Quelle peut être la sécurité de la France sans être une formule toute faite et des choix forcés à la militarisation de nos gouvernants et de leur politique ?
La sécurité de la France liée à celle de l'Europe
La sécurité de la France est intégrée à la sécurité de l'Europe même si elle garde un volet national intégrant les spécificités françaises, points forts et faibles. Il en est ainsi depuis que ce continent est menacé par la Russie de Poutine comme il le fut dans une moindre proportion par la Russie soviétique mais à l'époque l'équilibre des menaces n'a pas abouti aux actes hostiles d'aujourd'hui et la politique des USA n'était pas celle d'aujourd'hui qui fait de Trump et Poutine les meilleurs alliés.
Poutine vise principalement à faire peur aux opinions publiques européennes et à leurs dirigeants pour obtenir un cessez-le feu en Ukraine tel qu'il le désire soit une capitulation de l'Ukraine agressée. Par un tel accord, qui serait obtenu sous la double pression des USA et de la Russie, l'Europe serait décrédibilisée pour toutes réactions autres que verbales face à d'autres guerres d'agression en Europe ce qui lui laisserait le champ libre pour une nouvelle aventure guerrière à défaut de diplomatie à la hussarde.
Une déclaration digne du café du commerce est celle tenue par le député Bastien Lachaud, député LFI de Seine-Saint-Denis, membre de la commission de la défense. « Nous n’avons pas à craindre une guerre conventionnelle avec la Russie, nous sommes une puissance dotée de l’arme nucléaire (…). La Russie ne nous attaquera pas sans craindre l’abîme, le chaos et la destruction ». Comme si la France devait attendre des troupes russes à sa frontière pour s'inquiéter d'autant que ce n'est pas maintenant la menace la plus évidente !
On remarquera que la situation géographique change quelque peu la perception de cette menace : quand certains en France se croient à l'abri avec une naïveté réelle consternante, d'autres comme la Finlandaise Li Andersson, députée européenne, s'alarme de cette menace bien réelle et déclare en particulier, dans un interview décapant publié dans ce journal : « ... Être dotés de capacités de défense crédibles est important. C’est ce que mon parti a admis en Finlande, au voisinage d’une puissance de plus en plus hostile et impérialiste. Cela signifie qu’il faut élaborer une analyse spécifique pour chaque pays, et accepter d’éventuelles augmentations de la défense si elles correspondent à un réel besoin.... »
L'Europe entière est sous les menaces verbales et les actes hostiles de la Russie de Poutine : Pour les pays de l'ancienne zone soviétique c'est la volonté du dictateur russe de les voir redevenir des pays satellites et ainsi retrouver la puissance de l'URSS inspirant sa peur au temps de la guerre froide. Pour les autres, dont la France, c'est par des actes hostiles, des intimidations répétées, des sabotages bien réels et des campagnes de désinformation propres à faire prendre des vessies pour des lanternes, que dictateur veut imposer une vassalisation par le chaos et la confusion afin d'avoir des gouvernements pro-Poutine, peureux et complaisants avec a complicité des grandes sociétés qui ne regardent que leurs intérêts financiers. L'arme nucléaire est une arme de dissuasion, seulement une arme de dissuasion. Il ne serait pas possible de l'employer contre la Russie sans recevoir un déluge de missiles nucléaires provoquant un apocalypse sur tout le continent. Poutine sait aussi les dégâts qu'il encourrait même avec un arsenal nucléaire français plus réduit.
Quelles menaces ?
Au-delà de l'intimidation, la Russie de Poutine pratique déjà des actes hostiles - soit directement, soit avec des complices à sa solde d'autres pays - à l'égard de l'Europe. Ils ne sont pas d'abord et seulement militaire mais politique, économique et civisationnel, déjà mis en œuvre et pas qu'un peu, qu'on en juge :
- en survolant par de multiples drônes territoires et sites sensibles en Pologne, Roumanie, Estonie Danemark, Allemagne, Belgique et France y compris près de la base des sous-marins nucléaires de l'ïle Longue, mais aussi des survols avec des avions militaires en Estonie, Lituanie et Norvège.
- en pratiquant des sabotages en particulier le 15 novembre sur la voie ferré reliant Varsovie-Lublin qui conduit directement en Ukraine, seule voie ferrée pour acheminer l'aide à l'Ukraine mais encore de multiples attaques des sytèmes d'eau et énergétiques dans différents pays.
- en recrutant sur telegram pour des actes de sabotage prorusses en Europe (attaque de dépôts de carburant ou de véhicules militaires),
- en pratiquant de multiples cyber-attaques dont celle récente visant le système de contrôle allemand du trafic aérien,
- en pratiquant de multiples campagnes de désinformation (avec faux scoop de dernière minute) pour influencer les élections dans différents pays dont les législatives allemandes récentes comme celle de Géorgie etc,
- en montant des opérations de déstabilisation visant l'opinion publique comme nous avons connu ici en France avec mains rouges, cercueils, étoiles de David et en connaîtrons d'autres... la liste n'est pas close.
On lira sur Alternatives économiques » avec profit l'entretien avec David Chavalarias : « La Russie instrumentalise les fractures de la société française » 5 juillet 2024.
Au demeurant les pro-Poutine qui, dans notre pays et en Europe, ont la parole complaisante ou complice vis à vis de la Russie fragilisent un peu plus cette prise de conscience en participant à la confusion des esprits.
La menace n'est donc pas qu'une menace virtuelle « pour plus tard » mais s'inscrit déjà dans ces actes hostiles qui menacent nos systèmes d'information, de circulation, de sécurité, de cohésion sociale, en France et en Europe. Pour autant, cette menace ne peut pas être qu'une réponse militaire avec davantage de productions d'armement même si, soutenir l'Ukraine avec la disparition progressive de cette aide par les USA impose une augmentation de l'armement, des moyens de surveillance et renseignements qui pour l'instant ne sont pas en capacité de prendre la relève des USA malgré Trump qui joue à fond la politique de Poutine et la capitulation de l'Ukraine pour faire du business en Russie avant tout le monde et son porte-feuille.
Ne nous y trompons pas, ce trumpisme est l'habit neuf du fascisme qui rejette le droit et le respect de la vie humaine, raciste, xénophobe, sexiste, violent et poutinophile. C'est la boîte de Pandore, une nouvelle fois ouverte, qui ne se refermera pas avec le retrait de Donald Trump, même s'il n'a pas fini de faire des dégâts. Ce "nouveau"fascisme modèle l'internationale « extrême-droite » (AFD, RN, Ukip...) favorable aux thèses de Poutine. Cette idéologie traverse toutes nos sociétés, permises par un déferlement d'éructations trumpiennes, cette extrême-droite qui a conquis le pouvoir à Washington et entend le garder.
Cette réponse militaire (augmentation des budgets et service militaire de volontaires) est tout ce que veut Macron... ingénument, pourrait-on presque dire. Est-ce nécessaire ? Est-ce suffisant ? Est-ce prioritaire ?
Sans prétendre à l'exhaustivité, quels éléments à retenir ?
1 - Non seulement interdire mais contrôler et punir fortement toutes les sociétés qui continuent à commercer avec la Russie permettant à son économie de continuer à fonctionner voire à soutenir sa guerre. Le business international profite de toutes les situations, guerre ou pas, illégales ou pas. A ne pas sévir et pas seulement symboliquement, ce gouvernement en est aussi responsable.
Depuis la guerre lancée par la Russie en février 2022, la liste est longue et pas exhaustive :
Le Monde 14 mars 2022 : « La France a livré des équipements militaires à la Russie jusqu’en 2020, après l’embargo décidé par l’UE »
Rapport au Parlement sur les exportations : 4 juillet 2024 « La France a continué à exporter des biens à double usage à la Russie en 2022 »
Médiapart 20 octobre 2024 « Malgré l’embargo européen, des pièces d’avions Airbus et Safran vendues à la Russie »
Mediapart 12 décembre 2024 « Guerre en Ukraine : malgré l’embargo, des pneus Michelin équipent des avions du régime russe »
Disclose 20 février 2025 « En pleine guerre en Ukraine, des milliers de composants Airbus et Boeing équipent l’aviation russe »
Le Monde 23 octobre 2025 « Russian Secrets » : comment la Russie a bâti un réseau d’espionnage dans l’Arctique avec des équipements européens »
France Info 13 décembre 2025 « Guerre en Ukraine : polémique autour des livraisons en France de pétrole arrivé de Russie »
Et Thalès poursuit maintenant en diffamation le media indépendant Disclos, nouvelle procédure-baîllon, « pour avoir révélé en juin 2024 que la multinationale française livrait secrètement du matériel de guerre en Israël. ».
Avec le scandale de Lafarge, actuellement en procès, « pour financement du terrorisme et violation d'embargo, soupçonnés d'avoir versé en 2013 et 2014 à des groupes rebelles, dont l'État islamique (EI) et Jabhat al-Nosra, plusieurs millions d'euros afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord de la Syrie », nos gouvernants pourraient se montrer un peu plus ferme et un peu moins favorable au business corrompu.
On le voit, malgré les interdits et embargos clamés par l'état français, le business continue autant que faire se peut dans ces conflits. Mais que fait donc ce gouvernement et le président pour faire cesser ces pratiques illégales et criminelles ? On sait : il déclare « pas d'armes envoyées ». En somme, un certain détachement pour les pièces détachées et business always good.
2 - Il pourrait être organisé dans une pluralité réelle des voix, des assemblées, sérieusement préparées et de façon plurielles, pour en débattre sans nécessité de consensus en s'appuyant sur les faits et les distinguer des opinions. Si elles étaient conçues dans une optique de propagande, soit exposer une seule voie, celle du gouvernement, elle apporterait plus de défiance même irraisonnée et dommageable que de confiance et de choix de chacun. A l'inverse, elle ouvrirait un chemin vers une prise en compte plus réelle des situations qui souffrent d'une exacerbation des tensions largement alimentées par les faits. Ce peut être un moyen de mieux articuler la sécurité nationale et européenne avec les citoyens, base même d'une mobilisation citoyenne et d'une prise de conscience raisonnée qui ne cède pas au complotisme. Evidemment Macron a déjà fait des grands raouts à sa sauce pour n'en rien tirer sinon calmer le jeu pour lui-même. Peut-il accepter d'entendre autre chose que sa propre idée ?
3 - Il est urgent d'arrêter de propager et de développer un discours de haine et stigmatisation à l'égard de tant de groupes et de personnes depuis tant d'années : les migrants (hors Europe du Nord), les "éco-terroristes", les "islamogauchistes" ... (vocabulaire stigmatisation et de rejet), arrêter de traiter d'extrémistes, à légal du RN, les militants LFI, arrêter d'attaquer la presse dans des procédures-baillons, poursuivre et blesser des militant·es et activistes dès que ceux-ci refusent les diktats d'un pouvoir qui ne veut rien entendre, arrêter de courir après l'idéologie du RN.
Ah oui, Sainte Soline, pas de bavures policières ? Pas d'armes utilisées indûment ? Et les bassines, parlons-en cette fois en positif, après cette répression policière sanglante au printemps 2023 à Sainte-Soline qui « avait mobilisé contre lui 30 000 personnes soumises à une répression d’une violence sans précédent. Deux ans après, les tribunaux finissent par reconnaître l’illégalité de la méga-bassine de Sainte-Soline, ses promoteurs sont en quasi faillite financière et la presse dévoile encore l’ampleur de la répression étatique ». Nous avons reçu un mel de Bassine Non-Merci 63 (dont cette citation est extraite) qui informe de l'abandon du projet des giga-bassines de 18 et 15 ha sur les communes de Bouzel et de Saint-Georges-sur-Allier en Puy-de-Dôme » par Limagrain, internationale semencière et agroalimentaire, qui voulait imposer ces bassines contre tous et toutes. Nous avons alors chroniqué cette manifestation sous grosse chaleur qui avait réuni 6000 personnes en mai 2024.
La cohésion nationale ne se décrète pas et la politique de Macron menée depuis son 1er mandat, les attaques menées contre ces groupes et personnes n'ont pas cessé de rabaisser non seulement la démocratie mais la cohésion nationale (y compris par ces petites phrases du président qui démontrent son dédain) dressant nos compatriotes les uns contre les autres, permettant à l'idéologie nationale d'imposer son langage de haine et d'intolérance qui a gagné aujourd'hui à peu près toute la société. Cette cohésion dont j'ai déjà parlé est la condition numéro 1 pour la sécurité de la France si on ne veut pas qu'elle soit minée par le complotisme, par les refus irraisonnés d'entendre malgré les faits, par ces politiques qui sont la voix de Moscou et d'autres si complaisantes pour chanter un équilibre fallacieux. Ceux-là minent la mobilisation et la prise de conscience. Ils auront à répondre de leurs actes et de leur paroles.
Alors bien sûr si ce président, en un sursaut de grandeur et de modestie pour la fin de son second quinquennat, voulait enfin faire don de son orgueil à la France en s'attelant à une autre politique, un autre ton, une reconnaissance réelle (non du bout des lèvres sans lendemain) que les oppositions venant de la société civile sont non seulement légitimes mais bien souvent justifiées, alors il réduirait ces voix haineuses et complaisantes pour mettre à jour les faiblesses de l'armement français (et le reste de l'Europe !) qui ne sait même pas arrêter les drônes survolant son territoire et les sites sensibles. Alors un réarmement peut s'entendre sans attendre pour assurer in fine une sécurité européenne bien entamée et d'abord par le sort réservé à l'Ukraine qui ne peut vraiment pas donner raison à l'agresseur qui vaudrait encouragement à attaquer ailleurs. Par sa résistance, l'Ukraine contribue au premier chef à la sécurité en Europe. Tout doit être fait pour la soutenir. L'Europe est au pied du mur pour assumer cette urgence et nouvelle responsabilité historique. L'Europe tarde à l'assumer pleinement et le temps est compté..
La sécurité de l'Europe est le cadre de la sécurité de la France. Elle est à fois globale et différenciée. Globale parce que la sécurité européenne est une. L'oublier ou le nier serait préparer des lignes Maginot pas plus efficaces que l'historique en se recroquevillant sur un territoire national comme voilà au moins un siècle. Différenciée parce que chaque pays peut y apporter une contribution selon ses possibilités, sa taille et son histoire, sa position géographique sans qu'aucune ne se défausse sur les autres.
Quoi qu'on en pense des moyens de la sécurité européenne et française, la seule sécurité par les moyens de l'armée nécessaire (et que cela nous plaise ou pas c'est bien d'un réarmement qu'il s'agit à condition que cela ne pèse pas encore sur services publics et protection sociale) ne serait qu'une dangereuse illusion si elle devait ne concerner que cette dimension. Les ultras riches peuvent donner assez significativement pour alléger leurs consciences et avouer leur patriotisme sans compensation vu que céder du fric n'est pas ce qu'il préfère.
Ce n'est pas une armée de professionnels qui protègerait la nation, c'est la Nation elle-même qui se protège en débattant des moyens de faire face sans s'étriper pour cause idéologique ou toute autre cause. La guerre en Ukraine montre assez que c'est cette nation dans son ensemble qui résiste acculée par cette agression et cette volonté de détruire. Nous n'en sommes pas là et n'avons pas à y être sans céder aux sirènes de la peur qui fait courber le dos comme préparer des combats militaires qui n'amènent que destructions et deuils.
C'est la paix qui est le chemin de la sécurité mais une paix qui ne refuse pas de voir le réel de la configuration européenne qui, avec le lâchage des USA, pose sérieusement question à cette Europe. En aucun cas, préparer la guerre mais tout faire pour ne jamais y arriver.