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Billet de blog 27 août 2024

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Rentrée : Belloubet critique et déjà ailleurs

Drôle de rentrée. La ministre critique le budget 2025 et semble déjà un pied dehors. Les réformes gelées s'accumulent. La rue de Grenelle semble en panne.

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« Aujourd'hui, la rentrée est prête, avec le souci de marquer un apaisement. Notre système en a besoin. » Mardi 27 août, Nicole Belloubet, ministre démissionnaire, présente la rentrée. En fait d'apaisement, on constate la paralysie des réformes, du fait de la dissolution et de la défaite électorale du camp présidentiel.

Un budget qui "ne répond pas aux besoins"

Illustration 1
N.Belloubet le 27 août 2024 © extrait flux vidéo MEN

Sur le départ, N. Belloubet n'hésite pas à affronter G. Attal sur le plus important : le budget. Elle estime le plafond budgétaire fixé par le premier ministre démissionnaire pour 2025 nettement insuffisant.

Rappelons que G. Attal a annoncé un simple renouvellement du budget 2024 en 2025. « Ce plafond contraindrait à une particulière rigueur budgétaire notamment quand on connait l'incidence du GVT » dit la ministre.

Le GVT c'est le glissement vieillesse technicité : autrement dit la hausse des salaires du fait de l'ancienneté et des promotions, soit près de 400 millions. La ministre confirme notre analyse. Ce budget « ne répond pas à l'ensemble des besoins et n'est pas abouti », ajoute-elle.

Au passage, elle précise que le fond de soutien aux activités périscolaires, qui est indispensable à de nombreuses communes, n'est pas renouvelé dans le budget 2025. N. Belloubet franchit le Rubicon en affirmant, pour la première fois, que le budget de l'Education nationale « a minima devrait être sanctuarisé. » Rappelons qu'en 2023, il avait été prévu une hausse d'un milliard du budget de l'enseignement scolaire pour 2025 pour faire face aux dépenses courantes. Ce milliard va manquer.

Belloubet ironise aussi sur le populisme attalien. Interrogée sur les « cours d'empathie » généralisés dans les écoles primaires, la ministre rappelle que ce sont des kits envoyés dans les écoles. « Le seul cours que j'ai vu c'était, devant moi, B. Macron enlacer G. Attal. J'en ai déduit que c'est très utile"... Si elle dit être intéressée à garder son ministère, ces lazzis montrent qu'elle n'y croit plus.

Un intérêt soudain pour la mixité sociale

La ministre a beau annoncer, dans le dossier de presse, qu'il y a « depuis 2021 » une politique volontariste en faveur de la mixité sociale dans les écoles et établissements scolaires, le thème émerge seulement maintenant dans ses propos.

En réalité, N. Vallaud Belkacem avait agi dès 2015 de façon active en ce domaine. JM Blanquer avait montré très peu d'intérêt. P. Ndiaye avait relancé le dossier notamment auprès du privé sous contrat. N. Belloubet rappelle que l'article L 111-1 du Code de l'Education s'applique au privé. « On va avoir dès septembre 2024 les premiers résultats du protocole signé avec l'enseignement catholique » (et Pap Ndiaye) annonce N Belloubet.

De son coté, elle a mis en place des outils de contrôle supplémentaires des financements du privé. On sent l'influence du rapport Vannier Weissberg et du récent article de Mediapart sur le soutien régional aux lycées privés. « A coté de cette année on aura une base d'informations permettant de mesurer le financement des collectivités territoriales. On saura quel argent est consacré au fonctionnement des établissements privés », précise la ministre.

Le temps suspendu de l'Education nationale

Sinon, que peut annoncer N. Belloubet pour cette rentrée ? Une litanie de projets en arrêt, suspendus à la nomination du prochain gouvernement.

Au primaire, les nouveaux programmes de français et maths des cycles 1 et 2 voulus par G. Attal « pourront être publiés dès la fin des affaires courantes ». C'est à dire qu'ils pourraient être publiés pour la rentrée 2025. « Pour la première fois les enseignants auront une année entière pour se les approprier » , précise la ministre. Rappelons que c'était la norme avant Blanquer. Les programmes d'éducation à la sexualité sont en panne eux aussi.

Le ministère a lancé l'expérimentation de l'interdiction des téléphones portables  dans les enceintes scolaires dans 200 collèges. « Je souhaite la généralisation en janvier 2025 », lance N Belloubet. Mais cela suppose le financement des collectivités territoriales, elles aussi victimes des restrictions budgétaires. Sur l'utilisation des écrans en classe de maternelle, N Belloubet rappelle qu'il n'y a pas d'interdiction. Mais , au fond, « elle ne sait pas » s'il faut les autoriser ou les interdire...

Au collège, les groupes « de besoin » doivent permettre « d'apporter une attention particulière aux plus fragiles sans entraver les plus assurés ». On comprend bien que ce sont ces derniers qui comptent. Ils entrent en vigueur à la rentrée mais « avec pragmatisme et souplesse ».

La ministre concède que le fait que G. Attal parle de groupes de niveau et elle de groupes de besoin « n'a pas aidé à la clarté ». Elle maintient qu'elle a « donné les moyens » pour leur mise en place. Elle cite 1500 emplois. Ce qui remonte du terrain c'est qu'il en faudrait bien plus. Les collèges ont du supprimer des dispositifs pour la mise en place des groupes.

Selon les endroits il s'agit de groupes de niveau ou de groupes hétérogènes. L'important pour la ministre c'est l'impact sur le travail enseignant : tous les professeurs de français et maths « doivent travailler ensemble » : ils sont obligés d'avoir la même progression et les mêmes évaluations. Pour la rue de Grenelle, qui a une piètre estime des enseignants, cet abaissement du métier est vu comme un progrès.

Mais ce sont les professeurs de 3ème qui se retrouvent dans une situation particulière. Dans quelques jours ils vont devoir présenter les épreuves du brevet à leurs élèves. Or les textes modifiant les épreuves ne sont pas parus. « Ils sont prêts » assure la ministre. « Mais sur le caractère obligatoire du brevet pour accéder au lycée, on n'en est pas au même état. Je présenterais comme une manière possible les nouvelles modalités de passation de l'examen. Je ne parlerais pas du caractère obligatoire à ce stade », explique la ministre.

Autre réforme Attal, les prépa seconde sont en échec. N Belloubet annonce 1000 élèves pour une centaine de classes expérimentales. Les stages de fin de seconde ne sont pas plus une réussite. « On peut s'améliorer », lance N Belloubet.

Les personnels grand absents de la rentrée

Les grands absents de cette conférence de rentrée, ce sont les personnels. La ministre ne les évoque qu'à propos de la réforme de la formation initiale. Elle devait entrer en application à la rentrée. Mais là aussi le décret n'est pas paru. Pour N. Belloubet, « le dossier est suspendu mais doit être la priorité du prochain gouvernement ».

Ce silence sur les personnels ne doit rien au hasard. Le projet de budget 2025 plombe toute perspective de revalorisation. A cette rentrée, le ministère ne peut annoncer qu'une amélioration du taux de promotion à la hors classe. La gestion des professeurs agrégés, notamment leur évaluation et promotion, passe d'un cadre national dans la main des recteurs.

Le seul changement notable concerne les personnels de direction : un nouveau régime indemnitaire est mis en place et la grille indiciaire est revalorisée au 1er janvier 2025 pour un gain de fin de carrière s'élevant à 3367 € par an.

François Jarraud

Dossier de presse du ministère

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