Gabriel Colletis

Abonné·e de Mediapart

74 Billets

3 Éditions

Billet de blog 4 avril 2010

Gabriel Colletis

Abonné·e de Mediapart

N'exclure ni l'Allemagne ni la Grèce mais combattre une même dictature : celle des marchés financiers !

Gabriel Colletis

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Exclure l'Allemagne ou la Grèce ? Ce serait faire le lit des marchés financiers !

Marianne, 2 avril 2010

N'exclure ni la Grèce ni l'Allemagne…

Après un article suggérant que la Grèce ne peut que sortir de l'Euro (Marianne, 29 mars), il était (presque) sûr qu'arriverait vite l'heure d'un article suggérant d'exclure l'Allemagne (Marianne, 30 mars).

Il s'agit pas ici de nous poser en conciliateur et encore moins en donneur de leçons envers leurs auteurs respectifs.

Chaque thèse comporte des arguments indéniablement bien choisis mais un lecteur pressé pourrait risquer d'être happé dans un double discours interprété comme exprimant la défense d'un camp contre un autre. "Haro sur la Grèce" pour les uns, "Haro sur l'Allemagne" pour les autres ! Le piège pourrait bien vite se refermer…

La financiarisation de l'économie comme dénominateur partagé

Nous pensons que derrière des situations qui apparaissent fortement contrastées, les deux pays (et bien d'autres…) sont confrontés, certes à des degrés et surtout des modalités diverses, à la pression qui résulte de la financiarisation de l'économie.

Dans le format court qu'impose l'écriture de cette contribution, nous ne ferons pas la démonstration (plus facile à faire) pour le cas de la Grèce et pourrons renvoyer à divers papiers disponibles sur notre blog ou encore au texte d'une récente conférence :

http://www.mediapart.frhttp://blogs.mediapart.fr/blog/Gabriel%20Colletis

http://horizonsgrecs.free.fr/page/spip.php?article186

Une compétitivité allemande d'abord fondée sur la qualité des produits et les compétences des salariés

Nous choisissons donc de montrer que l'analyse courante, telle qu'elle est pratiquée en France du moins, du "modèle allemand" est quelque peu caricaturale. L'Allemagne n'est pas simplement en proie à ses obsessions anti-inflationnistes ou encore ne cherche pas uniquement à améliorer sa compétitivité prix par une pression continue à la baisse des salaires.

S'il est tout à fait exact que la part des exportations dans le revenu national allemand ne cesse de croître et que ceci ne peut se faire sans dommage pour tous ses partenaires, il est inexact de considérer que l'hyper compétitivité allemande est centralement fondée sur la maîtrise des coûts (notamment salariaux) et celle des prix. Cette thèse serait d'ailleurs totalement contradictoire avec celle qui consiste à dire que l'industrie allemande ne souffre pas d'un Euro sur-évalué grâce à la faible élasticité-prix de ses produits. En d'autres termes, la compétitivité des produits allemands est d'abord une compétitivité assise sur la qualité des produits offerts et sur les compétences mobilisées pour les produire.

Mais alors comment comprendre que depuis plus de dix ans à présent, les salaires aient à ce point peu augmenté, contraignant, comme cela est très souvent souligné de ce côté-ci du Rhin, la demande intérieure et par conséquent les importations allemandes ?

La réponse tient moins dans un quelconque égoïsme de l'Allemagne ou le refus de jouer une stratégie coopérative avec ses partenaires européens que dans une double explication que nous suggérons à présent.

L'équation allemande n'est pas (exactement) celle que l'on croit

Le premier terme de l'explication est une sorte de compromis passé entre les entreprises et les syndicats : maintien de l'emploi en Allemagne contre non-augmentation des salaires. Évidemment ce compromis n'est possible qu'à la condition que la croissance allemande soit tirée par les seules exportations.

La seconde explication nous intéresse davantage. La non-augmentation des salaires en Allemagne vise aussi un autre objet que le maintien de l'emploi sur le site allemand : tout simplement la hausse des profits imposée par la financiarisation croissante de l'économie allemande. Les entreprises allemandes, habituées à bénéficier depuis longtemps d'un actionnariat stable, se sont adaptées à la pression croissante qu'exercent sur la plupart d'entre elles désormais les marchés financiers ou des actionnaires ne se satisfaisant plus d'une rentabilité de long terme.

L'équation, au final est donc la suivante : le maintien de l'emploi en Allemagne + des objectifs de rentabilité plus élevés (en dépit de salaires en niveau qui restent parmi les plus élevés du monde) = une pression à la baisse sur les salaires + des exportations croissantes.

La rentabilité au moins autant que la compétitivité

Telle est donc le sens de la non-augmentation des salaires allemands.

Ici, l'Allemagne rejoint les autres pays européens, voire tous les pays du monde et leurs populations confrontés à une même dictature : celle des normes financières.

C'est contre ces normes qu'il convient de s'organiser en dénonçant la mise en concurrence généralisée des travailleurs et, aujourd'hui, en évitant de dresse des peuples les uns contre les autres à coup d'exclusions réciproques.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.