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Billet de blog 2 novembre 2023

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La Fiancée du poète : les faussaires, selon Yolande Moreau

Film de et avec Yolande Moreau, avec Sergi Lopez, Grégory Gadebois, Estéban, Thomas Guy, Anne Benoît, William Sheller, François Morel, Philippe Duquesne.

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Illustration 1
- Mireille (Yolande Moreau), en jeune mariée avec Elvis (Esteban) -

Le pitch : Amoureuse de peinture et de poésie, Mireille s'accommode de son travail de serveuse à la cafétéria des Beaux-Arts de Charleville tout en vivant de petits larcins et de trafic de cartouches de cigarettes. N'ayant pas les moyens d'entretenir la grande maison familiale des bords de Meuse dont elle hérite, Mireille décide de prendre trois locataires. Trois hommes qui vont bouleverser sa routine et la préparer, sans le savoir, au retour du quatrième : son grand amour de jeunesse, le poète André Pierre, qui se révèle aussi faussaire que les autres…. 

“Sans les faussaires, la vie serait vraiment triste”. Mireille (Yolande Moreau) fait appel à Paul Valéry, dans le premier tiers de La Fiancée du poète, entraînant le spectateur dans le sillage de personnages un peu branquignoles, un peu Pieds Nickelés, jamais méchants, souvent touchants. Des faussaires, faussaires de leurs propres vies, qu’ils essaient d’arranger avec les moyens du bord. Il y a d’abord Mireille, cantinière dans la petite ville de son enfance, qui retrouve la maison de famille qu’elle a quitté à 20 ans ; et on sent bien que les 40 années qui ont suivi ont été faites d’errances en décadence, de bouffées d’espoirs douchées par la réalité. Il y a Bernard (Grégory Gadebois), jardinier le jour et travesti la nuit. Cyril (Thomas Guy), étudiant en beaux-arts, et capable d’imiter à la perfection des tableaux de maîtres. Il y a Elvis (Esteban), vrai immigré turc en attente de permis de séjour, et faux rocker-crooner pour tromper l’ennemi. Et l’improbable père Benoît, curé du village, joué par William Sheller, qui n’avait jamais joué la comédie mais se fond dans le personnage avec grand plaisir visiblement. Enfin, réapparaissant dans la vie de Mireille, Fernando (Sergi Lopez), poète espagnol usurpé et vrai plombier de son état. Cette galerie de portraits se retrouve dans la maison de Mireille, dont elle loue les chambres pour tenter de subvenir aux frais qu’elle génère, et auxquels elle ne peut faire face. 

Pourquoi on a (beaucoup) aimé : “Quand Yolande Moreau arrive sur scène, on a l’impression qu’elle vient de marcher 40 kilomètres sous la pluie avant d’arriver”. Cette description de Jérôme Deschamps - qui la connaît bien - se ressent un peu au début de La Fiancée du poète, où l’on voit dans un long plan-séquence Yolande Moreau - Mireille arriver dans cette maison, marchant au bord de la Meuse, traînant sa petite valise à roulettes derrière elle. On pressent que cette valise contient l’essentiel de sa vie. Grâce à une qualité de son assez pointue, on est tout près d’elle, on entend sa respiration, on ne la quitte pas d’une semelle, sans mot dire. Cette qualité sonore rejoint ensuite la qualité de lumière du film, tout entière au service de cette histoire rocambolesque, mais qui fonctionne pour peu qu’on veuille bien s’y laisser prendre. Les méandres de la Meuse invitent au voyage, à la rêverie, à la poésie et l'on se prend à retrouver Charles Péguy, “... Meuse endormeuse et douce à mon enfance, qui demeures au prés, où tu coules tout bas (…) Et pendant ce temps-là, Meuse ignorante et douce, tu couleras toujours, passante accoutumée, dans la vallée heureuse où l’herbe vive pousse…”. Belge d'origine, Yolande Moreau a tourné dans des lieux connus et appréciés d'elle.

Quelques pépites sont aussi très agréables à voir, comme cette scène d'intérieur de voiture entre Yolande Moreau et François Morel, fumant un joint en se souvenant de Daydream, de Wallace Collection… Onirique parfois, La Fiancée du poète disparaît dans le brouillard, emportant avec elle son rêve de grand cerf, ses attachants faussaires et une certaine idée de la poésie d’une vie qui demeure bien meilleure quand elle est inventée… 

F.S. 

La Fiancée du poète, de Yolande Moreau. 1h45. En salle depuis le 11 octobre. Valois du scénario au Festival du film francophone d’Angoulême en août 2023. 

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