Mehdi Hasan affronte Michael T. Flynn sur Al Jazeera, le 4 août 2015 (Vidéo YouTube)
Cet entretien fait suite à la publication, le 18 mai 2015, de documents "secret-défense" rédigés en 2012 par les analystes de la DIA (Defense Intelligence Agency), et que les échelons supérieurs de l'administration américaine ont délibérément ignorés, cf. mon billet précédent.
Commentaires de la journaliste Barbara Tash dans "U.K. Business Insider", 10 août 2015
Traduction de l'article : bibi...
Général Michael T. Flynn : « Nous savions que quelque chose comme l’EI allait venir — et on a merdé ! »
Selon l’ancien chef d’un des plus importants services d’espionnage du gouvernement américain, les Etats-Unis savaient dès 2012 que les extrémistes religieux avaient les moyens de se tailler un sanctuaire important en Syrie, mais les Etats-Unis n’ont pas fait grand chose pour l’empêcher.
Dans un entretien avec Mehdi Hasan sur Al Jazeera, le lieutenant-général en retraite Michael Flynn, qui a dirigé la DIA de 2012 à 2014, a interpelé l’administration sur son inaction alléguée pendant la première année de la guerre civile syrienne.
Hasan note qu’il présente comme « un secret » l’analyse de la DIA datée d’août 2012 qui avertissait que le chaos en Syrie pourrait conduire à la création d’une enclave salafiste dans l’est désertique du pays. Hasan demande à Flynn si ça signifie que les Etats-Unis ont effectivement prédit la montée du Califat ISIS et n’ont rien fait pour s’y opposer.
Flynn confirme, en ajoutant que les Etats-Unis auraient dû avoir une politique plus intelligente de coopération avec la branche laïque des rebelles syriens.
« Je pense que là où nous nous sommes plantés, là où nous avons complètement merdé dans cette opération en Syrie, c’est dès le début, je veux dire il y a quatre ans… L’Armée Syrienne Libre, ce mouvement, où est-il aujourd’hui ? Al-Nosra, où sont-ils aujourd’hui ? », a demandé Flynn. « Quand tu ne t’impliques pas et que tu aides des gens, ils vont trouver d’autres moyens de parvenir à leurs fins ».
Flynn suggère que la non assistance aux premiers rebelles a ouvert un boulevard aux groupes extrémistes. Medhi lui oppose le rapport 2012 de la DIA, selon lequel « Les salafistes, les Frères musulmans et Al Qaida en Irak sont les principales forces qui mènent la révolte en Syrie », et accuse les USA de « coordonner les transferts d’armement vers ces mêmes groupes ».
Flynn dit qu’il a accordé « la plus grande attention » aux rapports tels que celui de la DIA, et laisse entendre qu’il a tenté de opposer aux formes d’assistance qui pourraient bénéficier aux groupes extrémistes. Mais Flynn a contesté le diagnostic de Mehdi selon lequel l’administration aurait sciemment ignoré l’analyse de la DIA, et il explique que la fabrication de la politique US en Syrie a toujours été alambiquée (convoluted).
« Il faut interroger le Président, sur ce qu’il en en train de faire réellement avec la politique qui est en place, parce qu’elle est très très déroutante (very very confusing) », a dit Flynn.
Le groupe djihadiste a fait ses débuts sous le nom de « Al Qaida en Irak », qui a combattu l’armée américaine et l’Etat irakien pendant la campagne US de la dernière décennie dans le pays. ISIS a été exclu d’Al Qaida en février 2014 à cause de la violence sectaire trop brutale du groupe, et de son refus de se soumettre à l’autorité de l’état-major basé en Afghanistan et au Pakistan.
Bien que Al Qaida en Irak ait été entravée (hobbled) quand l’armée US s’est retirée d’Irak en 2011, l’effondrement de la Syrie a offert à AQI un havre de paix (safe heaven).
Le règne d’un gouvernement chiite sectaire à Baghdad, et l’incapacité (failure) du gouvernement de Baghdad a intégrer les militants sunnites anti-Al Qaida aux forces de sécurité, a donné une impulsion supplémentaire à la croissance du groupe.
Pendant l’entretien avec Al Jazeera, Flynn a aussi concédé que les politiques militaires US au Moyen-Orient sont au moins en partie à blamer pour la crise en Syrie, et que les Etats-Unis on commis de nombreuses erreurs stratégiques qui ont rendu possible le conflit.
Il a aussi reconnu que les prisons US en Irak ont causé la radicalisation de milliers de jeunes Irakiens, dont beaucoup combattent aujourd’hui dans les rangs d’ISIS (Islamic State in Irak and Syria).
Fin de l’article.
Pour que chacun prenne la mesure de cet entretien, en voici deux passages retranscrits in extenso, l’un sur les livraisons d’armes aux groupes djihadistes...
Hasan : In 2012 the U.S. was helping coordinate arms transfers to those same groups [Salafists, Muslim Brotherhood, Al Qaeda in Iraq], why did you not stop that if you’re worried about the rise of quote-unquote Islamic extremists ?
Flynn : I hate to say it’s not my job…but that…my job was to…was to to ensure that the accuracy of our intelligence that was being presented was as good as it could be.
... et l’autre, sur les avertissements des espions-analystes de Washington, dont ceux consignés dans le rapport DIA de 2012
Hasan: You are basically saying that even in government at the time you knew these groups were around, you saw this analysis, and you were arguing against it, but who wasn’t listening ?
Flynn: I think the administration.
Hasan: So the administration turned a blind eye to your analysis ?
Flynn: I don’t know that they turned a blind eye, I think it was a decision. I think it was a willful decision.
Hasan: A willful decision to support an insurgency that had Salafists, Al Qaeda and the Muslim Brotherhood ?
Flynn: It was a willful decision to do what they’re doing.
A suivre...
http://thefreethoughtproject.com/media-blacks-pentagon-report-blaming-u-s-creation-isis/
http://www.infowars.com/former-dia-director-us-made-willful-decision-to-support-isis-in-syria/