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Billet de blog 1 février 2013

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Quand les banques arnaquent les vieillards

      Ma tante vient de se faire arnaquer par sa banque. Agée de 86 ans, elle vit seule dans un gros village de l’Ardèche. Elle est non imposable. Il y a quelques mois, elle a répondu à un questionnaire parfaitement indiscret de sa banque. Prétextant une enquête demandée par le ministère des finances, on la sommait d’indiquer ses revenus et de détailler son patrimoine. Officiellement il s’agissait de détecter l’argent sale et son blanchiment, pas moins !

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Ma tante vient de se faire arnaquer par sa banque. Agée de 86 ans, elle vit seule dans un gros village de l’Ardèche. Elle est non imposable. Il y a quelques mois, elle a répondu à un questionnaire parfaitement indiscret de sa banque. Prétextant une enquête demandée par le ministère des finances, on la sommait d’indiquer ses revenus et de détailler son patrimoine. Officiellement il s’agissait de détecter l’argent sale et son blanchiment, pas moins !

Ma tante a fait l’erreur de répondre, malgré mes mises en garde. Quelques temps plus tard, le « conseiller financier » lui a rendu visite à domicile. Après avoir passé en revu ses (petites) économies, il a détaillé… ses dépenses. Et oui, le brave homme avait imprimé les derniers extraits de compte où figuraient les débits payés par carte ou par chèques. De quoi faire des remarques équivoques sur le « train de vie » de la dame !

Puis le zélé conseiller a persuadé ma tante de souscrire une assurance garantie obsèques. Car il n’y a que des avantages à ce produit moderne et populaire. On place de l’argent qui rapporte des intérêts. Le jour venu, ce petit capital ainsi accru servira à payer les obsèques. La famille affligée sera déchargée par la généreuse banque de tous les soucis et n’aura rien à acquitter. Après une heure de discussion, la vieille dame a fini par souscrire cette miraculeuse assurance pour 3000 euro.

Quelques temps plus tard elle a reçu une lettre comminatoire émanant d’une société de pompes funèbres située dans… les Côtes d’Armor. Autant dire à l’autre bout de la France. Cette société explique qu’elle est concessionnaire exclusif de l’assurance et que c’est elle qui organisera les obsèques de ma tante en Ardèche, même si elle n’a pas de succursale dans la région, ce qui est le cas.

Contacté à ce sujet, le « conseiller financier » confirme que, oui, il n’y a aucun problème. Le jour venu, les pompes funèbres des Côtes d’Armor, délégueront les obsèques à un sous-traitant, selon les tarifs en vigueur dans la région. Donc au moins disant, qu’il soit à Valence, ou à Marseille. Pourquoi pas à un soumissionné polonais, proposé par un donneur d’ordre anglais ? C’est le bon côté de la concurrence : l’Europe des pompes funèbres est en marche !

Pourtant, le jour venu, ma tante veut être inhumée selon les coutumes locales, par le croque mort local, comme tout un chacun dans le village. Je l’ai donc aidé à écrire ses deux lettres recommandées. La première pour récuser la société des Côtes d’Armor. La seconde à la filiale assurance de la banque pour désigner l’entreprise locale chargée des futures obsèques. Mais la banque ne traite pas avec le prestataire local et elle ne veut pas le connaître. En outre, selon le contrat bien ficelé, la banque conservera le capital déjà versé !

En attendant, faisons un petit calcul. Si en France trois millions de personnes âgées se sont laissées convaincre de souscrire un contrat d’assurance obsèques, c’est au bas mot plus de 10 milliards d’euro que les banques auront engrangés facilement. Et lorsqu’on se penche sur les conditions de cette « assurance » inscrites en petites lettres illisibles, on découvre que les sommes versées ultérieurement seront en fait bien inférieures aux cotisations souscrites. Sans compter tous les vieillards complètement grugés, comme ma tante. Les futurs macchabées sont décidément de vraies poules aux œufs d’or !

Ainsi le capitalisme bancaire et financier trouve sans cesse de nouveaux espaces à conquérir. Le commerce de la mort était déjà passablement monopolistique, aux mains de quelques groupes rapaces responsables de l’inflation galopante des coûts des obsèques. Mais ce marché juteux échappait aux banques. Elles sont passées à l’attaque. Leurs  « conseillers financiers », stimulés par des objectifs et par des primes, traquent les personnes âgées pour placer des contrats conçus pour les plumer. Triste réalité de ce capitalisme macabre[1].

Ma tante fait désormais le tour du village pour prévenir de l’arnaque de la banque ses connaissances du même âge. Les victimes se révèlent déjà nombreuses, particulièrement dans la maison de retraite. Mais au-delà de ce racket scandaleux si bien organisé, que dire de cette extraordinaire innovation sociale qui revient à soustraire aux familles le soin des obsèques de leurs anciens ?


[1]Un problème similaire a déjà fait l’objet de billets, en particulier dans le blog de Grain de sel, à voir ici.

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