L'ultime leçon de N. Belloubet
En partance, Nicole Belloubet ne se prive pas de faire une longue leçon à la nouvelle ministre. Evoquant le débat sur l'Ecole « entre institutionnalisation et révolution libérale », elle invite à « corriger les inégalités ». « Notre Ecole doit s'organiser différemment, modifier les conditions d'accueil par l'enseignement adapté, différencier en fonction des besoins de chacun », dit-elle.
Surtout, elle parle, à nouveau, budget. « Pour cela il faut des moyens », assène t-elle. « J'ai parlé de sanctuariser le budget. C'est une exigence que je maintiens malgré la baisse du nombre des élèves ». Bien avant d'autres ex-ministres, N. Belloubet a déclaré, le 27 août, que le budget 2025 est « insuffisant » et « ne répond pas à l'ensemble des besoins ». La lettre plafond pour l'Education nationale, envoyée par G. Attal, fixe le budget 2025 à 64.5 mds, en stabilité avec 2024 (64.4 Mds). Il manque à peu près un milliard au ministère pour maintenir ses dépenses courantes. N. Belloubet invite à ne pas profiter de la baisse démographique (100 000 élèves en moins en 2025, 110 000 en 2026) pour diminuer le budget. C'est une question qui devrait être tranchée très rapidement. L'enjeu est d'environ 10 000 postes soit 500 millions.
Anne Genetet promet la stabilité et le bonheur...
La réponse d'Anne Genetet est ailleurs. Elle ne dit rien d'un budget qui est connu comme insuffisant. Ce qu'elle promet c'est la stabilité. « Le navire ne changera pas de cap. C'est la sérénité que je veux apporter à l'Ecole [...] préserver nos élèves des turpitudes du monde ». Et elle ouvre la vanne de poncifs déjà usés par Amélie Oudéa-Castéra. Anne Genetet évoque sa grand-mère et sa belle-mère, son expérience de mère et de médecin. Elle peint la solitude des chefs d'établissement, des élèves, des parents. « Cette solitude nous allons tenter de la transformer en bonheur », lance t-elle. Et elle conclue en redéfinissant la mission de l'Ecole : « forger des Républicains, apporter du bonheur ».
Alexandre Portier, ministre délégué à la réussite scolaire et à l'enseignement professionnel, avait ouvert avant elle l'avalanche des poncifs. Il se présente en « pur produit de la méritocratie républicaine », lui qui a fait sa scolarité dans l'enseignement catholique, évoque l'alliance entre « le travail de la main et l'intelligence de l'esprit ». Il annonce lui aussi la stabilité. « L'heure est à la consolidation, à l'amélioration de la carte des formations, à la montée en puissance des bureaux des entreprises ». Voilà qui annonce le maintien de la réforme du lycée professionnel tant contestée sur le terrain.
L'appel du vide rue de Grenelle
Le contraste est grand entre Nicole Belloubet, qui évoque les vrais défis de l'Ecole, y compris budgétaires, et les nouveaux ministres. La stabilité avec un budget insuffisant cela n'existe pas. Les appels au bonheur ou aux belles mères ne font pas une administration. Anne Genetet n'a aucune expérience en éducation et aucune non plus dans la direction d'une administration. On peut s'interroger sur sa capacité à s'emparer à la fois des dossiers de l'éducation et du contrôle de son administration.
Si la stabilité promise par A Genetet peut rassurer, ce vide rue de Grenelle inquiète. Ce ne sont pas des trémolos sur le bonheur qu'attendent les personnels de l'Education nationale mais une réelle revalorisation. Celle ci s'impose pour faire face à la crise du recrutement.
En pleine crise budgétaire, le gouvernement va devoir réaliser des économies. Il pourrait aller beaucoup plus loin que ce que prévoit déjà la lettre plafond. Il sera tenté d'absorber les postes libérés par la crise démographique. Il envisage déjà des pistes d'économies supplémentaires et des suppressions de postes.
Aujourd'hui, il ne s'agit pas de rassurer par de gentilles paroles les personnels mais d'avoir un pilote qui puisse tenir tête à Bercy. La conclusion de la cérémonie de passation de pouvoir d'A. Genetet, c'est que , pour le moment, on ne voit personne capable de cela rue de Grenelle.
François Jarraud