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Billet de blog 13 juin 2025

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Remplacements : Le rapport Paccaud propose d'aggraver le métier enseignant

Comment faire face aux remplacements d'enseignants non assurées ? Pour le sénateur LR O. Paccaud, il suffit d'imposer une heure supplémentaire aux enseignants du 2d degré, d'augmenter la taille des bassins de remplacement du 1er degré et de décourager les mi-temps thérapeutiques.

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Remplacements : l'échec de Macron

Illustration 1
O Paccaud au Sénat en mai 2025 © Flux vidéo du Sénat

Alors que le budget 2026 se prépare, le sénateur LR Olivier Paccaud publie un nouveau rapport réalisé pour la Commission des finances du Sénat. Rappelons qu'il a rendu le 21 mai un autre rapport préconisant le détricotage de l'éducation prioritaire.

Il y a bien un nombre important d'heures de cours non assurées dans les 1er et 2d degré. Selon O Paccaud, si 95% des absences d'enseignants sont remplacées dans le 1er degré c'est le cas pour seulement 11% dans le second degré. Il estime que 4% du temps scolaire est perdu, soit 2% dans le 1er degré et 7% dans le 2d degré. Et cela génère une perte budgétaire estimée à plus de 5 milliards.

Pour O Paccaud, ces heures de cours non assurées vont croissant. Alors que le ministère de l'Education nationale vient de sortir une Note pour montrer une baisse en 2023-24 des heures de cours non assurées par rapport à l'année précédente, O. Paccaud calcule que le nombre d'heures de cours non remplacées a augmenté de 49% depuis 2018 dans le 1er degré et de 93% dans le second. Et il relève que les effectifs de professeurs remplaçants sont restés stables sur la même période. C'est ce qui génère la difficulté qu'a l'Education nationale.

Il n'est d'ailleurs pas le premier parlementaire à avoir fait ce constat. En juin 2023, la députée socialiste Valérie Rabault avait interrogé le ministre sur la hausse de ces heures depuis 2017. Notons qu'O. Paccaud évite la comparaison avec la période Hollande...

Des enseignants moins absents que les salariés du privé

O. Paccaud ne rend pas les enseignants totalement responsables de cette situation. Il relève que les enseignants sont nettement moins absents que les fonctionnaires dans leur ensemble et aussi que les salariés du privé. Mais presque toutes ses préconisations visent à résoudre la question des remplacements au détriment des conditions de travail des enseignants.

Des journées de formation incluses dans le service des enseignants

Cela nous vaut des raccourcis qui valent le détour. Ainsi O Paccaud, écrit : "La diminution des absences des enseignants implique d’améliorer significativement leurs conditions de travail et de revaloriser leurs missions". Mais c'est pour ajouter : "Les absences liées à la formation des enseignants peuvent par ailleurs être limitées, en créant des temps dédiés à la formation, pouvant être anticipés par les enseignants. Ces absences représentent 10,3 % des heures d’absence de courte durée dans le second degré, dont 86,5 % n’ont pu être remplacées". Il préconise d'ajouter à l'année scolaire des journées de formation obligatoires pour les enseignants pour être certain que des heures de cours ne seront pas perdues dans l'année. Depuis le ministère Blanquer, les heures de formation hors temps scolaire doivent être payées. Sa recommandation vise à garder les formations obligatoires tout en supprimant la rémunération.

Ajouter une heure au service des enseignants

Pour le second degré, O. Paccaud a une autre idée. Pour assurer les remplacements, il recommande "d'intégrer dans le service des enseignants du second degré une heure par mois dédiée au remplacement de courte durée". Intégrer dans le service, cela veut dire augmenter le temps de service sans toucher au salaire. Il s'agit donc de récupérer les 130 millions qui sont versés aux enseignants dans le cadre du Pacte pour les remplacements de courte durée.

Elargir les territoires des brigades de remplacement

La question des remplacements non assurés se pose de façon moins urgente dans le premier degré puisque en l'absence d'un remplaçant les professeurs des écoles prennent en charge les élèves. O. Paccaud estime que dans cette configuration les élèves dont le professeur est absent ont bien les heures qui leur sont dues. Mais pour les 10% d'heures non remplacées, il recommande de gérer les brigades de remplacement en élargissant leur territoire d'intervention : "centraliser au niveau du département la gestion du remplacement des enseignants du premier degré, en fusionnant les brigades d’enseignants remplaçants au niveau départemental". Cette préconisation pour le 1er degré a son équivalent pour le second degré : "mettre en oeuvre une logique de bassin entre établissements pour mutualiser les ressources humaines dédiées au remplacement de courte durée". Là aussi, O. Paccaud explique que les remplaçants ont des conditions de travail plus difficiles que les autres professeurs. Mais il demande que celles-ci soient aggravées. O. Paccaud s'inspire d'une expérimentation dans l'académie de Dijon où la gestion du remplacement dans le 1er degré est déjà départementalisée. C'est aussi l'académie qui a imaginé délivrer des certifications de professeurs de français aux professeurs d'autres disciplines...

Sanctionner les professeurs malades

Il y a pire. Pour O Paccaud l'augmentation des absences d'enseignants est due en partie à celle des mi-temps thérapeutiques. "Le temps partiel thérapeutique, rémunéré à taux plein, fragilise le système de remplacement des enseignants", ose t-il écrire. Rappelons que ces temps partiels sont attribués sur dossier médical à des personnels en maladie longue. Leur nombre augmente en raison du vieillissement du corps enseignant. Et cela ne concerne que 10% des absences de longue durée des enseignants. O Paccaud y voit "un effet d'aubaine". Et il propose de diminuer le salaire de ces professeurs malades. "Un alignement des règles de rémunération des temps partiels thérapeutiques avec celles s’appliquant aux congés de maladie ordinaire pourrait être souhaitable. Depuis l’entrée en vigueur de l’article 189 de la loi de finances initiale pour 20251, les congés de maladie ordinaire sont rémunérés les trois premiers mois à 90 % du traitement, et non à 100 %. Une rémunération des temps partiels thérapeutiques à 90 % du traitement du fonctionnaire se justifierait et permettrait de desserrer les contraintes liées au remplacement".

Le privé comme modèle

O. Paccaud, qui appartient à la formation qui prévoit de passer sous contrat des établissements publics avec la loi Brisson, vante les mérites de l'enseignement privé. "L’enseignement privé ne dispose pas de brigades de remplacement similaires à celles existant dans le public.... Une marge de manoeuvre importante est laissée au chef d’établissement". Dans le privé, les remplacements sont assurés par des maitres délégués dont le contrat peut ne pas être renouvelé selon le bon vouloir du chef d'établissement. Ainsi s'est constitué dans le privé une catégorie de sous professeurs, encore moins payés et totalement sous le contrôle des chefs d'établissement. Ce repoussoir est un modèle pour O. Paccaud. Il représente 15% des enseignants du 1er degré et 22% de ceux du 2d degré. O. Paccaud "constate en tout cas que les enseignants du privé sous contrat sont moins absents que leurs collègues de l’enseignement public, à hauteur de 12 % pour les enseignants et de 15,4 % pour les hommes, ce qui simplifie la gestion du remplacement."

Remplacer les enseignants par le numérique

Si avec toutes ces préconisations on arrive pas à assurer les remplacements, O. Paccaud recommande de faire appel aux "outils numériques". "L’usage des outils numériques peut permettre de pallier des absences de courte durée dans le second degré. Des modules ont ainsi été développés, en particulier par le Centre national d’enseignement à distance (CNED), pour permettre des apprentissages en autonomie par les élèves, surveillés par un assistant d’éducation (AED)". Et il rappelle l'expérimentation des "TZR numériques" qui enseignent à distance. O Paccaud y voit "un outil intéressant pour le remplacement par exemple d’un petit nombre d’heures de cours d’option dans des établissements en zone rurale". Et puis il y a "Program'cours", "une plateforme permettant aux élèves du collège de suivre des apprentissages en mathématiques, en français et en histoire-géographie, sur un ordinateur individuel". Là on touche vraiment à l'optimisation : assurer les cours sans avoir à payer un enseignant !

Des rapports pour peser sur le budget 2026

Dans ce rapport sur le remplacement des enseignants, O. Paccaud ne s'intéresse pas aux heures de cours perdues et au devenir des élèves. C'est clair pour le 1er degré où le remplacement automatique des absences en surchargeant les classes ne le choque pas. Il préconise d'inclure cela dans le Pacte en se satisfaisant d'un enseignement au rabais. S'il relève des inégalités entre les académies pour les heures non remplacées, il est aveugle aux inégalités sociales dans le remplacement. Ainsi il se garde bien de rappeler ce que la Depp montre. "Les collèges en éducation prioritaire (EP), qui ont un IPS en moyenne plus faible, ont 11 % d’heures d’enseignement non assurées, contre 8 % pour les collèges hors EP".

Ce second rapport Paccaud fait écho au précédent sur l'éducation prioritaire. Il s'agit là aussi de dégager des moyens. O. Paccaud voulait supprimer les Rep et les Rep+. Là il souhaite faire travailler les enseignants davantage pour assurer les remplacements tout en pénalisant les malades. Ces deux rapports ne visent pas à remédier aux difficultés scolaires. Ils sont publiés alors que les arbitrages du budget 2026 se décident. Les ministres doivent faire remonter leur projet de budget pour le 11 juillet. La droite sénatoriale avait proposé de réduire le budget de l'Education nationale d'un milliard en 2025. Les rapports Paccaud visent à justifier une année blanche,voire un budget en baisse, en 2026.

François Jarraud

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