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Tout commence dans un embouteillage à Paris. Un père (Romain Duris, François) et son fils (Paul Kircher, Émile) sont en train de se prendre la tête pour une bête histoire de chips, quand, devant eux, une ambulance est secouée de convulsions. La porte vole en éclat et sort une créature mi-homme, mi-rapace, sans que cela semble émouvoir les gens : la scène a l’air banale. On comprend alors que la scène ne relève pas de l’inédit et que c’est chose commune. Tout de suite après, François et Émile sont dans un hôpital face à un médecin qui parle de transférer Lana (la femme de François et mère d’Émile) dans un centre spécialisé pour les “créatures”, dans les Landes. François et Émile vont migrer dans le sud-ouest, pendant deux mois. Mais dès leur arrivée, un accident du camion transportant les créatures les libère au grand jour : la forêt landaise sera leur refuge, ainsi que celui du jeune Émile…
Thomas Cailley nous révèle une bonne nouvelle : un réalisateur français est capable de produire un film de genre, apanage habituellement de réalisateurs américains, et par le budget et par l’ambition. Avec ses seize millions d’euros de budget, présenté en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en mai dernier, Le Règne animal a paraît-il été acheté par des diffuseurs du monde entier. Audacieux, Thomas Cailley fait œuvre de grand cinéaste, tant sur la forme que sur le fond. Dès le début du film, on est dedans et on ne se pose aucune question, le Règne animal nous épargne le premier quart d’heure habituel des films de genre où la réalisation se croit obligée de nous raconter qui est qui et qui fait quoi comme si on devait absolument tout connaître avant d’être plongé dans l’action. Ni explication, ni conclusion, le spectateur est constamment dans un entre-deux.

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Dérangeant et poétique à la fois, Le Règne animal est aussi un film sur la paternité, un père qui regarde son fils changer. Vif, ardent, nerveux, Romain Duris incarne très bien ce père, comme rarement au cinéma. Paul Kircher est éblouissant, révélé dans le récent Le Lycéen de Christophe Honoré, le fils des comédiens Irène Jacob et Jérôme Kircher et frère de Samuel. On notera aussi la bonne prestation d’Adèle Exarchopulos, en adjudant de gendarmerie, et d’un second rôle inattendue en la personne de Billie Blain, jeune actrice qui donne la réplique à Paul Kircher en copine de lycée, ajoutant une touche de tension à un film qui n’en manque pas, mais jamais gratuitement.
F.S.
Le Règne animal, de Thomas Cailley, avec Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopulos, Billie Blain. 2h08.