Lundi 5 mai
Ce matin, début des « épreuves communes » pour toutes les classes, de la 6ème à la 3ème. Vous pouvez relire l’article de la semaine dernière pour vous rappeler en quoi ça consiste. Mon planning de surveillance ne commence qu’à 10h30, je vais en profiter pour faire des photoc… ah non, raté ! Des collègues absents, à remplacer, je m’improvise surveillant d’une classe de 6e que je ne connais pas, et qui entre en classe comme dans un goûter d’anniversaire avec coca et brownies à volonté. Ils me connaissent pas, se disent que c’est open bar. Ils comprennent vite que non. Une fois que j’en ai fusillé 2 et bâillonné 7, sans compter les 4 privés de dessert jusqu’en 2030, je suis gentil. J’oublie pas qu’ils sont tout petits, et pour certains morts de trouille : c’est la première fois qu’ils vivent ça.
On finit avec 10 minutes de retard sur l’horaire, j’ai donc une pause de… 5 minutes. Juste le temps d’aller aux toilettes et d’avaler trois gâteaux, deux dans la salle des profs et le dernier dans la cour. J’enquille sur 1h30 de surveillance avec les 4e, en tension permanente : les aider mais pas trop, aller les voir en guettant les autres, éviter qu’ils trichent… En plus j’apprends (trop tard) que j’aurais pas dû les aider. Les consignes circulent un peu en pointillés…
Déjeuner sur le pouce (peut-être même l’annulaire), 3 minutes pour digérer, et je pars en cours avec les 5e. Ils sont crevés après les deux épreuves du matin. Moi aussi. On regarde surtout la suite du docu sur Magellan. Je les lâche 5 minutes en avance, je range mes affaires au pas de charge : juste après on embusse (1) toutes les classes de 3ème, 135 chiots sans laisse, au ciné. C’est moi qui ai organisé, sur une idée des collègues, et avec l’aide des collègues. 135 gamins, 3 bus, des surprises sur le trajet qui devait durer 8 minutes mais en fera plus de 20 ; on démarre en retard, ensuite faut tenir les gamins pendant 2h (c’est long, Goodbye Lenin en VO), les empêcher de péter les fauteuils, les accompagner aux toilettes, isoler les plus excités… Alors que la majorité se tient bien. Dès la fin on retourne aux bus, encore des surprises, faut être au collège pour 16h50 max, on arrive à… 16h47.
Je suis crevé !
Pire qu’une vraie journée de cours.
A 18h je m’endors en regardant avec mon fils un documentaire sur les hérissons.
Pourtant, c’est mignon, les hérissons.
Mardi 6 mai
Nouvelle matinée d’épreuves communes. Encore deux matières par classe, éprouvant pour les petits et pour les profs : l’organisation et le déroulé nous chargementalent beaucoup.
Les élèves, à la fin du truc, sont sur les genoux. Et on enchaine sur une aprem de cours ! Les 5ème m’expliquent : ils ont eu éval vendredi, les épreuves communes pendant deux jours, une éval encore cet aprem, et une autre mercredi matin. Et cet aprem ils ont 4h de cours à la suite…
Je les récupère en dernière heure. Ils sont sur les hanches (les genoux ont lâché). Je leur fais juste écrire un peu de leçon, et encore je m’en veux. Ensuite je les branche sur Magellan. Avant de sortir, Théo (2) annonce à la volée :
- Je rentre chez moi, je me couche jusqu’à 20h30 !
- (Un copain): C’est bête, tu vas te lever à l’heure où tu te couches ?
- Ouais ! Je m’en fous !!
Je rentre aussi chez moi. Fin du docu sur les hérissons avec mon fils, je m’endors. Un peu. Ensuite je le couche (mon fils, pas le hérisson), et je rêve d’en faire autant. Mais non : j’appelle pendant une heure la mère d’un élève « difficile » de ma classe. Fin de journée ? 21h30.
Mercredi 7 – Jeudi 8 mai
J’avoue, je me repose un peu. Les deux derniers jours m’ont mis HS. Je prépare les prochaines leçons, et c’est décidé : je commence à les distribuer déjà imprimées. Je commence à corriger les copies des épreuves communes. Six tas de 25-30 copies dans la brouette, d’un coup. Ça va être long…
Jeudi, jour férié : je ne travaille pas une minute ! C’est fou. Je sais pas à quand remonte la dernière fois (hors vacances), même un week-end. Je passe la journée dehors ; 5 jours que j’y avais presque pas mis le nez.
Vendredi 9 mai
Encore une journée spéciale ! Toutes les classes restent à la maison, sauf les 3e qui passent les oraux blancs du brevet. Pour celles et ceux qui ont passé ledit brevet avant les années 2000 (et je sais que vous êtes nombreux), il y a maintenant 5 épreuves : toujours le trio fatal maths – français – histoirgéo, plus une épreuve de sciences et un oral. Pendant çuissi, les élèves ne doivent pas faire un simple exposé, mais une présentation avec une réflexion personnelle, une insertion dans leur parcours de vie ou scolaire… Exercice délicat, car les moyens à la disposition des élèves (et des profs) manquent un peu pour répondre correctement à la demande.
Donc les petits font ce qu’ils peuvent. Avec plus ou moins de réussite, selon (comme souvent) le statut de leurs parents. Si les parents aident, accompagnent, voire écrivent ou fabriquent le diaporama, mettent un ordi à disposition, tout de suite ça va mieux. Par contre, les enfants livrés à eux-mêmes, sans matériel, ratent l’exercice. Étonnant, non ?
Pour ces oraux blancs, on écoute avec bienveillance, on donne des conseils, des coups de pouce. Certains sont déjà parfaits, d’autres quasi vides. Ce sera pareil le jour J. On le sait déjà. Et puis il y a celles et ceux qui feront un malaise, trop de stress.
Déjà, ce matin, Cindy manque tomber dans les asperges (3). Juste avant, elle m’avait vu sortir d’une autre salle, et m’avait lancé depuis le couloir : « Oh non, je croyais que je passais avec vous ! ». Anna, juste après, me sourit en marchant vers sa salle : « Bonjour monsieur, dommage, je suis pas avec vous ! ». Elsa, assise, suit la scène : « Je crois que tout le monde voulait passer avec vous, monsieur… ».
Je rentre pour le candidat suivant.
Et je n’oublie pas : être vraiment gentil.
(1) Comme embarquer, mais en bus
(2) Tous les prénoms sont modifiés
(3) C’est pas la saison des pommes