Parmi les nombreux crimes du Professeur X, du Groupe État Psychanalytique, celui d'avoir, à des parents éplorés, comme il leur transmettait un diagnostic d'autisme, asséné qu'ils devaient « faire le deuil de leur enfant ». Ce à quoi, prenant au pied de la lettre cette exhortation, les parents ne consentirent nullement.
Le crime fut d'abord rapporté dans la touchante monographie que les parents de l'enfant écrivirent sur leur parcours, puis par tous et chacun des divers groupes de réverbération anti-psytout, et enfin par le tout venant des journalistes. Le Professeur X n'avait-il pas conseillé de faire exiler l'enfant, de le faire institutionnaliser, et de demander à ses parents de le laisser choir, de l'abandonner, bref de l'exciser de la cellule familiale ?
Que de brutalité, que de sadisme, que d'absence de toute humanité. Damné Professeur X, abominable Professeur X.
Alors je me suis renseigné, instruit par d'antérieures fonctions à la direction d'un Centre d'Action Médico-Sociale Précoce, dont le travail consiste à recevoir des enfants très jeunes, de la naissance à 6 ans, handicapés, et de les recevoir avec leurs parents, et de ces parents aussi recevoir de ce fait leurs tourments, leurs espoirs, leurs rêves et leurs réalités.
Faire le deuil, ça m'évoquait bien quelque chose.
Le Deuil, le Deuil, mais le Deuil de qui au juste, ou bien de quoi au juste.
Comme outre que je suis méchant, je suis bête et paresseux, j'ai cherché, sur internet pour ne pas me fatiguer, et encore pas qu'en France.
Et je suis tombé sur ça, émanant du site de la Fédération Québécoise de l'Autisme.
En voici un petit extrait...
L’annonce du diagnostic: un choc inévitable
Vous venez de vivre l’annonce du diagnostic concernant votre enfant et vous ressentez une multitude d’émotions. Même si chaque individu vit cet événement à sa manière, avoir un enfant différent exige de faire le deuil de l’enfant que l’on voulait parfait.
Les parents sont très souvent affectés par l’annonce d’un diagnostic d’autisme ou d’un trouble envahissant du développement, comme pour tout autre handicap. Quel que soit l’âge de l’enfant au moment où le diagnostic est prononcé, ils vivent un sentiment d’échec; celui de ne pas avoir conçu un enfant «normal», en bonne santé. Plusieurs se sentent responsables du handicap de leur enfant. Cependant, malgré la difficile situation à laquelle sont confrontés les parents, l'enfant a besoin d'être reconnu et accepté pour bien se développer. Comprendre de quoi il souffre permet aux parents de voir diminuer leur sentiment de culpabilité et de mieux faire face à la situation.
L'attitude parentale est aussi fortement influencée par la manière dont la société et la communauté perçoivent la différence, le « hors norme ». Un enfant autiste est tellement différent qu’il peut susciter de l’inquiétude dans son milieu; c’est la peur de l'inconnu et de la différence. Parce qu’il bouscule parfois les conventions sociales, il arrive qu’il provoque un malaise chez les autres.
Certains parents s'investissent dans les soins à leur enfant de manière excessive. Ce peut être pour eux une façon de se déculpabiliser : ils font l’impossible pour que leur enfant «guérisse», pour qu’un enfant imaginaire remplace l’enfant réel.
D'autres parents, incapables d'accepter l'enfant réel, fuient la réalité dans un réflexe de protection. Ces réactions peuvent souvent être transitoires. Les parents et leur entourage traversent, chacun à leur rythme, les étapes du deuil de l’enfant idéal (c'est moi qui souligne GB). Il est important de pouvoir se situer dans ce processus, mais également de percevoir à quelle étape en est son entourage afin que les échanges se fassent dans le même esprit.
Et si le diagnostic n’était pas encore confirmé?
Habituellement, c’est le pédiatre qui fournira la référence pour obtenir un rendez-vous chez un pédopsychiatre. Comme le processus varie selon les réalités régionales, vous pourriez être dirigé vers un centre hospitalier pour enfants, un centre hospitalier universitaire, une clinique de développement pour enfants, etc.
Suit une description des « 5 étapes du deuil de l'enfant rêvé ».
Qu'a donc bien dit le Professeur X ? Et bien, qu'il veuille bien me pardonner, une grande banalité, qui traîne du reste un peu partout, dans le domaine du handicap.et même sur le site de la FQA, qui n'est guère un bastion de forcenés de la psychanalyse, chacun en conviendra. Faire le deuil d'un rêve, d'un espoir, d'un mirage, pour pouvoir faire face à la réalité. Faire le deuil d'un enfant rêvé, incorporel, pour reconnaître le vrai enfant, en chair, en os et en pensées.
Rien de plus. Rien de bien « psychanalytique » non plus du reste, que du banal.
Les parents ne l'entendirent pas de cette oreille. Peut être, ils en avaient bien le droit, et nul ne pourrait leur jeter la première pierre. Mais les commentateurs, ils auraient pu faire, comme moi, leur petite enquête, vu qu'ils sont honnêtes et droits, et ne pas dire des âneries.
Éviter de faire du Professeur X le Méphistophélès qu'il n'est pas.
Éviter de transformer une grande banalité en une grande méchanceté, ou en une grande idée psychanalytique.
Faire le deuil, peut être, de son Enfant Conceptuel Parfait, admettre son imperfection, sa relativité. C'était du reste le conseil que je prodiguais à d'autres, dans mon précédent billet, celui d'accepter le "Nouvel Autisme" comme un environnement possible, et même accueillant.