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Billet de blog 2 avril 2025

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Violences scolaires : L'enseignement catholique fait profil bas

Interrogé par la commission d'enquête de l'Assemblée sur les violences dans les établissements scolaires, le 2 avril, Philippe Delorme, secrétaire général de l'enseignement catholique, accepte et les contrôles inopinés et l'EVARS. L'enseignement catholique a t-il changé ?

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"On n'écrirait plus cela aujourd'hui"

Illustration 1
P. Delorme le 2 avril 2025 © Flux vidéo de l'Assemblée nationale

"On constate un changement de position très important", souligne Paul Vannier (LFI), rapporteur, avec Violette Spillebout (EPR), de la commission d'enquête de l'Assemblée sur les violences dans les établissements scolaires. Philippe Delorme a longuement marqué sa préoccupation après Betharram et les autres affaires qui ressortent et sa bonne volonté pour assurer un contrôle effectif des établissements et même mettre en place l'EVARS (éducation à la vie sexuelle).

Paul Vannier a rappelé "la résistance" de l'enseignement catholique. Il y a seulement 4 mois, dans un courrier adressé à la Direction des affaires financières du ministère de l'Education nationale, P. Delorme s'opposait à la rédaction d'un guide des contrôles des établissements privés. Il assimilait le guide à "un manuel d'inquisiteurs". Il demandait 28 suppressions et le retrait de 2 fiches sur les 8 que contient le guide. Celles qui portent sur la vie scolaire, domaine réservé des établissements privés, et le respect des obligations tirées du contrat d'association avec l'Etat. Par exemple il s'opposait à l'affichage obligatoire du numéro d'appel 119 dans les établissements catholiques. Dans la presse, il annonçait aussi qu'il appliquerait l'EVARS à sa manière.

Ce 2 avril, tout a changé. P Delorme se dit "déterminé à tout mettre en oeuvre pour que des faits (comme ceux de Betharram) ne se reproduisent pas... Le contrôle par l'Etat est légitime. Il est nécessaire que l'Etat vérifie que le climat scolaire soit un climat de sécurité et qu'il y ait une bien traitance éducative". Alors que jusque là le SGEC s'opposait au controle des internats, car hors contrat, il estime "légitime que l'Etat vérifie que le climat scolaire y soit sur". Du coup le guide ministériel n'est plus assimilé à un manuel d'inquisiteurs. Sur les oppositions manifestées en novembre 2024, "on n'écrirait plus cela aujourd'hui", répond P. Delorme.

Des structures molles

Si le secrétaire général de l'enseignement catholique bat sa coulpe, jusqu'où est-il prêt concrètement à aller ? Il apparait rapidement que, comme le ministère de l'éducation nationale, le SGEC n'est pas à même d'avoir un suivi des violences dans les établissements. Il n'a pas d'outil de suivi. La ministre prépare un décret leur étendant le logiciel "Fait établissement". L'audition de l'état major du ministère de l'Education nationale, le 31 mars, a mis en évidence que le SGEC est associé à la conception de la plate forme destinée aux établissements catholiques. P Delorme veut que les directions diocésaines soient inclus dans la remontée des faits. Il demande que le logiciel soit doté d'un outil de suivi des remontées, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

"Je n'ai pas de vision d'ensemble " des projets éducatifs des établissements, plaide P.Delorme. "Chaque établissement a son projet éducatif". L'enseignement catholique a mis en place depuis 2018 deux plans, le plan Boussole et le plan de protection des plus fragiles qui sont déclinables dans les établissements. Mais comment le sont-ils ? Mystère. Ces plans sont-ils mentionnés dans les lettres de mission des chefs d'établissement ? "Pas forcément dans la lettre mais ça fait partie de la veille de la tutelle", répond P. Delorme. V. Spillebout témoigne que sur le terrain, les chefs d'établissement du privé se sentent isolés pour faire face aux cas qu'ils peuvent rencontrer.

Autre exemple précis, avancé par V Spillebout, celui d'établissements où les deux membres d'un même couple siègent l'un dans l'organisme de gestion (OGEC), l'autre dans l'association de parents (APEL). "Cela pose des questions en terme de liberté de parole en cas de violences", souligne t-elle. "P. Delorme trouve que "ce n'est pas souhaitable", mais considère que cela relève des OGEC et de l'Apel. "Ce n'est pas au SGEC de faire le suivi". Il a bien des échanges sur ce point avec la Fnogec et l'Apel mais il ne peut le démontrer car ce sont des échanges oraux lors de réunions d'instances. "On a peine à comprendre les actions que vous avez engagé", souligne P. Vannier.

Oui, mais à l'EVARS

Est-ce plus clair à propos de l'EVARS ? "Le programme sera appliqué dans nos établissements", promet P Delorme. Il assure combattre les associations "qui pratiquent la désinformation" sur l'EVARS et être en plein accord avec le programme du 1er degré. Mais interrogé sur l'entrée du Planning familial dans les établissements catholiques, le secrétaire général se retranche derrière la liberté de choix. "La question du planning se pose réellement".

Pas touche à Betharram

Un autre cas concret interroge, celui de Betharram. Après les décennies de violences, la presse a fait remonter des cas de violences sexuelles encore en 2019 et 2024. Faut-il retirer son contrat d'association au collège ? "Pas aujourd'hui", estime P. Delorme. "Rapprocher ces faits des drames qui ont eu lieu plus tôt semble excessif". V. Spillebout relève que Betharram (500 élèves) n'a toujours ni médecin  scolaire, ni infirmière, ni psychologue alors que le climat interne y est particulièrement lourd. P. Delorme rappelle que ces dépenses ne sont pas prises en compte par l'Etat. "Je vous parle accompagnement de victimes. Vous répondez sur les moyens", répond V. Spillebout.

L'enseignement catholique reste insaisissable

P. Delorme assure de la bonne volonté du SGEC. "Il n'est pas admissible de dire à un lanceur d'alerte de se taire. Des consignes seront données et elles seront contrôlées... On peut avoir la tentation de protéger l'institution plutôt que les personnes. Je le dis avec force : tous les acteurs de l'enseignement catholique ont changé de registre là dessus".

Faisons lui crédit de cela. Le SGEC porte la parole des évêques et leur autorité est très forte. Pour autant le contrôle des établissements sous contrat reste à construire. Le logiciel "Fait établissement" reste à installer. Les procédures d'alerte et d'écoute dans les établissements restent à mettre en place.

Sur tous ces points, quand on avance concrètement on tombe dans le brouillard de l'enseignement catholique. S'il est sous le fort contrôle idéologique des évêques, son organisation est tout sauf pyramidale. Les contrats sont passés avec chaque établissement qui est autonome et qui est le plus souvent une association loi 1901. L'enseignement catholique est une structure non centralisée. Dans sa forme molle elle reste insaisissable. Un exemple muet en a été donné lors de l'audition. A coté de P. Delorme siégeait Sylvain Cariou-Charton, président de l'Union des réseaux congréganistes de l'enseignement catholique. Betharram dépend de cette URCEC. S. Cariou-Charton est resté muet pendant toute l'audition.

François Jarraud

L'audition du ministère de l'éducation nationale le 31 mars

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