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Billet de blog 30 septembre 2025

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1er octobre : Un CSE face à la crise de l'Ecole

Le prochain Conseil supérieur de l'éducation (CSE) qui se tient mercredi 1er octobre traduit la crise de l'Ecole. Il porte des textes ministériels supprimant un droit des élèves, révisant les critères du bac et définissant la réforme de la formation initiale. Un point commun: partout c'est le moins disant budgétaire. Quel nouveau/ nouvelle ministre pour porter ces textes ?

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Un ministère aux abois

Illustration 1
Ministère de l'Education nationale © François Jarraud

Le texte le plus significatif concerne la part collective du Pass Culture. Ce dispositif permet aux enseignants de financer des sorties scolaires de la 6ème à la terminale à hauteur de 20 à 30 euros par élève. On peut ainsi réunir le millier d'euros pour un déplacement dans un monument ou un musée, pour aller au théâtre ou rencontrer une personnalité. Le Pass Culture garantit un droit fondamental d'accès à la culture pour tous les élèves. Il est essentiel pour les enfants les plus défavorisés.

Ce droit va disparaitre. Dans le projet d'arrêté, que je me suis procuré, toute référence à une somme fixe disparait. Le tableau définissant le versement par élève en euros est retiré. Le projet de décret modifie l'article 2 du décret de 2021. Au lieu de : "Le montant de la part collective du " pass Culture " est fixé, pour chaque établissement, au prorata du nombre d'élèves scolarisés dans chaque niveau d'enseignement concerné" il est simplement écrit : "Les crédits inscrits en loi de finances, au titre de la part collective du « pass Culture » sont répartis, pour chaque année, entre les établissements scolarisant des élèves". Ainsi disparait un droit individuel d'accès à la culture ! Au lieu de flécher une somme fixe garantie par élève, le nouveau décret laisse au gouvernement la possibilité de fixer la somme qu'il veut pour tous les élèves.

Visiblement elle ne sera pas importante car le texte prévoit aussi que le chef d'établissement est libéré de l'obligation de veiller à une répartition équitable des fonds "entre les élèves d'un même niveau scolaire".  Il pourra faire avec ce qu'on lui donnera...

Cerise sur le gâteau : le décret modifie la durée du versement. "Les dotations collectives sont consommables au titre de l'année en cours. Les crédits non engagés ne peuvent faire l'objet d'aucun report sur l'année scolaire suivante". Le projet de décret passe la dotation de l'année scolaire à l'année civile sans report de fonds. Et là on mesure l'urgence : le décret paraitra avant la fin de l'année civile et le ministère n'aura plus aucun engagement financier à partir de janvier 2026 ! On en est là !

Les réformes du bac encore réformées...

Un autre texte important est un projet de décret modifiant les conditions d'attribution de points par les jurys des bacs technologiques et généraux. La nouvelle rédaction de l'article D334-10 limite la possibilité des jurys de rattraper des candidats. " Le jury peut notamment ajouter des points à la somme de ceux obtenus par le candidat aux épreuves, dans la limite de cinquante points. L’ajout par le jury de ces points ne peut néanmoins conduire à autoriser un candidat, qui n'aurait pas atteint la moyenne de 8 sur 20 au premier groupe d'épreuves, à se présenter au second groupe d’épreuves". Double limitation : maximum 50 points et obligation d'avoir 8/20 pour aller au 2d groupe. Pour le ministère il s'agit de "renforcer le niveau d’exigence attendu pour l’obtention du baccalauréat général et du baccalauréat technologique".

Ce projet de décret a un grand avantage : il ne changera pas grand chose ! Les critères de correction restent dans la main de l'institution. Il permet à peu de frais d'envoyer un message politique. Ajoutons que c'est la énième réforme du bac. Depuis la réforme Blanquer, il n'y a pas eu une année sans modification de cet examen. C'est peut-être le signe de quelque chose...

Une mesure identique n'est pas prévue pour le bac professionnel. Mais un projet d'arrêté modifie le dispositif Avenir Pro. En clair, il ramène à 4 semaines le "parcours de fin d’année de terminale pour la préparation à l’insertion professionnelle ou à la poursuite d’études" (au lieu de 6 semaines). Il ne fallait pourtant pas beaucoup d'esprit d'anticipation pour prévoir que cette mesure allait créer un énorme absentéisme des élèves en fin d'année scolaire. La première édition, en juin 2025, a démontré que les enseignants et leurs syndicats avaient eu raison d'alerter le ministère. Pourtant celui-ci s'obstine à maintenir 4 semaines sans enseignement avant l'examen. Le seul coté positif de la mesure est de relever de deux semaines la durée des enseignements. Ainsi les disciplines professionnelles bénéficient de 1218 heures de cours sur 3 ans au lieu de 1189, et l'enseignement général de 1100 au lieu de 1070. Pour mémoire, avant la réforme Blanquer, les élèves bénéficiaient de 2900 h d'enseignement professionnel et général ! On comprend mieux que celle-ci soit très critiquée.

Un métier bradé

Dernier texte d'importance : le projet d'arrêté fixant le cadre du master métiers de l'enseignement, c'est à dire définissant la réforme de la formation initiale des enseignants. Ce texte n'accorde que 61% du temps de formation à la maitrise disciplinaire aussi bien dans le 1er que dans le 2d degré. Comme le niveau de recrutement est plus bas et qu'une partie importante des candidats sont carrément dispensés des épreuves écrites (c'est le cas des futurs professeurs des écoles passés par la licence ministérielle) on assiste à un réel abaissement du niveau des futurs enseignants. Faute d'offrir des salaires permettant d'attirer de vrais diplômés, le ministère, après avoir bradé les salaires enseignants, brade le recrutement.

Le CSE aura probablement une surprise : la découverte du ou de la nouvelle ministre en charge de l'éducation. A l'intéressé(e) de porter ces textes et la crise de l'Ecole.

François Jarraud

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