Lundi 3 février – Musique d’entrée en classe : The Neighbourhood, Softcore (proposition d’élève)
C’est une petite semaine qui démarre. Déjà, dans mon emploi du temps, une semaine sur deux j’ai 18h de cours, l’autre j’en ai 22. Cette semaine, c’est 18. Et puis il y a d’autres sources de répit, vous allez voir (le gars a un sens du suspense… !)
En 4ème, on commence le chapitre sur le tourisme international.
- (moi) Sur ce chapitre, vous allez travailler en groupes !
- (eux) Waiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!!!
- (moi) Et les groupes seront tirés au sort.
- (eux) Ooooooooooooooooohhhhh…………..
- (moi) Et vous savez pourquoi ?
- (eux, les yeux au ciel) Oui monsieuuuuuuuuuuuuuur………….
Vous vous demandez pourquoi ? Parce que pour faire des groupes, il n’y a que 3 options :
- 1) le prof décide, mais les élèves détestent et moi aussi
- 2) les élèves décident, donc ils se mettent avec leur copains / copines, et le risque de gros bordel est d’environ 16 sur l’échelle de Blanquer
- 3) le tirage au sort, avec deux avantages : ils apprennent à bosser avec n’importe qui, et, surtout, aucun sentiment d’injustice
Donc, tirage au sort. Et en général, quand ça râle, ça dure moins d’un quart d’heure.
A midi, il y a la queue au micro-ondes de la salle des profs. C’est plus 20 minutes que j’ai pour manger, mais 14. Je pense investir dans des pâtes à s’injecter en intraveineuse, pour gagner du temps.
J’ai 2h de « trou » qui sont consacrées à corriger des copies, à imprimer les sujets de brevet blanc, et autres brindilles qui, bout à bout, font une jolie petite liane.
Je discute avec Sofia (1), la petite de 3ème qui a des notes un peu basses (voir l’épisode précédent). Elle m’explique ce qui la bloque, ça lui fait beaucoup de bien, elle repart avec un sourire de spot publicitaire. Je pense qu’elle n'imaginait pas, discrète comme elle est, qu’on puisse ne serait-ce que remarquer son existence.
Je discute avec Nathan (1), le petit de 3ème qui a triché avec son PC (même épisode précédent). Je lui explique que j’ai toujours autant d’affection et de respect pour lui, et que je continuerai à l’aider autant que possible.
- Tu as compris que t’as fait une connerie ?
- Oui, monsieur.
- Alors on efface tout, et on recommence.
- Merci beaucoup, monsieur !
A mon avis, lui non plus il s’y attendait pas à celle-là.
Journée de travail : 8h30
Mardi 4 février – Musique d’entrée en classe : The Mamas & the Papas, California Dreamin’
Je n’ai que 3h de cours au lieu des 6h habituelles : les 4ème ont une sortie au théâtre. Les 5ème font leur éval de géo, il me reste donc 2h de « vrai » cours avec les 3ème, mélange d’oraux et de leçon, je leur raconte les grandes étapes de la 2ème Guerre Mondiale. Sujet délicat mais ambiance paisible. J’aime bien, leur raconter des histoires.
Les trois heures de « trou » sont bien sûr tout de suite remplies : correction de copies, surtout. Je voudrais les finir avant que les nouvelles éval déboulent jeudi. Un tas chasse l’autre, comme on dit dans les mines de charbon.
Journée de travail : 6h30
Mercredi 5 février – Musique : Red Fang
Corrections terminées, résultats entrés sur Pronote, copies triées pour faciliter la distribution en classe. Ensuite, je prépare la prochaine grosse séquence avec les 5ème. Il leur faut des fiches, à remplir avec des infos qu’ils doivent chercher dans des documents. Huit groupes, chacun groupe un sujet, donc huit fiches, huit listes de documents, et huit listes de questions. Ça prend des plombes…
Tiens ! Le soleil brille. Penser à aller prendre l’air.
Journée de travail : 5h30
Jeudi 6 février
Encore une journée calme. Une seule heure de cours, on commence le travail en groupes avec la super classe de 4ème : calmes, tous au boulot, bel esprit, souriants… Je les félicite presque à chaque cours. Les autres classes aussi, hein ! Chaque fois que c’est possible.
Ensuite c’est 2h de surveillance des épreuves de brevet blanc pour les 3ème. Ils sont un peu stressés, c’est une grosse « première fois » pour eux. Le collège prend une allure un peu étrange, feutrée… Sauf sur le groupe WhatsApp, où on demande les détails d’organisation en urgence et au dernier moment (ce qui est a priori un pléonasme, ça change des zeugmes).
Réunion de type « conseil pédagogique » l’après-midi : tous les profs sont conviés, la direction nous présente les heures d’enseignement allouées par le Rectorat à l’établissement, pour l’année prochaine. Heures à répartir ensuite selon les besoins et les choix pédagogiques. Par exemple, en histoire-géo, la direction nous « offre » 4h par semaine au lieu de 3,5 avec les 3ème, ce qui nous permet de travailler en demi-classes de temps en temps. Jusque-là tout va bien.
Moins rigolo, on découvre qu’on aura le même nombre d’élèves total l’an prochain, mais (astuce !) le rectorat nous donne une classe en moins. Au lieu de sept classes de 5ème, y’en aura que six. L’argument ? Les classes de collège sont calculées pour être à 30 élèves max, donc on bourre les classes jusqu’à 30.
L’info jette sur la réunion un froid de goulag cuvée 1937, même après dissipation des brumes matinales.
On repart tous avec ça en tête : les conditions de travail, déjà difficiles, vont se dégrader un peu plus…
Journée de travail : 5h
Vendredi 7 février – Musique d’entrée en classe : Tyler, The Creator, Like Him (proposition d’élève)
Je lance avec les deux autres classes de 4ème le travail en groupes. Le meilleur moment reste quand même le tirage au sort ! Ça rit, ça râle, ça glousse, ça (dés)espère. Une classe demande à le refaire, ils aiment pas le résultat. On refait : 2ème version pas mieux. On vote : on garde la 1ère. Ce n’est pas du temps perdu, j’espère avoir avancé côté « on-peut-faire-confiance-au-prof ».
Il y a des gamins, on peut faire tout ce qu’on veut, ils peuvent pas s’empêcher de faire les andouilles, de rigoler, de chercher leurs copains, de jouer au lieu de bosser, tout le temps, à tous les cours. C’est épuisant. Alors je sévis, parce que ça gonfle le prof et les autres élèves. Et parce que tout le monde doit comprendre qu'il y a des règles à la vie collective. Mais au fond de moi (à gauche en bas des escaliers, la porte bleue, vous avez trouvé ?) je me souviens à quel point j’étais pénible, à leur âge, et je pouvais rien y faire et les profs non plus. C’est fou comme à cet âge-là on ne maitrise rien, on ne comprend rien, on est juste envahi par ses pulsions.
Je rends les éval de 4ème : très bonnes notes !
Je corrige les éval de 5ème : très bonnes notes !
Ça, c’est des bonnes nouvelles.
En plus c’est le weekend, et il reste une bouteille de blanc au frigo.
Journée de travail : 7h
Total semaine : 32h30
(1) Tous les prénoms sont modifiés