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Billet de blog 5 août 2016

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Le nouvel état d'esprit démocratique en Turquie

Les négociations entre le pouvoir et l'opposition pour l'organisation d'un meeting à Istanbul dimanche prochain révèlent les enjeux et difficultés auxquels la scène politique turque est confrontée après la tentative de putsch.

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"Il doit y aller !" "Il ne doit pas y aller !" Le débat aura fait rage tout ce vendredi sur les réseaux sociaux turc. "Il", c'est le leader du parti kémaliste invité à participer au meeting monstre organisé par le pouvoir dimanche prochain à Istanbul.

Tayyip Erdogan, après avoir invité le 25 juillet en son si critiqué palais les dirigeants de deux des trois partis d'opposition représentés au parlement, en excluant le parti de gauche pro-kurde, a voulu réitérer cette rencontre historique devant la foule en invitant le leader kémaliste et le leader nationaliste à prendre la parole et à participer au dernier des meetings que le pouvoir aura organisés tous les jours depuis la tentative de putsch sous le nom de "Veille démocratique". Organisé dimanche à Istanbul dans un immense espace dédié à ces manifestations géantes dont la politique turque raffole, il doit porter le nom de "Meeting pour la démocratie et les martyrs [de la tentative de putsch]".

Le leader kémaliste avait commencé par refuser, tout en proposant qu'une délégation de son parti se rende au meeting, pour deux raisons : le désaccord de son parti avec la façon dont est appliqué l'état d'urgence ; une volonté de ne pas permettre à Tayyip Erdogan de "relever son crédit en baisse auprès des Occidentaux en utilisant les leaders de l'opposition". Des mots durs qui, en d'autres temps (avant le putsch), auraient déclenché la fureur de Tayyip Erdogan.

Mais le président turc tente manifestement de présenter un nouveau visage depuis quelques temps. Après s'être excusé une première fois auprès de Vladimir Poutine le 27 juin dernier dans l'affaire de l'avion russe abattu, il venait avant-hier de demander pardon "auprès du peuple et auprès de Dieu" pour avoir laissé les réseaux gülenistes infiltrer l'Etat turc. Une propension à l'autocritique que personne ne lui connaissait jusqu'ici... Nouvelle surprise, dans l'affaire du meeting, dans le fait que face aux propos sévères du leader kémaliste, il réagisse en insistant et renouvelant son invitation.

En deux jours, à peu près tout le gratin du parti au pouvoir a rencontré ou téléphoné au leader kémaliste pour le convaincre : le premier ministre et leader du parti, tel député, l'ancien président de la République, on en passe... Dans l'attente de l'issue d'un comité central directeur extraordinaire du parti kémaliste convoqué pour trancher, les réseaux sociaux s'emballent, les éditorialistes aussi...

Vers 13h, le suspense prend fin : le leader kémaliste viendra, provoquant les remerciements de Tayyip Erdogan. Mais il pose ses conditions. Qu'il soit reçu dans le cadre du protocole d'Etat, avec les mesures de sécurité en rapport. Que soient connus les temps de parole de chacun des orateurs. Et que soit affiché un poster géant de Mustafa Kemal Atatürk, sans qu'aucune autre affiche ne soit plus grande que celle-ci (!). Le leader nationaliste, qui avait accepté de se rendre au meeting plus rapidement, a quant à lui envoyé un message à ses partisants pour les inviter à éviter toute provocation et à adopter un "comportement fraternel et conforme à l'esprit national".

La confiance ne règne pas encore, et la guerre des symboles fait rage, mais le comportement des foules au meeting dimanche sera un indice important de la façon dont le climat politique turc peut évoluer.

Comme indiqué hier dans ce blog, la grande inconnue de ce futur climat politique tient également dans la façon dont va être gérée la "question kurde". Hier et aujourd'hui, l'est du pays a encore été traumatisé par de nouvelles attaques du PKK faisant des victimes dans les forces armées, suivies de nouvelles représailles. Interrogeant des responsables du parti au pouvoir sur l'exclusion du parti de gauche pro-kurde de "l'ouverture" politique en cours, le secrétaire général du Conseil de l'Europe, qui a par ailleurs rencontré la dirigeante du parti en question et donné une interview remarquée en Turquie pour l'édition anglaise de Hürriyet, s'est vu répondre que ce n'était pas impossible, mais que ce n'était pour l'instant pas le bon moment... 

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