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Billet de blog 20 janvier 2012

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Limousin: bataille pour la République

Saint-Léonard de Noblat, 5000 habitants, 21km à l'est de Limoges dans le Limousin. Suite à une décision injuste et arbitraire du rectorat mettant en danger l'avenir à court terme de la ville, les citoyens ont décidé de prendre leur destin en main, le peuple gronde.

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Saint-Léonard de Noblat, 5000 habitants, 21km à l'est de Limoges dans le Limousin. Suite à une décision injuste et arbitraire du rectorat mettant en danger l'avenir à court terme de la ville, les citoyens ont décidé de prendre leur destin en main, le peuple gronde.


L'histoire prend aux tripes. Elle débute par une décision absurde venue d'en haut: 290 postes doivent être supprimés dans l'académie en 2012, soit 4% de l'effectif limousin. Un recteur cela ne discute pas, le petit doigt sur la couture du pantalon celui-ci s'exécute misérablement. Pour Saint-Léonard cela signifie la fermeture de la filière L dans le lycée. Un lycée ne pouvant plus proposer toutes les filières générales à son bassin de population, c'est un lycée à l'agonie. Les jeunes parents hésiteront à y inscrire leurs enfants en seconde et finiront par s'installer ailleurs, donc le nombre d'élèves diminuera progressivement dans les autres sections et à terme cela permettra de justifier la fermeture d'une nouvelle filière jusqu'à l'extinction complète du lycée.
La descente aux enfers puis la fermeture du lycée entraîneront une baisse de l'activité commerciale, accentuée par la baisse de l'attractivité de la ville, elle-même associée à une baisse de l'activité de l’hôpital, tous ces facteurs se renforçant les uns les autres pour aboutir en définitive en quelques années à la désertification de la ville. Passons sur le fait qu'apparemment le département de la Haute-Vienne serait incapable d'absorber cet afflux d'élève sans lycée.
En cette fin de règne il n'y a plus de vision. On sabre dans l'éducation, dans l'avenir, sans projet autre que faire des économies dans une sorte de délire néolibéral sans fin. C'est la décadence complète d'un système à bout de souffle qui, comme dans toutes les fins d'empires, semble vouloir nous entraîner avec lui dans l'abîme.


*


Pourtant dans les ténèbres de la résignation, une lueur s'est allumée. Dans une sorte d'effet de miroir absurde, ce sont d'abord les élèves qui défendent leur établissement devant les décisions séniles d'une caste en perdition, pourtant censée se préoccuper de l'avenir de ses enfants. La jeunesse s'est levée (soulèvement superbement rapporté par notre ami blogueur Jean-Philippe VEYTIZOUX sous forme de fresque). Finalement c'est toute la ville puis les villages alentours qui se soulèvent tranquillement, respectueusement, pour défendre leur lycée, leur ville. Sur tous les territoires menacés du Limousin, des pôles de résistance ont commencé à apparaître, ici pour sauver une école, ici un service hospitalier, là un lycée...Cela n'était pas prévu. Le peuple n'était pas invité à la petite fête. La décision avait pourtant été prise entre gens de bonne compagnie, un crayon à la main, un professeur en moins ici, une classe supprimée là. Tout se passait comme sur des roulettes, le président allait être content. De toute façon le Limousin est une région à gauche alors perdue pour perdue, quelle importance, autant faire des économies. Tous ces "responsables" ont reçu une solide éducation, leurs enfants iront à l'internat ou dans le privé, peu importe ils ont les moyens, ils ne se sentent pas concernés par cette plèbe qui s'agite.

*

Ces résistants doivent savoir qu'ils ne sont pas seuls. Ils ne sont pas SEULS. Un peu partout en Europe le peuple se lève, résiste, mais il manque un liant pour faire tâche d'huile. Ce liant c'est le projet politique qui sous-tend la lutte. Pour quoi se battent tous ces gens? pour la survie d'une éducation publique accessible et de qualité, pour des hôpitaux de proximités performants, en clair les citoyens se battent pour conserver leurs services publics, piliers de notre république.


Ces décisions ne tombent pas du ciel, et elles ne reflètent pas non plus uniquement la volonté du recteur de décrocher la légion d'honneur. N'oublions jamais que la privatisation des services publics, éducation comprise, est inscrite noir sur blanc dans le traité de Lisbonne, dont le contenu avait été refusé sous la forme du TCE par les français. C'est donc bel et bien à un rapt démocratique sur nos biens publics auquel nous assistons, et de la part de nos propres dirigeants pourtant censés assurer notre protection. Il faut bien comprendre que c'est une lutte politique, et celle-ci va gagner en ampleur, en épaisseur, car le massacre des hôpitaux, des écoles, de tous nos services publics va se poursuivre sans le moindre débat bien entendu. Mais les citoyens de ce pays ne se laisseront pas faire, c'est écrit en creux dans le fil de notre histoire. L'oligarchie ne nous a jamais concédé la moindre part de service public, c'est le peuple qui les a conquis de vive force. Nous ne pouvons compter que sur nous-même pour les défendre. La seule sortie possible par le haut de cette crise c'est un projet politique d'envergure, incluant la défense des services publics dans un projet plus large, avec bien entendu la sortie du traité de Lisbonne. Heureusement cette fois-ci il existe un programme qui répond à la hauteur des enjeux.


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En passant une habitante me glisse, "n'avons-nous plus le droit de vivre?".
Toute la violence de ces décisions est résumée dans cette question. Que nos dirigeants se méfient, quand on touche à nos enfants, à notre avenir, à la vie même telle qu'elle est ressentie dans nos villes et nos villages, la limite est franchie. L'histoire nous apprend que c'est souvent un évènement jugé insignifiant par les puissants qui embrase la plaine. Là c'est trop. Ça suffit. On ne peut pas laisser quelques pantins décider de force de l'avenir d'une ville, d'une région. En 1848 l'annulation d'un banquet à Paris provoquera la colère du peuple, et débouchera sur la révolution et l'avènement de la IIème République. Aujourd'hui, 164ans après, c'est une vraie bataille qui s'engage. Toujours pour la République. Pour la VIème République.

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