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Billet de blog 6 octobre 2025

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Un peu de cran, Sophia Aram !

Moquer ceux qui défient le blocus illégal de la bande de Gaza par Israël avant qu'ils ne soient violentés, faire silence ensuite puis recommencer ?

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Quelle déception, chère Sophia Aram.

Vous qui aviez qualifié "la traversée pseudo-humanitaire" du Madleen (dixit Le Parisien en introduction à votre chronique du 15 juin dernier) de "pantalonnade", évoquant le "cynisme de Greta Thunberg et Rima Hassan faisant semblant [d'apporter aux Gazaouis] un sachet de farine, deux Doliprane et trois serviettes hygiéniques", et qui aviez tenu, comme si cela ne suffisait pas, à vous en prendre avec le même esprit à la Global Sumud Flotilla, une initiative que vous qualifiiez ce 23 septembre de "vent", vous vous contentez ce 30 septembre d'un billet sur Sébastien Lecornu et l'absence de gouvernement français (certes sans oublier de renvoyer dos à dos "le populisme d'extrême-gauche et d'extrême-droite", histoire de nourrir sans scrupule l'idée que Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, ce serait la même chose).

Il est vrai que c'est plus prudent. Parce que moquer les activistes s'employant à défier le blocus illégal de la bande de Gaza tant qu'ils sont en mer et n'ont pas été violentés, c'est sans risque. Le faire en un moment qui peut les voir exposés à la violence d'un État décidé à les arrêter, ce serait plus difficile à assumer. C'est là que vous manquez de cran, vous comme tous ceux qui pour évoquer le Madleen, le Handala ou la flottille ont eu recours à des expressions comme "La croisière s'amuse" (une dénommée Ophélie Roque, FigaroVox le 9 juin 2025, et l'ambassadeur d'Israël en France). Votre humour à tou.te.s lorsqu'il s'agit d'évoquer ces initiatives solidaires est très semblable à celui du ministère des affaires étrangères israélien : il parlait, rappelons-le, du Madleen comme d'un "selfie yacht". Vous, c'est "People Boat" (Le Parisien du 15 juin 2025) : c'est pour le moins ressemblant. Pourquoi ne pas continuer ?

Parce que, ai-je supposé ci-dessus, vous manquez de cran. Sans doute vous en prendrez-vous de nouveau à "Lady Gaza", "influenceuse Hamas" (France Inter le 25 novembre 2025 et Le Parisien du 15 juin 2025) et à "Miss Krisprolls" (Le Parisien du 15 juin 2025), c'est-à-dire à Rima Hassan et à Greta Thunberg, mais sans doute pas en un moment où les membres de la flottille déjà libérés - ces gens qui à vous lire et vous entendre ne faisaient qu'un spectacle - rendent compte des violences exercées contre eux en Israël.

Or je vous invite à plus de cohérence : les risques que prenaient ces gens étaient connus, et ils les ont pris en connaissance de cause. Si vous avez su les moquer alors qu'ils prenaient des risques, sachez les moquer alors qu'ils viennent de subir, ou subissent encore, des violences ; alors, donc, que Rima Hassan est encore incarcérée : allez au bout des choses ! Vous pourriez, par exemple, ironiser sur la façon dont Greta Thunberg a été, selon le journaliste turc Ersin Çelik qui en fut un témoin oculaire, traînée au sol, entre autres sévices. Tenez, je vous aide : vous pourriez parler de gymnastique. Non ? Ce n'est pas drôle ?

Eh bien non, ce n'est pas drôle en effet. Pas plus que votre prétention à vous préoccuper des Palestiniens en évoquant en ouverture de votre chronique du 15 juin 2025 dans Le Parisien "le niveau de souffrance auquel les Gazaouis sont confrontés" pour écrire dans la foulée que l'équipage du Madleen, en somme, se moquerait d'eux. Je doute qu'il vous ait échappé que Rima Hassan s'était entretenue, du navire, avec la pêcheuse de Gaza qui avait donné son nom au bateau. Cette séparation que vous voulez opérer entre souffrance des Gazaouis et volonté de forcer le blocus illégal d'Israël, elle ne tient pas et je ne vous ferai pas l'injure de vous croire si peu renseignée que vous pourriez l'ignorer.

Comme les autres contempteurs des équipages du Madleen, du Handala et de la flottille, vous savez faire silence quand ça vous arrange.

Et dès que cela vous paraîtra opportun vous reprendrez, bien sûr, votre entreprise de diffamation sous couvert d'humour, couverte par la liberté d'expression, accompagnée des rires de vos camarades de France Inter et nullement mise en cause par une directrice de France Inter et une présidente de Radio France plus promptes à réagir à une plaisanterie visant un dirigeant israélien sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale qu'à vous demander de relever un peu le niveau.

Frédéric Debomy

P.S. Sur la plaisanterie de Guillaume Meurice, qui comprenait sa part de maladresse (la blague pouvait aisément plaire à un antisémite) mais n'était nullement judéophobe pour autant, j'ai donné ici mon point de vue :

https://blogs.mediapart.fr/frederic-debomy/blog/060524/quand-france-inter-se-preoccupe-de-la-dignite-de-netanyahou

P. P. S. Parmi les rires on reconnaît celui de Nicolas Demorand qui en d'autres temps s'amusait des plaisanteries de Miguel Benasayag. Pas le même humour que Sophia Aram pourtant mais sans doute cette étonnante plasticité contribue-t-elle à expliquer sa longévité à l'antenne. 

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