptes. Les États-Unis administrent la preuve qu'on ne stoppe pas des réseaux et la violence qui gangrènent des quartiers en légalisant des activités criminelles. En se trompant sur les causes, on se trompe aussi sur les remèdes.
Le devoir de l'État français n'est donc pas de créer un monopole sur la drogue et d'en assurer la distribution comme le réclame le député PS « Marijuana friendly », Patrick Mennucci  !
Le devoir de l'État, c'est d'assurer le bien-être et la sécurité de tous, c'est de favoriser les conditions sociales et économiques pour que chacun trouve sa place dans la société et s'épanouisse dans toutes les dimensions de la personne humaine, y compris spirituelles, sans être discriminé, pour quelques raisons que ce soit.
À Marseille, pauvreté n'est pas vice
À Détroit, le taux de chômage moyen est de 14%, (Marseille :12%) ; 1 habitant sur 3 vit au-dessous du seuil de pauvreté, contre 1 sur 4 à Marseille.
Chez nous, quatre arrondissements (3e, 2e, 1er, 14e et 15e) classent Marseille «  parmi les 6 communes les plus pauvres de l'Hexagone », comme le souligne Hervé Vaudoit dans La Provence du 3 juin 2015 (« Marseille capitale de la grande pauvreté ».
« Le 3e arrondissement est même la seule commune du pays dont plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté (51,3 % exactement) contre 43,5% dans le 2e arr. »
Dans ces quartiers de Marseille, de grande pauvreté, si l'on se fie aux statistiques, on est très loin des chiffres sur la criminalité enregistrés dans les villes américaines !
L'enquête de l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) sur la pauvreté en France, reprise par Hervé Vaudoit, se base sur des chiffres collectés auprès de l'administration fiscale et des organismes sociaux en 2012.
On doit se demander si les données 2012 de l'Insee sont encore valables aujourd'hui.

 Marseille : un passé prestigieux, un présent international, un laboratoire du futur
La capitale européenne de la culture (2013) a dopé l'opération Euroméditerranée, des milliards d'euros ont été investi dans le 2e secteur (2e et 3e arr.) faisant du 2e arr. « la vitrine de Marseille », comme le souligne son maire, Lisette Narducci (PRG). La doyenne française a opéré une spectaculaire métamorphose ! Des milliers d'emplois ont été créés. La plus ancienne ville de France au passé prestigieux s'affirme aujourd'hui à l'international. La ville compte aujourd'hui parmi les meilleurs centres d’affaires européens pour les entreprises de service. Depuis mai 2015, il existe même un train direct jusqu’à Londres. 
Marseille laisse entrevoir son rôle de laboratoire du futur dans le 3e. « Aujourd'hui, c'est tout son quartier de la Belle de Mai qui se prépare à renaître en pleine lumière, par la grâce des arts et de la culture, la création numérique et les pépinières d'entreprises innovantes...» (« Le quartier de la Belle de Mai... Laboratoire du futur ? » Club Mediapart - Visages de Marseille – 7 octobre 2014).
N'en déplaise aux esprits chagrins, même si les architectes, urbanistes et promoteurs renouvellent la vision de Marseille par des réalisations, quelquefois étonnantes, comme le Mucem, la ville et ses habitants décideront toujours de l’âme des quartiers. Marseille reste une ville populaire, exceptionnelle, baignée de mer et de soleil, avec les calanques comme écrin. Pas la "capitale du crime" ! Philippe LEGER

 (1) précision ajoutée à ce billet, le 8 mars 16 h 34  suite à la remarque de Motus (voir commentaires)

  • 08/03/2017 16:34

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