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Billet de blog 22 septembre 2025

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COUPS DE BLUES – HUMEURS CHAFOUINES

« Ne rien prévoir, sinon l’imprévisible. Ne rien attendre, sinon l’inattendu. » Christian BOBIN

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Illustration 1
© Vent d'Autan

Que reste-t-il de cet été à ciel ouvert ?

 D’allure subitement renfrognée, voilà donc la belle saison qui file en douce à travers le labyrinthe des jours. Pas eu le loisir de tout faire. Pas encore eu la vertu de tout défaire. Impossible de se séparer du feu de paille des nuits éclairées au solstice. Comme une sensation d'inachevé, poussée à bout, fouettée par la fièvre des embruns en bout de jetée. Encore prolonger l’instant de la magie de l’heure bleue, éclipsée au fil de l’infini par on ne sait quelle sorcellerie.

On se croise, on se salue, on se mêle à nos histoires, on se démêle tant et plus sans importance, puis à bout de souffle, on retourne au désordre de son quotidien. Autant d’amours congédiés à la va vite que d’herbes folles chahutées par le panache des vents. Plus rien de neuf le long du bord de grève désaffectée. À peine quelques lustres écatis au soleil couchant agrémentés du bruit de pas incertains. Fragments de saveurs penchées au chevet d’âmes solitaires. Un regard furtif qui s’attarde jusque dans les pénates du soir. Bien peu de choses, voir pas grand-chose. Futiles bagatelles déposées par les aléas de l’obscur. Puis ce silence en embuscade, comme pour élaborer une langue inconnue, à la merci de tous. Véritable big-bang sensoriel à bout de souffle.

 Des éclats de rire. Des pensées frivoles. Des visages poudrés de fadaises et d’organdi. Des ombres déchirées dans la nuit. Des poussières d’étoiles. L’horizon qui pourfend les géants du grand large. Le silence des agneaux ordinaires. Le murmure des dunes, seule réponse aux potins du monde. Le sablier qui parachève son œuvre, sans plus grande importance. Souvenirs de certaines heures promises à l’oubli, soumises à l’ennui. D’un jour à l’autre ces débris d’égratignures sans importance faîte de moments semblables et répétés pendant un laps de temps qui semble interminable.

 Vide de toute substance lyrique, cette partition de soupirs, desséchés entre les pages d’herbiers de jours de liesse. Compilés aux coins de jardins secrets, les mots d’instants radieux à l’encre bleue. D’autres, plus sournois, chimères dérisoires barbouillées à l’ancre noire. Effeuillage de notes chamarrées. Écrits éparpillés face à l’ampleur du ciel vide. Bordé d’un voile nébuleux le regard au loin qui dit vague. À flanc d’équinoxe, où s’écharpent les contours de l’air. Sac et ressac.

 « Une chose prend fin, une autre commence, et c’est la même chose qui recommence, autrement. » Christian BOBIN

Illustration 2
© Edmey

Que reste-t-il de cet été à ciel ouvert ?

 Plis et replis du temps, de quoi se souvenir soudainement que la vie n’est absolument pas un long fleuve tranquille. « A ciel ouvert » anagrammé en « coûter la vie », un goût amer, un fil intime s’étirant dans les moindres méandres du corps, transperçant chaque interstice de chair jusqu’à atteindre les profondeurs de l’esprit, jusqu’à ébranler l’âme, habituellement harmonie au cœur de l’être humain.

 Et soudain, arrêt sur image, paroles en sourdine… La mer imaginée ne chante plus ni ne murmure ! Les flots déchainés et sauvages se fracassent en vagues tumultueuses sur les rochers d’un rivage déserté. Juste des rêves éveillés douloureux et angoissants rythmés par l’écoulement feutré de la clepsydre marine.

Rien que désespoir et lassitude en perspective et pourtant toujours ces lueurs éphémères de grandeur, de sagesse et de dignité en filigrane. La vie désormais chamboulée, disloquée ou dissolue.

Un coup d’œil furtif dans le rétro. Plus grand-chose à retenir si ce ne sont quelques chuchotis étouffés par le temps, des silences ambigus ou des histoires déchirantes transcrites à la plume et à l’encre indélébile sur les pages blanches d’un précieux calepin, trames et récits du monde, regards simples, maux et mémoires complexes de vies.

L’aventure humaine à la peine, le passé presque effacé, l’avenir plus que jamais à rebours. Si les mots désertent, s’abiment ou perdent de leur élégance, si les écrits s’égarent, tourbillonnent ou s’effritent dans les sinuosités de l’obscur, du néant ou de l’abîme, préserver à tout prix un brin de lucidité, une once de bienveillance, une fragilité humaine.

Illustration 3
© Edmey

S’acharner et franchir les contours de ces jours délités et chercher à se nourrir encore de quelques effluves enivrants. Résister. Continuer à exister, coûte que coûte, au milieu de ce trop-plein impromptu, soudainement devenu vide de sens et d’importance. Et s’il ne restait de cet été dispersé que vestiges à enfouir ?

Entre limbes et éden, fouiner et dénicher quelques chemins de traverse, jusqu’ici éclipsés, afin que voguent encore quelques pépites tangibles d’aventures humaines et toutes ces échappées belles ciselées d’émotions étoilées et de pensées azurées… Et que vibrent à nouveau d’intenses moments suspendus, précieux repères en cette terre étrange, devenue presque inconnue !

Entre rêve et réel, chaleur estivale et atmosphère caniculaire, désastres climatiques, résignations et révoltes d’un monde à vau-l’eau… à travers les épreuves parcourues et restant à parcourir, vite raconte moi encore la poésie en musique douce et en gouttes d’espoir comme une ombre, comme un rêve, une caresse effleurant la peau, saupoudrant à l’entour flammèches évanescentes et semailles insolites éparpillées aux quatre vents.

 « Il faudrait accomplir toutes choses et même les plus ordinaires, surtout les plus ordinaires - ouvrir une porte, écrire une lettre, tendre une main, avec le plus grand soin et l’attention la plus vive, comme si le sort du monde et le cours des étoiles en dépendaient, et d’ailleurs il est vrai que le sort du monde et le cours des étoiles en dépendent ». Christian BOBIN, « L’enchantement simple ».

Illustration 4

     Coups de blues –

Humeurs chafouines

     sous les plumes

     d’Edmey et de Vent d’Autan

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