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Billet de blog 2 octobre 2018

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Metz, ville menacée par les bébés migrants

Avec constance et cohérence, les autorités de l’État, de la Ville de Metz et du Département de la Moselle ont élaboré ensemble une politique audacieuse de lutte contre le fameux « appel d’air » qui menace les fondements de notre société. Les bébés en savent quelque chose.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’arrivée massive d’étrangers dans le département de la Moselle fait planer les dangers bien connus, de la saturation des services sociaux aux sureffectifs scolaires, en passant par le terrorisme.

Illustration 1

A Metz, dormir dehors sur le pavé est normal

Sans état d’âme, nos courageux élus et serviteurs de l’État résistent aux sirènes du sentimentalisme et forcent à dormir dehors des femmes enceintes, des hommes fourbus et des enfants, dont certains en très bas âge. Dans la nuit du 31 septembre au 1er octobre, un bébé de trois mois, a pu expérimenter dans les bras de sa maman avec ses deux sœurs de six et dix ans, les messages de fermeté adressés à la population « migrante » par le maire, Dominique Gros, le préfet Didier Martin et le président du département Patrick Weiten.

Cette politique rationnelle envers les migrants sans indignation sélective ou sentimentalisme appelée de ses vœux par le Chef d’État, peine cependant à se mettre en œuvre, du moins à Metz. La bonne volonté du maire ne saurait cependant (voir nos billets précédents ici et ici) être mise en cause.

Le cinéma et la réalité

Samedi 22 septembre, apprenant la projection en avant-première du film « Libre » de Michel Toesca en présence de Cédric Herrou, une partie de ces personnes à la rue, moins les femmes et les enfants opportunément logés pour une nuit aux frais de la municipalité, venaient assister à la séance et se montrer pendant le débat qui suivait. Ces « migrants » que vous venez de voir à l’écran existent bel et bien sous vos yeux, dans votre ville. Soutenus par une poignée de militant·e·s du droit au logement I.C.I, Immédiat, Continu et Inconditionnel, ils s’incrustaient dans le hall d’accueil et dans la salle, pour s’en faire virer vers les deux heures du matin par les forces de l’ordre.

Il ne leur restait qu’à s’installer pour une nuit de plus sous les arcades de la place de la Comédie d’où ils allaient se faire virer encore au petit matin. Les ardeurs de la police nationale allaient se calmer à l’arrivée des militant·e·s de la veille, avec café et baguettes, et l’ami Cédric, ravi de se joindre à l’opération.

Illustration 2

A Metz, un nouveau sport…

L’on décide alors d’investir un gymnase proche où l’on s’installe, annonçant aux pouvoirs publics que l’on en sortira sitôt prise la décision d’un hébergement pérenne pour toutes les personnes concernées. Durant cette installation, d’autres « migrants » viendront nous rejoindre, dont deux familles macédoniennes de trois enfants chacune qui attendront sous la pluie les décisions attendues — positives pour le coup. Ces gens bénéficieront de places en foyer en échange de la libération du gymnase.

Cette décision prise sous la pression des événements ne constituait pas un changement de politique, à peine une concession. Elle laissait sur le carreau des dizaines de personnes toujours à la rue. Leur présence ostensible sur les places les plus prestigieuses de la ville « royale et impériale » avait vocation à illustrer la détermination des autorités compétentes en la matière.

… et hop ! encore un gymnase !

Le préfet régulièrement informé par les militant·e·s jouait la sourde oreille. Le nombre de personnes à la rue allait croissant, jusqu’au samedi 29 septembre à 18 heures. 52 personnes dormaient encore dans les rues de Metz, depuis des semaines (et jusqu’à quatre mois). Soutenues par des bénévoles du Collectif Mosellan de Lutte contre la Misère et de l’association Action-Froid, elles décidaient d’investir le gymnase du collège de l’Arsenal pour s’y installer au chaud. Dans le lot, treize mineur·e·s, voire carrément des bébés, entraient en force dans ce lieu public, et s’installaient sur les gradins, mettant à profit les matchs amicaux de basket qui s’y tenaient alors. Les joueuses du Pink Ladies de Metz ont apprécié leur présence dans les gradins et ont communiqué sur FB :

Illustration 3

Des policiers embarrassés

Au fil des heures, le nombre de personnes à la rue venant chercher refuge dans le gymnase allait croissant. Les pouvoirs publics — qui ne sont pas sans savoir ce qui se passe sous les ponts de la ville — anticipaient le phénomène et prenaient la décision d’ordonner aux policiers en faction devant le gymnase d’empêcher toute nouvelle arrivée.

Illustration 4

A la vue d’un groupe comportant un homme infirme sur fauteuil et une fillette de six ans tenant dans ses bras une poupée, ils ont exécuté l’ordre et se sont interposés devant l’entrée… je témoigne qu’ils ont été loyaux envers leur hiérarchie… mais le cœur n’y était pas. Lorsque nous avons poussé le fauteuil sur leurs bottes, lorsque je me suis infiltré entre eux en tenant la fillette par la main, ils m’ont imploré d’être patient en attendant le contrordre de leur hiérarchie, et ils ont su être convaincants. Cette consigne odieuse allait être annulée dans les minutes qui suivaient.

Trop de bébés « migrants »

Dans la nuit du 1er au 2 octobre, on recense 86 personnes dans le gymnase, dont 21 enfants mineurs, bébés de 4 mois, 15 mois, 18 mois, 23 mois, 2 ans, 3 ans, 4 ans, 5, 6, 10 ans et plus. Le nourrisson du groupe aura passé une nuit dehors et, sans notre initiative y serait encore avec sa mère vidée d’un foyer pour violence conjugale avec ce bébé et ses deux sœurs de six et dix ans. Avec sa cocarde et ses sanglots irrépressibles, avec l’égratignure sur le nez du bébé, elle n’a pas vocation à recevoir un hébergement dans une ville comme Metz.

… et du trop bon boulot dans les écoles de Metz

La grande sœur, qui fréquentait le CM1 d’une école de Metz dans l’année scolaire précédente, garde dans ses bagages le cahier de poésies impeccablement calligraphié. Pas une faute d’orthographe et des dessins que j’aurais dû photographier pour illustrer mon billet. A la fin du cahier un poème pour la fête des pères — encore mieux écrit et mieux illustré que les autres, elle aime son père malgré tout. Et puis un poème de Maurice Carême. Je lui raconte que ce poète a fait mieux que des vers, il a mis au monde un monsieur qui s’appelle Damien et qui est maire d’une ville qui ne s’appelle pas Metz. Elle connaît, me dit-elle, la maîtresse nous a raconté.

Dans le gymnase règne un climat paisible. Des militant·es, des sympathisant·es, viennent en soutien, y passent une partie de la journée ou la nuit. Nous avons promis au préfet de quitter les lieux sitôt l’ordre rétabli, l’ordre au sens où nous l’entendons : personne ici n’a « vocation » à vivre sous les ponts, sur le pavé, sur les pelouses ou dans le caniveau.

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