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Billet de blog 11 octobre 2024

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Le chaînon manquant Thiers-Boën sur la ligne SNCF Clermont-Saint-Etienne

L'évènement du 5 octobre nécessite de cerner la question  de ce chaînon manquant de Thiers à Boën suspendu de circulation sur la ligne SNCF Clermont-Saint Etienne pour en comprendre les enjeux, l'abandon progressif, les responsabilités et, enfin, récupérer cette voie rénovée scindée en deux depuis 2016. L'action de l'association "LeTrain634269" place chacun devant ces responsabilités

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le train, colonne vertébrale des mobilités, puissant vecteur d’aménagement du territoire entre les grandes métropoles de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, levier incontournable de la transition écologique et sociale est défaillant en continuité sur la ligne la plus courte entre Clermont-Ferrand et Saint-Etienne.

Depuis le 1 juin 2016 en effet, vous ne pouvez plus emprunter cette ligne SNCF de 145 km qui jusque-là malgré une dégradation progressive (de services, absence d'investissement et de maintenance) le permettait. La portion de 48 km entre Thiers et Boën/Lignon qui traverse les Monts du Forez, une zone de moyenne montagne, n'est plus circulante. Cette portion et le service des gares intermédiaires a été suspendue alors au prétexte d’une « dilatation des rails » sous l’effet de la chaleur ; une décision qui participe à l'enclavement des localités sur ce trajet soit toute une région.

Vidéo : Des trains entre BOËN et NOIRÉTABLE. Dernières circulations avant la suspension. Février 2015

Ce 5 octobre, l'association « LeTrain634269 » qui défend le retour à une ligne complète rénovée a organisé "Le relais du rail" de Thiers à Boën, ce chaînon manquant.

« Cette liaison ferroviaire, la plus directe et la plus courte (en temps de trajet) entre les villes de Clermont-Ferrand, de Saint-Etienne et de Lyon, offrait une multiplicité de relations ferroviaires depuis Lyon et les nombreuses agglomérations situées entre Lyon et Saint-Etienne, d’une part, les monts du Forez et le bassin Clermontois de l’autre, ce que la relation Lyon-Clermont-Ferrand via Vichy et Roanne ne permet qu’avec un allongement de la distance et un effacement de multiples combinaisons « origines-destinations ».

Aujourd'hui, la situation est la suivante :

Illustration 1

Pour comprendre comment la dégradation voulue du service public amène fermeture ou suspension des lignes dans les territoire, le cas de Noirétable.

Le train 63 42 69

Depuis cette suspension, des citoyen·nes se sont mobilisé·es pour retrouver une ligne continue rénovée qui concerne près d'un million d'habitants et trois grandes métropoles  : d'abord créé en Collectif le 25 septembre 2020 à l’initiative d’élus locaux, de syndicats et de citoyens prenant la suite du « Challenge Mobilités Auvergne-Rhône-Alpes », celui-ci s’est transformé en association le 27 janvier 2022 avec le but majeur de promouvoir et défendre la réouverture dans sa continuité de la ligne ferroviaire Clermont-Ferrand-Saint-Étienne en étant très active,  avec des rencontres avec élu·es, l'organisation d’évènements, la participation à de nombreuses réunions...  Cette association « Letrain634269 » (Puy-de-Dôme-Loire-Rhône) est actuellement dirigée par trois coprésidents pour préserver son indépendance convoitée sur ce sujet très politique (Karine LEGRAND, Pierre-Olivier MESSNER, Frédéric MENSE). Cet objectif et l'association ont engrangé nombre de soutiens en particulier des populations mais aussi de nombreux élu·es, maires et conseillers régionaux comme de forces politiques.

Parmi les plus récents, citons le vœu adopté le 26 juin 2023 par la commune de Courpière : « Notre territoire ne se réduit pas à ses métropoles et il faut penser aux habitants des zones rurales qui sont fortement pénalisés par l’absence d’offre ferroviaire fiable et cohérente. Les «RER régionaux» vont utiliser exclusivement les lignes existantes du réseau ferré.... »

Ces engagé·es du rail et de l'aménagement des territoires pratiquent avec constance le dialogue avec toutes les parties prenantes et les forces politiques, la sensibilisation des populations aux arguments et solution avancée, des actions symboliques et concrètes pour éviter la fermeture de la ligne en lien avec la contestation juridique des travaux illégaux que tentent de réaliser SNCF Réseau sur les passages à niveaux. L'association veut réparer « cette fracture territoriale et sociale à l’heure où l’urgence climatique et la complémentarité des bassins de vie sont au cœur des préoccupations de chacun ».

Pour regarder l'une ou l'autre des nombreuses vidéos réalisées par l'association sur leur chaîne You Tube.

« Le relais du rail »

Illustration 2
Extrait du Flyer

Une ambiance détendue, des discussions enrichissantes, une journée de beau temps - fenêtre météo favorable sur la période - bonheur partagé sur les visages. La préparation minutieuse y est pour beaucoup, le temps a fait le reste.

Trajet et réception à Boën © Georges-André

--> Consulter le port-folio complémentaire qui relatent la journée - trajet et animations - publié ce même jour

Train ou car, y'a pas photo

A défaut de train, le car ? De son canapé ou de son bureau, on peut trouver que le car est un moyen alternatif valable et s'en tenir là.

Lisez donc ceci : « L’abominable ligne Thiers-Boën » 2 décembre 2021

Lisez encore : « De Boën-sur-Lignon (Loire) à Thiers (Puy-de-Dôme), le long de la terrible ligne SNCF » 9 décembre 2021

Publiés par deux journaux non susceptibles d'être militants, ces deux témoignages très concrets interpellent.

L'association précise : « La substitution des trains par des autocars sur la section centrale n’est pas attractive, ni en termes de confort et de temps de parcours. Elle prive de nombreux usagers de prendre les mobilités à faible émission de gaz à effet de serre et de se déplacer tout simplement ! Une rupture de charge [changer de train ou bus] est même nécessaire en gares de Thiers et Boën, quand la correspondance fonctionne…Il y a souvent des correspondances obligatoires à Thiers ou à Boën, ce qui alourdit le trajet. »

Sur cette question, écouter France-inter du 13 septembre 2024

Le confort des routes vallonnées et des virages entre Thiers et Boën est très très relatif en bus, toujours plus long que le train. Faut pas craindre le « mal des transports » qui secoue les estomacs. De plus, soumis aux aléas du trafic et de la météo, le transport en bus compromet les correspondances avec les trains à Saint-Étienne ou Clermont-Ferrand.

L'association poursuit son plaidoyer pour le train :

  • « Les services de trains du côté de Boën vers Saint-Etienne ne fonctionnent ni les samedis, ni les dimanches.
  • Les services de bus de complément ou de remplacement exigent 20 mn de plus entre Boën et Saint-Etienne.
  • Les services de bus directs Saint-Etienne-Clermont-Ferrand trois fois par jour ne desservent aucune agglomération intermédiaire mais mettent presque autant de temps que les trains supprimés qui effectuaient plusieurs arrêts.
  • Les rares bus de desserte fine de bout en bout affichent des temps de parcours interminables : trois heures pour 145 km !
  • Une déstructuration de la trame horaire, des fiches illisibles et des fréquences dignes d’un pays du tiers-monde : on déplore sur cet axe ce que la « multimodalité », cache-sexe du désengagement ferroviaire dans les territoires abandonnés avec transfert majoritaire sur route, peut faire de pire. »

Bref, le trajet de desserte des villes intermédiaires donne un temps de parcours identique aux cars express qui font la liaison directe sans arrêt par autoroute entre Clermont et Saint-Etienne ; avec le train le temps de parcours est garanti sauf panne liée à la maintenance du matériel roulant ou des voies parce qu'ils éliminent les aléas météo et de circulation notamment à l'approche de l'hiver et des villes quand les trains arrivent en centre-ville ; le train offre plus de confort, plus de services, plus de sécurité *. De plus, une desserte dense et fine identique en car est nettement plus onéreuse que celle du train. De fait, les avantages du train sont multiples : l 'urgence climatique, l'intérêt économique des passagers et de la région, le désenclavement du territoire, la sécurité des passagers.

Et si c'est pas le car, c'est la voiture, plus dangereuse, plus chère, pour les bien portants, possédant un permis, valide, une voiture en état de rouler, au risque et péril de la conductrice ou du conducteur  et ...des passagers.

Qui peut débloquer cette situation de face-à-face où chacun se renvoie la balle ?

Les responsabilités sont claires : L'État est le propriétaire de l'infrastructure. SNCF Réseau est le gestionnaire de l'infrastructure ; il appartient au groupe SNCF. La Région Auvergne Rhône-Alpes est l'Autorité organisatrice des mobilités. Elle décide de la politique de transports de sa propre région dont les réouvertures de lignes. D'autres collectivités pourraient être amenées à participer au tour de table pour le montage financier.

L'association précise dans un communiqué du 3 octobre 2024 : « L’exemple de la réouverture Boën-Montbrison montre qu’il est possible de parvenir à un accord, à condition que les parties prenantes s’engagent autour de la table, au lieu de se rejeter la responsabilité, comme c’est malheureusement le cas actuellement.[...] La région Auvergne-Rhône-Alpes, en tant qu’autorité organisatrice des mobilités depuis 2002, est chargée de porter les projets de réouverture, y compris pour la ligne Clermont-Ferrand – Saint-Étienne via Thiers et Boën. L’État ainsi que les collectivités locales peuvent aussi participer financièrement, comme cela a été le cas en région Occitanie, où plusieurs réouvertures de lignes sont en cours, soutenues par une convention spécifique en dehors des Contrats de Plan État-Région (CPER). »

Le déblocage serait effectué par une décision régionale pour peu que le successeur de Laurent Wauquiez à la tête de la Région en prennent l'initiative. Son prédécesseur n'était pas des plus fervent défenseur du train tout occupé ailleurs et favorable au car, sans pour autant fermer la porte en faisant simplement lanterner et participer au renvoi de balles. Il s'agit aujourd'hui de ne pas insulter l'avenir des mobilités, ne pas tourner le dos à l'avenir ferroviaire.
L'initiative ? La Région est autorité organisatrice des mobilités et donneur d'ordre. Elle a la responsabilité d'engager la procédure pour réunir autour de la table Région et SNCF pour trouver un financement. Le co-président Pierre-Olivier Messner ajoute : « L'initiative serait de proposer une convention de financement avec la Région et de prendre sa part dans le financement (sur ce dernier point la Région refuse, arguant que l'infrastructure appartient à l'État et que ce n'est pas à elle d'investir sur l'infrastructure). Il y a quelques années la Région a mis 200 millions d'euros sur la RN88 [déviation largement contestée] cela ne lui a pas posé de problème et ce n'était pas à l'époque de sa compétence ! »

Le groupe « Les Ecologistes » au conseil Régional a publié un article fort instructif. Soulignant qu'en « 2019, la majorité régionale a finalement proposé la réouverture du tronçon Boën-Montbrison en direction de Saint-Etienne et par la même occasion enterré le projet de réouverture de la ligne Boën-Thiers. » et autres joyeusetés à découvrir.

La voiture électrique est un leurre et une nouvelle dépendance extérieure (surtout chinoise en particulier via les terres rares) si le trafic routier (automobiles et camions) ne diminue pas. Le train pour les usagers et le ferroutage, serpent de mer des décideurs qui n'en veulent pas, est une nécessité pressante pour le fret. Le train est le seul moyen de transport qui soit une véritable alternative à ces changements d'échelle. Le maillage fin du territoire est une priorité dans les changements de nos modes de vie qui est en fait un changement civilisationnel donc des priorités à l'action publique.

Une étude aux trois scénarios et après ?

Enfin, une étude pilotée par le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) a été financé par le conseil régional en février 2021. Cette étude a porté sur la « Liaison clermont-Ferrand – Saint Etienne : Etude d'opportunité relative à la section Thiers-Boën » . Nous avons pu lire le dossier « Réunion de restitution de l'étude » du 15 mai 2023. Cette présentation examine trois scénarios, chiffre les réalisations, les avantages et inconvénients respectifs (pour laisser le conseil régional à sa seule décision ou plutôt à son président d'alors, Laurent Wauquiez, qui a feint de plaider le train pour faire passer les cars, qui s'est bombardé conseiller spécial du président nouveau de la Région, son successeur. Fauteuil ou strapontin ?) :

  • le renforcement de « l'offre car »
  • la réouverture de la voie ferrée jusqu'à seulement La Monnerie, première gare après Thiers,
  • la réouverture complète et continue de la ligne

Le document Cemera chiffre les travaux de ce dernier scénario à 115 millions d’euros alors qu’ils étaient évalués à 50 millions d’euros  en 2016 (le temps passe et le budget nécessaire grossit)  La route c'est combien ? Jamais de chiffrage. Commode ! La Région Auvergne-Rhône-Alpes n'a pas non plus signé de « Protocole d’accord Etat – Région relatifs à l’avenir des petites lignes ferroviaires ».

C'est bien d'abord la Région AURA en la personne de son président actuel qui détient le pouvoir de lancer la procédure de mise en état de la ligne mais c'est bien l'Etat, propriétaire du réseau national qui n'a pas financé suffisamment SNCF Réseau, chargé de réaliser les travaux.

Illégalité de l'enrobage des passages à niveau

L'association est parvenue à empêcher la fermeture de la ligne. Mais les coups pas très réglos pour rendre irréversible la solution « ligne continue », ne sont pas écartés pour autant. Elle s'oppose en particulier au goudronnage des passages à niveau, « travaux qui consistent à scier les rails, enlever traverses et ballast et à les remplacer par un enrobé » (FNAUT Infos) qui rendent encore plus irréversible la situation de retour à une ligne en continue. Près de quarante passages à niveau et seize tunnels sur cette portion.

«  L’association LeTrain634269 a été alertée qu’à partir du lundi 15 juillet 2024, SNCF Réseau compte procéder au démantèlement des passages à niveau n°74 à Leigneux (42) et n°61 à Vêtre-sur-Anzon (42). Cette action est une nouvelle tentative de sabotage pour empêcher toute reprise de circulation ferroviaire sur le tronçon. La section ferroviaire Boën-Thiers n’est pas déclassée et la reprise des circulations est possible dès lors qu'une décision politique sera prise.[...] Le goudronnage des passages à niveau est une pratique totalement illégale...Par ailleurs, toujours à l’insu des usagers, SNCF Réseau organise le transfert de propriété des sections démantelées au Conseil Départemental de la Loire.»

C'est la FNAUT (Fédération Nationale des Associations d'Usagers des Transports) qui a esté en justice : « C’est le goudronnage des passages à niveau d’Oyonnax, juste après la fin du trafic, qui a donné l’occasion à la Cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon 21-9-23 n°021LY04213) de condamner les goudronnages de passages à niveau effectués par SNCF Réseau. La Cour a jugé, comme le soutenait la FNAUT, que le goudronnage d’un P.N. d’une ligne non déclassée est constitutif d’une contravention de grande voirie, en raison de l’atteinte au domaine public. Et il importe peu que SNCF Réseau en soit le propriétaire (ou aujourd’hui l’affectataire) et présente ces travaux comme de simples travaux d’entretien (qu’ils ne sont pas). » dans FNAUT Infos septembre/octobre 2024 « Actualités - Ligne Clermont-Ferrand – St-Etienne : S’opposer au goudronnage des passages à niveau, P 8 et 9 »

La décision de recours en Conseil d'Etat après cette illégalité confirmée en appel de Lyon est attendue, en fin d'année ou début de l'année prochaine. Elle sera déterminante pour la suite des actions partout en France sur ces lignes qui doivent vivre et revivre.

Finalement, 15 juillet 2024, La SNCF renonce à bitumer illégalement deux passages à niveau.

Et, 16 juillet 2024, sur France Bleu Saint-Etienne Loire, une victoire en forme de répit provisoire.

Comme l'écrit l'association qui a organisé cette journée du 5 octobre : « […] les Régions ont un rôle important, une réelle dynamique peut se créer autour du train à condition d’avoir une infrastructure performante et de reconstruire une offre globale autour des territoires. Une ligne de train est structurante pour toute une région à condition que l’offre soit performante, alors la demande suivra. Par exemple l’offre horaire doit être en phase avec la demande de l’usager...

Nous devons relier les bassins de mobilités de la région du Forez et de la Limagne afin de créer un troisième pôle générateur de richesses et d'échanges. Le transport ferroviaire joue un rôle structurant dans l'articulation des territoires et constitue un levier de développement économique majeur. La réouverture de la ligne Thiers-Boën constitue ainsi une étape clé pour la concrétisation de ce projet ambitieux. »

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Sauf indication contraire les citations sont extraites de divers documents de l'association « Letrain634269 ».

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Ils en ont parlé, quelques exemples :

FRANCE 3 Auvergne-Rhône-Alpes 15 mai 2023 et 17 avril 2023

FRANCE INTER 13 septembre 2024

Octobre 2024 - Jean-Pierre FARANDOU, PDG de la SNCF, a été entendu par les membres de la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale et interpelé par les députés Jean-Pierre Taite, représentant la 6ᵉ circonscription de la Loire (Les Républicains) et Nicolas Bonnet (Les Ecologistes), député de la 3ᵉ circonscription du Puy-de-Dôme.

* Places assises et toilettes spacieuses (en car direct avec trajet de plus de 3h, faut « prendre ses précautions »...), plus supportables avec enfants en bas-âge (déplacements possibles), transports de bagages volumineux et des vélos, animaux de compagnie autorisés, prise en charge des personnes handicapées dans les gares des métropoles, sécurité aux aléas météo : neige, verglas, forte pluie...

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