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Billet de blog 30 mai 2011

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Patarei, l'ex-prison où les jeunes font la fête

La prison de Patarei témoigne encore aujourd'hui de l'horreur de l'occupation soviétique. Pour la nouvelle génération, elle est pourtant devenue un vaste lieu de fête.

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La prison de Patarei témoigne encore aujourd'hui de l'horreur de l'occupation soviétique. Pour la nouvelle génération, elle est pourtant devenue un vaste lieu de fête.

Barbecues, tables, chaises et sonos... Cinq employés d'une société d'événementiel s'activent pour la mise en place d'une soirée privée. Celle de plusieurs centaines de banquiers qui ont choisi de faire la fête dans un endroit plutôt insolite : l'ancienne prison soviétique de Patarei. Rien d'exceptionnel pourtant. C'est déjà le vingtième évènement organisé ici depuis le début de l'année. Une pratique qui dure depuis que le gouvernement a abandonné son musée en 2007. L'État y a perdu beaucoup d'argent et a donc adopté une autre politique : louer cette vaste forteresse de 36 000 m2 et ses quatre hectares de terrain à qui le voudra.

C'est Andrus Villem, un ancien journaliste-député-professeur de lettres, qui a saisi l'occasion. "Je voulais faire de ce complexe un objet culturel multifonctionnel", résume-t-il. Seule condition imposée par les pouvoirs publics : permettre encore aux visiteurs d'arpenter ce lieu. L'univers pénitentiaire est donc toujours là. Mais entre les murailles et la mer de barbelés, on peut boire des coups dans un bar de plage, le jour, tandis que la nuit est réservée à des rave parties, concerts rock, punk et autres divertissements. Des activités qui ont lieu dans la cour de la prison mais aussi à l'intérieur de cette bâtisse occupée jusqu'en 2004 par matons et prisonniers.

"Une revanche sur l'Histoire"

Andrus Villem (g.) et Rasmus Rausberg


La plus grosse soirée a réuni pas moins de 4000 personnes. Pourtant, hormis quelques tags, difficile de trouver les restes des évènements. "Le matin, c'est vraiment le chaos, mais rassurez-vous, on nettoie tout", s'amuse Rasmus Rausberg, le co-propriétaire du bar de la plage. Expositions et happenings y sont aussi régulièrement organisés. Certaines œuvres font d'ailleurs désormais partie de ce lieu historique.

Le décalage a de quoi surprendre. Mais pour la nouvelle génération, celle qui n'a pas connu l'occupation soviétique, investir de la sorte un tel endroit est un acte fort. "Cette prison représente dans toute son horreur le régime communiste, une période où la fête était interdite. Les gens aiment s'amuser ici justement parce que c'est Patarei. C'est une façon de prendre sa revanche sur l'Histoire ", raconte Rasmus.

Une insulte des jeunes Estoniens à leur Histoire ? "C'est celle de leurs parents avant tout. Ils la connaissent mais ils n'ont pas leurs propres souvenirs. D'une certaine façon, ils s'en foutent et veulent aller de l'avant", poursuit-il. Une mentalité qui n'est pas forcément du goût des plus âgés... à une exception près, peut-être. "J'ai organisé une fois l'anniversaire d'un jeune ici. C'est son grand-père qui a insisté sur ce lieu... parce que lui avait été un prisonnier de Patarei", se souvient Andrus.

Un hôtel de luxe

Le locataire assure ne pas gagner beaucoup d'argent avec sa fondation. Quel est le prix du loyer ? "Une jolie somme...", lâche-t-il énervé, avant d'évoquer le différend qui l'oppose à l'Etat, qui veut vendre le lieu devenu si populaire. "Le futur acheteur devra conserver une partie musée mais pourra, s'il le souhaite, transformer le reste en hôtel de luxe", explique Andrus. "Les chambres sont déjà là, il n'y a plus qu'à construire les douches", ajoute cyniquement Rasmus.

Plusieurs investisseurs étrangers se seraient déjà penchés sur l'offre. "Mais ils ont été découragés par ce que coûteraient les rénovations", précise Andrus. Le lieu serait à vendre pour environ 3 millions d'euros. Les travaux, eux, devraient s'élever à plus de 100 millions. Pourtant, Andrus est inquiet pour l'avenir de sa fondation. Si la prison trouve preneur, il aura trois mois pour quitter les lieux. Pour cette année, la saison estivale, celle où la fête bat son plein, est donc assurée. Mais l'an prochain, Andrus ne garantit rien.

Maylis Chauvin avec Pauline Lavoix

A lire aussi, la visite de Patarei.

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