Le propre d’un journal en ligne, c’est sa relation au public qu’il fédère. Loin d’être distante ou désincarnée, elle est concrète et vivante. Illustration par ce qui m’a occupé ces temps derniers : des conférences, des débats et des rencontres, sur le terrain.
« Rallumer tous les soleils », qui donne son titre à un recueil collationné par l’historien Jean-Pierre Rioux, est une superbe formule de Jean Jaurès. C’est dans un texte exhumé en 1959-1960, un manuscrit de 1891 resté longtemps inédit sur La question religieuse et le socialisme, que l’on trouve cette fulgurance où se laisse entrevoir « l’arrière-pensée » de Jaurès, ce spiritualisme qui, loin de s’opposer à son matérialisme, l’accompagnait et l’élevait (télécharger ici l’étude de Gilles Candar).
Elle vient sous sa plume en réaction au cri d’un des porte-paroles de la campagne anticléricale du bloc des gauches, son ami Viviani, avec lequel il partageait la même ambition d’une grande politique sociale : « Ensemble, et d’un geste magnifique, nous avons éteint dans le ciel des lumières qu’on ne rallumera plus ! » Ce à quoi Jean Jaurès rétorque : « Même si les socialistes éteignent un moment toutes les étoiles du ciel, je veux marcher avec eux dans le chemin sombre qui mène à la justice, étincelle divine, qui suffira à rallumer tous les soleils dans toutes les hauteurs de l’espace. »
Que l’on croit au ciel ou que l’on n’y croit pas, la question d’une espérance démocratique et sociale s’imposant par sa hauteur et ses lumières nous est posée, à toutes et tous, de façon urgente et vitale. S’il est évidemment des questions programmatiques à débattre pour répondre aux défis quotidiens, rien ne sera possible sans un sursaut d’imaginaire qui secoue l’indifférence, rassemble les volontés, mobilise le peuple. On ne combat pas les démons de la peur et de la haine sans un idéal supérieur qui redonne force et vie à l’exigence démocratique et sociale d’égalité.
Invité par le député (socialiste et frondeur, courageux aussi) des Français de l’étranger Pouria Amirshahi, c’est ce que j’ai tenté de suggérer en conclusion de la rencontre « Echanger pour changer » qu’il avait organisé à Paris, à la Bellevilloise, le 27 septembre dernier (voir ici sur son blog). Voici la vidéo qui en témoigne :
C’est dans le même esprit que je suis intervenu plus longuement à Villeurbanne, le 6 octobre. Pour les dix ans de l’Université Populaire de Lyon, ses animateurs, parmi lesquels l’universitaire Philippe Corcuff (retrouver ici son blog sur Mediapart), m’avaient demandé de prononcer la conférence inaugurale au Théâtre National Populaire (TNP). Le thème choisi était celui-ci : « Médias indépendants et participatifs, esprit des universités populaires et avenir de la démocratie », accompagné du commentaire suivant de l’UP lyonnaise : « Il y a des affinités électives entre l’esprit des universités populaires et une expérience de média indépendant et participatif comme Mediapart dans la perspective du développement d’une citoyenneté active. Ces affinités électives ont à être tout particulièrement cultivées dans un contexte où nos idéaux démocratiques vont mal dans les faits, avec la complicité de gouvernants s’affichant démocrates mais laissant le conservatisme et la xénophobie prospérer sur le terreau de la crise économique et sociale comme de leurs propres défaillances. »
Voici donc la vidéo de cette conférence :
Enfin, puisque le souvenir actif de Jean Jaurès était au départ de ce billet, je redonne ici, pour ceux qui l’auraient manquée cet été, la vidéo de la conférence donnée le 14 juillet 2014 au festival Les Suds à Arles dont Mediapart est partenaire (voir ici l’édition Plein Suds du Club), sur Jaurès justement, presque cent ans jour pour jour après son assassinat, le 31 juillet 1914 :